Images de page
PDF
ePub

S'il devient peuple, il est perdu. Les Etats de la république Chaque automne s'assembleront; Et là, notre regret unique, Nos uniques peines seront De ne pouvoir toute l'année Suivre cette loi fortunée De philosophiques loisirs, Jusqu'à ce moment où la Parque Emporte dans la même barque Nos jeux, nos cœurs et nos plaisirs.

7

DE

J.-B. ROUSSEAU,

PAR LEFRANC DE POMPIGNAN.

ODE.

QUAND le premier chantre du monde

Expira sur les bords glacés

Où l'Hèbre, effrayé dans son onde,
Reçut ses membres dispersés,

Le Thrace, errant sur les montagnes,
Remplit les bois et les campagnes
Du cri perçant de ses douleurs;
Les champs de l'air en retențirent,
Et dans les antres qui gémirent
Le lion répandit des pleurs.

La France a perdu son Orphée...
Muses, dans ce moment de deuil,
Elevez le pompeux trophée

Que vous demande son cercueil.
Laissez, par de nouveaux prodiges,
D'éclatans et dignes vestiges

D'un jour marqué par vos regrets.
Ainsi le tombeau de Virgile

Est couvert du laurier fertile

Qui par vos soins ne meurt jamais.

D'une brillante et triste vie
Rousseau quitte aujourd'hui les fers;
Et loin du ciel de sa patrie

La mort terminę ses revers.

D'où ses maux prirent-ils leur source?
Quelles épines dans sa course
Etouffoient les fleurs sous ses pas!
Quels ennuis, quelle vie errante,
Et quelle foule renaissante
D'adversaires et de combats!

Jusques à quand, mortels farouches,
Vivrons-nous de haine et d'aigreur?
Prêterons-nous toujours nos bouches
Au langage de la fureur?
Implacable dans ma colère,
Je m'applaudis de la misère
De mon ennemi terrassé :
11 se relève, je succombe,
Et moi-même à ses pieds je tombe
Frappé du trait que j'ai lancé.

Du sein des ombres éternelles,
S'élevant au trône des dieux,
L'Envie offusque de ses ailes
Tout éclat qui frappe ses yeux.
Quel ministre, quel capitaine,
Quel monarque vaincra sa haine
Et les injustices du sort?

Le temps à peine les consomme,
Et quoi que fasse le grand homme,
Il n'est grand homme qu'à sa mort.

Le Nil a vu sur ses rivages
Les noirs habitans des désert's
Insulter, par leurs cris sauvages,
L'astre éclatant de l'univers.
Cris impuissans, fureurs bizarres !
Tandis que ces monstres barbares
Poussoient d'insolentes clameurs,
Le dieu, poursuivant sa carrière
Versoit des torrens de lumière
Sur ces obscurs blasphémateurs.

Favoris, élèves dociles
De ce ministre d'Apollon,
Vous à qui ces conseils utiles
Ont ouvert le sacré vallon,
Accourez, troupe désolée;
Déposez sur son mausolée
Votre muse qu'il inspiroit.
La mort a frappé votre maître,
Et d'un souffle a fait disparoître
Le flambeau qui vous éclairoit.

Et vous, dont sa fière harmonie
Egala les superbes sons',
Qui reviviez dans ce génie,
Formé par vos seules leçons,
Mânes d'Alcée et de Pindare
Que votre suffrage répare
La rigueur de son sort fatal;
Dans la nuit du séjour funèbre
Consolez son ombre célèbre,
Et couronnez votre rival.

༣་

DE VOLTAIRE.

A MADEMOISELLE DE L***

Les vous et les tu.

PHILIS, qu'est devenu ce temps
Où, dans un fiacre promenée,
Sans laquais, sans ajustemens,
De tes grâces seules ornée,
Contente d'un mauvais soupé
Que tu changeois en ambrosie,
Tu te livrois dans ta folie
A l'amant heureux et trompé
Qui t'avoit consacré sa vie?
Le ciel ne te donnoit alors,
Pour tout rang et pour tous trésors,
Que les agrémens de ton âge,
Un coeur tendre, un esprit volage,
Un sein d'albâtre et de beaux yeux.
Avec tant d'attraits précieux,
Hélas! qui n'eût été friponné?
Tu le fus, objet gracieux!
Et, que l'amour me le pardonne!
Tu sais que je t'en aimois mieux.
Ah! madame, que votre vie,
D'honneurs aujourd'hui si remplie,

« PrécédentContinuer »