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vent sur le gazon, sur les chardons, sur la fougère, et, sans se soucier beaucoup de ce qu'on lui fait porter, il se couche pour se rouler toutes les fois qu'il le peut, et semble par-là reprocher à son maître le peu de soin qu'on prend de lui; car il ne se vautre pas comme le cheval dans la fange et dans l'eau; il craint même de se mouiller les pieds, et se détourne pour éviter la boue; aussi a-t-il la jambe plus sèche et plus nette que le cheval il est susceptible d'éducation, et l'on en a vu d'assez bien dressés pour faire curiosité de spectacle.

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Dans la première jeunesse il est gai, et même assez joli ; il a de la légèreté et de la gentillesse; mais il la perd bientôt, soit par l'âge, soit par les mauvais traitemens; et il devient lent, indocile et têtu......... Il s'attache cependant à son maître, quoiqu'il en soit ordinairement maltraité; il le sent de loin et le distingue de tous les autres hommes; il reconnoît anssi les lieux qu'il a coutume d'habiter, les chemins qu'il a fréquentés; il a les yeux bous, l'odorat admirable, l'oreille excellente, ce qui a encore contribué à le faire mettre au nombre des animaux timides, qui ont tous, à ce qu'on prétend, l'ouïe très-fine et les oreilles longues : lorsqu'on le surcharge, il le marque en inclinant la tête et baissant les oreilles; lorsqu'on le tourmente trop, il ouvre la bouche et retire les lèvres d'une manière trèsdésagréable, ce qui lui donne l'air moqueur et dérisoire ; si on lui couvre les yeux, il reste immobile; et lorsqu'il est couché sur le côté, si on lui place la tête de manière que l'oeil soit appuyé sur la terre, et qu'on couvre l'autre oeil avee une pierre ou un morceau de bois, il restera dans cette situation sans faire aucun mouvement et sans se secouer pour se relever; il marche, il trotte, et il galope comme le cheval; mais tous

ses mouvemens sont petits et beaucoup plus lents; quoiqu'il puisse d'abord courir avec assez de vitesse, il ne peut fournir qu'une petite carrière pendant un petit espace de temps; et quelque allure qu'il prenne, si on le presse, il est bientôt rendu.

L'OISEAU-MOUCHE.

De tous les êtres animés, voici le plus élégant pour la forme et le plus brillant pour les couleurs; les pierres et les métaux polis par notre art ne sont pas comparables à ce bijou de la nature: elle l'a placé dans l'ordre des oiseaux au dernier degré de l'échelle de grandeur; sou chef-d'œuvre est le petit oiseau-mouche; elle l'a comblé de tous les dons qu'elle n'a fait que partager aux autres oiseaux : légèreté, rapidité, prestesse, grâce et riche parure, tout appartient à ce petit favori. L'émerande, le rubis, la topaze brillent sur ses habits; il ne les souille jamais de la poussière de la terre; et, dans sa vie tout aérienne, on le voit à peine toucher le gazon par instant; il est toujours en l'air, volant de fleurs en fleurs; il a leur fraîcheur comme il a leur éclat; il vit de leur nectar, et n'habite que les climats où sans cesse elles se renouvellent.

C'est dans les contrées les plus chaudes du NouveauMonde que se trouvent toutes les espèces d'oiseau mouches; elles sont assez nombreuses, et paroissent confinées entre les deux tropiques; car ceux qui s'avancent en été dans les zones tempérées n'y font qu'un court séjour; ils semblent suivre le soleil, s'avancer, se retirer avec lui, et voler sur l'aile des zéphirs à la suite d'un printemps éternel.

Les Indiens, frappés de l'éclat et du feu que rendent les couleurs de ces brillans oiseaux, leur avoient donné les noms de rayons ou cheveux du soleil. Pour le volume, les petites espèces de ces oiseaux sont au-dessous de la grande mouche asyle (le taon) pour la grandeur, et du bourdon pour la grosseur. Leur bec est une aiguille fine, et leur langue un fil délié; leurs petits yeux noirs ne paroissent que deux points brillans ; les plumes de leurs ailes sont si délicates qu'elles en paroissent transparentes. A peine aperçoit-on leurs pieds tant ils sont courts et menus; ils en font peu d'usage, et ils ne se posent que pour passer la nuit, et se laissent, pendant le jour, emporter dans les airs; leur vol est continu, bourdonnant et rapide; on compare le bruit de leurs ailes à celui d'un rouet. Leur battement est si vif, que l'oiseau, s'arrêtant dans les airs, paroît non-seulement immobile, mais tout-à-fait sans action. On le voit s'arrêter ainsi quelques instans devant une fleur, et partir comme un trait pour aller à une autre; il les visite toutes, plongeant sa petite langue dans leur sein, les flattant de ses ailes, sans jamais s'y fixer; mais aussi sans les quitter jamais. Il ne presse ses inconstances que pour mieux suivre ses amours et multiplier ses jouissances innocentes, car cet amant léger des fleurs vit à leurs dépens, sans les flétrir; il ne fait que pomper leur miel, et c'est à cet usage que sa langue paroît uniquement destinée : elle est composée de deux fibres creuses, formant un petit canal, divisé au hout en deux filets; elle a la forme d'une trompe, dont elle fait les fonctions; l'oiseau la darde hors de son bec, et la plonge jusqu'au fond du calice des fleurs pour en tirer les sucs.

Rien n'égale la vivacité de ces petits oiseaux, si ce n'est leur courage, ou plutôt leur audace. On les voit

poursuivre avec furie des oiseaux vingt fois plus gros qu'eux, s'attacher à leurs corps, et se laissant emporter par leur vol, les béqueter à coups redoublés jusqu'à ce qu'ils aient assouvi leur petite colère. Quelquefois même ils se livrent entre eux de très-vifs combats : l'impatience paroît être leur âme; s'ils s'approcheut d'une fleur, et qu'ils la trouvent fanée, ils lui arrachent les pétales avec une précipitation qui marque leur dépit. Ils n'ont point d'autre voix qu' un petit cri fréquent et répété ; ils le font entendre dans les bois dès l'aurore, jusqu'à ce qu'aux premiers rayons du soleil tous prennent l'essor et se dispersent dans les campagnes.

18e siècle.

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DIALOGUE

DE

SYLLA ET D'EUCRATE.

QUELQUES

UELQUES jours après que Sylla se fut démis de la dictature, j'appris que la réputation que j'avois parmi les philosophes lui faisoit souhaiter de me voir. Il étoit à sa maison de Tibur, où il jouissoit des premiers momens tranquilles de sa vie. Je ne sentis point devant Jui le désordre où nous jette ordinairement la présence des grands hommes. Et dès que nous fùmes seuls : Sylla, lui dis-je, vous vous êtes douc mis vous-même dans cet état de médiocrité qui afflige presque tous les humains? Vous avez renoncé à cet empire que votre gloire et vos vertus vous donnoient sur tous les hommes? La fortune semble être gênée de ne plus vous élever aux honneurs.

Eucrate, me dit-il, si je ne suis plus en spectacle à l'univers, c'est la faute des choses humaines, qui ont des bornes, et non pas la mienne. J'ai cru avoir rempli ma destinée, dès que je n'ai plus eu à faire de grandes choses. Je n'étois point fait pour gouverner tranquillement un peuple esclave. J'aime à remporter

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