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ACTE SECOND.

SCENE I.

M. BALIVEAU, M. FRANCALEU.

M. BALIVEAU.

L'HEUREUX tempérament ! Ma joie en est extrême. Gai, vif, aimant à rire; enfin toujours le même.

M. FRANCALEU.

C'est que je vous revois. Oui, mon cher Baliveau,
Embrassons-nous encore, et que tout de nouveau
De l'ancienne amitié ce témoignage éclate.
La séparation n'est pas de fraîche date.
Convenez-en, pendant l'intervalle écoulé,
La parque, à la sourdine, a diablement filé.

En auriez-vous l'humeur moins gaillarde et moins vive?
Pour moi, je suis de tout: joueur, amant, convive;
Fréquentant, fêtoyant les bons faiseurs de vers:
J'en fais même comme eux.

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Pas tout-à-fait comme eux ; car je les fais sans peine.

Aussi me traitent-ils de poëte à la douzaine ;

Mais, en dépit d'eux tous, ma muse, en tapinois,
Se fait, dans le Mercure, applaudir tous les mois.

Comment?

M. BALIVEAU.

M. FRANCALEU.

J'y prends le nom d'une Basse-Bretonne. Sous ce voile étranger, je ris, je plais, j'étonne; Et le masque femelle agaçant le lecteur,

De tel qui m'a raillé, fait mon adorateur.

M. BALIVEAU, à part.

Il est devenu fou.

M. FRANCALEU.

Lisez-vous le Mercure?

M. BALIVEAU.

Jamais.

M. FRANCALEU.

Tant pis, morbleu ! tant pis! Bonne lecture! Lisez celui du mois ; vous y verrez encor Comme aux dépens d'un fou je m'y donne l'essor. Je ne sais pas qui c'est. Mais le benêt s'abuse, Jusque-là qu'il me uomme une dixième muse, Et qu'il me veut pour femme avoir absolument. Moi, j'ai par un sonnet riposté galamment. Je goûte à ce commerce un plaisir incroyable. Et vous ne trouvez pas l'aventure impayable?

M. BALIVEAU.

Ma foi, je n'aime point que vous ayez donné
Dans un goût pour lequel vous étiez si peu né.
Vous, poëte! eh! bon Dieu! depuis quand? Vous !

M. FRANCALEU.

Moi-même,

Je ne saurois vous dire au juste le quantième.

Dans ma tête, un beau jour, ce talent se trouva;
Et j'avois cinquante ans quand cela m'arriva.
Enfin, je veux, chez moi, que tout chante et tout rie.
L'âge avance, et le goût, avec l'âge, varie.

Je ne saurois fixer le temps ni les désirs;

Mais je fixe du moins, chez moi, tous les plaisirs.
Aujourd'hui nous jouons une pièce excellente.
J'en suis l'auteur. Elle a pour titre, l'Indolente.
Ridicule jamais ne fut si bien daubé;

Et vous êtes, pour rire, on ne peut mieux tombé.

M. BALIVEAU.

Ne comptez pas sur moi. J'ai quelque affaire en tête, Qui ne feroit chez vous de moi qu'un trouble-fête.

M. FRANCALEU.

Et quelle affaire encore?

M. BALIVEAU.

Un diable de neveu

Me fait, par ses écarts, mourir à petit feu.
C'est un garçon d'esprit, d'assez belle apparence,
De qui j'avois conçu la plus haute espérance.
J'en fis l'unique objet d'un soin tout paternel;
Mais rien ne rectifie un mauvais naturel.

Pour achever son droit ( n'est-ce pas une honte?)
Il est depuis cinq ans à Paris, de bon compte.
J'arrive; je le trouve encore au premier pas,
Endetté, vagabond, sans ce qu'on ne sait pas.
Ne pourrois-je obtenir, pour peu qu'on me seconde,
Un ordre qui le mette en lieu qui m'en réponde?
Ne connoissant personne, et vous sachant ici,

Je venois...

M. FRANCALEU.

Vous aurez cet ordre.

M. BALIVEAU.

Grand merci.

M. FRANCALEU.

Mais plaisir pour plaisir.

M. BALIVEAU.

Pour vous que puis-je faire?

M. FRANCALEU.

Dans la pièce du jour prendre un rôle de père.

Un rôle à moi?

M. BALIVEAU.

M. FRANCALEU.

Sans doute, à vous.

M. BALIVEAU.

C'est tout de bon?

M. FRANCALEU.

Oui; n'êtes-vous pas bien de l'âge d'un barbon?

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m. francaleu, tirant le rôle de sa poche.

Tenez, tenez.

M. BALIVEAU.

Quoi! je serois venu...

M. FRANCALEU.

Pour recevoir ensemble et rendre un bon office.

M. BALIVEAU.

Je vois bien qu'il faudra qu'à la fin j'obéisse,
Mon coquin paiera donc...

M. FRANCALEU.

Oui, oui j'en suis garant;

Demain, on vous le coffre au faubourg Saint-Laurent.

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