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COMÉDIE

ACTE PREMIER.

SCENE I.

MONDOR, LISETTE, tenant un rouleau de papier à la main.

MONDOR.

CETTE maison des champs me paroît un bon gîte. Je voudrois bien ne pas en décamper si vite : Surtout m'y retrouvant avec les yeux fripons, Auprès de qui, pour moi tous les gîtes sont bons. Mais de mon maître ici n'ayant point de nouvelles, Il faut que je revole à Paris.

LISETTE.

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Tu l'appelles ?

Damis. Le connois-tu ?

MONDOR.

LISETTE.

Non.

MONDOR.

Adieu donc.

LISETTE.

Adieu.

MONDOR.

On m'a pourtant bien dit : chez monsieur Francaleu.

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M'y voilà.

Damis doit être ici, chaque mot me le prouve :
Quand le diable en seroit, il faut que je l'y trouve.

LISETTE.

Sa mine, ses habits, son état, sa façon ?

MONDOR.

Oh! c'est ce qui n'est pas facile à peindre : non.
Car selon la pensée où son esprit se plonge,
Sa face, à chaque instant, s'élargit ou s'allonge.
Il se néglige trop, ou se pare à l'excès:

D'état, il n'en a point, et n'en aura jamais.
C'est un homme isolé qui vit en volontaire ;
Qui n'est bourgeois, abbé, robin, ni militaire;
Qui va, vient, veille, sue, et se tourmentant bien,
Travaille nuit et jour, et jamais ne fait rien :
Au surplus, rassemblant dans sa seule personne
Plusieurs originaux qu'au théâtre on nous donne,
Misanthrope, étourdi, complaisant, glorieux,
Distrait... ce dernier-ci le désigne le mieux :
Et tiens, s'il est ici, je gage mes oreilles

Qu'il est, dans quelque allée, à bayer aux corneilles,

S'approchant pas à pas d'un haha qui l'attend,
Et qu'il n'apercevra qu'en s'y précipitant.

LISETTE.

Je m'oriente... On a l'homme que tu souhaites.
N'est-ce pas de ces gens que l'on nomme poëtes?

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Le personnage en tout ressemble au tien; Sinon que ce n'est pas Damis que l'on le nomme.

MONDOR.

Contente-moi, n'importe ; et montre-moi cet homme.

LISETTE.

Cherche. Il est à rêver là-bas, dans ces bosquets.
Mais vas-y seul on vient, et je crains les caquets.

(Mondor sort. ):

SCENE II.

DORANTE, LISETTE.

LISETTE.

DORANTE ici! Dorante!

DORANTE.

Ah, Lisette! ah, ma belle!

Que je t'embrasse! hé bien! dis-moi donc la nouvelle ?
Félicite-moi donc. Quel plaisir ! L'heureux jour!
Que ce jour a tardé long-temps à mon amour!
De la chose avant moi tu dois être avertie :
Que ne me dis-tu donc que Lucile est sortie?
Que je vais... que je puis... Conçois-tu ?..... Baise-moi.

LISETTE.

Mais vous n'êtes pas sage, en vérité.

DORANTE.

Pourquoi?

LISETTE.

Si monsieur vous trouvoit? Songez donc où vous êtes!
Y pensez-vous, d'oser venir, comme vous faites,
Chez un homme avec qui votre père en procès...

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Bon! m'a-t-il jamais vu ni de loin, ni de près?
Je vois le parc ouvert : j'entre.

LISETTE.

Vous le dirai-je ?

Eussiez-vous cent fois plus d'audace et de manége,
Lucile même à nous daignât-elle s'unir,

Je ne sais trop comment vous pourrez l'obtenir.

DORANTE.

Oh! je le sais bien, moi. Mon père m'idolâtre ;
Il n'a que moi d'enfant : je suis opiniâtre ;

Je le veux. Qu'il le veuille. Autrement (j'ai des mœurs)
Je ne lui manque point; mais je fais pis je meurs.

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