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A notre France languissante.
Il porta le sceptre des rois,
Et le garda jusqu'à nonante.
Régner est un amusement

Pour un vieillard triste et pesant,
De toute autre chose incapable;
Mais vieux bel esprit, vieux amant,
Vieux chanteur est insupportable.

C'est à vous, ô jeune Boufflers,
A vous dont notre Suisse admire

Le crayon, la prose et les vers,
Et les petits contes pour rire;
C'est à vous de chanter Thémire,
Et de briller dans un festin,
Animé du triple délire

Des vers, de l'amour et du vin.

A M. DE CIDEVILLE.

Bruxelles, 12 juillet 1741.

Si vous voulez que j'aime encore,
Rendez-moi l'âge des amours;
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s'il se peut, l'aurore.

Des beaux lieux où le dieu du vin
Avec l'Amour tient son empire,
Le Temps, qui me prend par la main,
M'avertit que je me retire.

De son inflexible rigueur

Tirons au moins quelque avantage.
Qui n'a pas l'esprit de son âge,

De son âge a tout le malheur.

Laissons à la belle jeunesse
Ses folâtres emportemens:
Nous ne vivons que deux momens;
Qu'il en soit un pour la sagesse.

Quoi! pour toujours vous me fuyez,
Tendresse, illusion, folie,

Dons du ciel qui me consoliez
Des amertumes de la vie !

On meurt deux fois, je le vois bien :
Cesser d'aimer et d'être aimable,
C'est une mort insupportable;
Cesser de vivre, ce n'est rien.

Ainsi je déplorois la perte

Des erreurs de mes premiers ans ;
Et mon âme, aux désirs ouverte,
Regrettoit ses égaremens.

Du ciel alors daiguant descendre,
L'Amitié vint à mon secours;
Elle étoit peut-être aussi tendre,
Mais moins vive que les amours.

Touché de sa beauté nouvelle,
Et de sa lumière éclairé,
Je la suivis; mais je pleurai
De ne pouvoir plus suivre qu'elle.

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DESCRIPTION

DE L'ORAGE,

PAR SAINT-LAMBERT.

On voit à l'horizon de deux points opposés
Des nuages monter dans les airs embrasés.
On les voit s'épaissir, s'élever et s'étendre ;
D'un tonnerre éloigné le bruit s'est fait entendre ;
Les flots en ont frémi, l'air en est ébranlé,
Et le long du vallon le feuillage a tremblé.
Les monts ont prolongé le lugubre murmure
Dont le son lent et sourd attriste la nature.
Il succède à ce bruit un calme plein d'horreur,
Et la terre en silence attend dans la terreur.
Des monts et des rochers le vaste amphithéâtre
Disparoît tout à coup sous un voile grisâtre ;
Le nuage élargi les couvre de ses flancs;
Il pèse sur les airs tranquilles et brûlans.
Mais des traits enflammés ont sillonné la nue,
Et la foudre en grondant roule dans l'étendue;
Elle redouble, vole, éclate dans les airs:
Leur nuit est plus profonde, et de vastes éclairs
En font sortir sans cesse un jour pâle et livide.
Du couchant enflammé s'élance un vent rapide;
Il tourne sur la plaine, et, rasant les sillons,

Il roule un sable noir qu'il pousse en tourbillons.
Ce nuage nouveau, ce torrent de poussière
Dérobe à la campagne un reste de lumière.
La peur, l'airain sonnant dans les temples sacrés,
Font entrer à grands flots les peuples égarés.
Grand Dieu! vois à tes pieds leur foule consternée
Te demander le prix des travaux de l'année.
Hélas! d'un ciel en feu les globules glacés
Ecrasent en tombant les épis renversés;
Le tonnerre et les vents déchirent les nuages;
Les ruisseaux en torrens dévastent leurs rivages.
O récolte! ô moisson! tout périt sans retour :
L'ouvrage de l'année est détruit dans un jour.
Il n'est plus de bonheur, l'espérance est perdue;
Des femmes, des vieillards les cris percent la nue.
Le hameau retentit d'horribles hurlemens ;
Les vents à ces clameurs mêlent leurs sifflemens;
Les cris des animaux effrayés du tonnerre.
Ce fracas répété du ciel et de la terre,
Ces ravages, la nuit, la tempête en fureur,
Tout inspire à la fois l'épouvante et l'horreur.

LES DISPUTES,

POËME;

PAR RHULLIÈRES.

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V1

INGT têtes, vingt avis; nouvel an, nouveau goût; Autre ville, autres moeurs; tout change, on détruit tout. Examine pour toi ce que ton voisin pense;

Le plus beau droit de l'homme est cette indépendance.
Mais ne dispute point; les desseins éternels,
Cachés au sein de Dieu, sont trop loin des mortels;
Le peu que nous savons d'une façon certaine,
Frivole comme nous, ne vaut pas tant de peine.
Le monde est plein d'erreurs; mais de là je conclus
Que prêcher la raison n'est qu'une erreur de plus.

En parcourant au loin la planète où nous sommes, Que verrons-nous? les torts et les travers des hommes. lci c'est un synode, et là c'est un divan;

Nous verrons le muphti, le derviche, l'iman,
Le bonze, le lama, le talapoin, le pope,
Les antiques rabins, et les abbés d'Europe,
Nos moines, nos prélats, nos docteurs agrégés;
Etes-vous disputeurs, mes amis? Voyagez.

Qu'un jeune ambitieux ait ravagé la terre;
Qu'un regard de Vénus ait allumé la guerre ;

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