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peines, de leur genre, de leur vivacité, du plus ou moins d'équilibre voilà ce qui fait notre choix et notre volonté.

Ces principes établis, supposez une condition où les peines soient excessives et multipliées comme les jouissances, mais où celles-ci l'emportent. nous la desirerons; si les peines l'emportaient, nous n'en voudrions pas. Qu'un autre état s'offre à nous, où les chances soient moins fortes et moins nombreuses, nous raisonnerons de même suivant le degré de peine ou de plaisir. Enfin, une situation où tout serait égal, comparée à une autre où les souffrances dominent, vaudrait encore mieux, comme nous l'avons dit, parcequ'il y a ici plus de douceurs, et là, plus d'amertumes.

Or, toutes les conditions humaines étant renfermées dans ce cercle, exa

minons de quel côté la nature dirige nos penchants. Si nous cherchions d'autres buts à nos vœux, nous agirions en aveugles qui s'égarent. Mais de tous ces genres de vie qu'on nous laisse, et dont le choix doit être réglé sur le bien et le mal, le desir et l'aversion, lesquels préférerons-nous si, fidèles à la loi de notre cœur, nous voulons accorder l'agréable et l'honnête, les plaisirs et les vertus, pour mériter tout le bonheur dont un mortel peut jouir?

Je réponds en mettant d'un côté la tempérance, la sagesse, le courage, la santé; et de l'autre, l'intempérance, la folie, la lâcheté, la maladie. Pour peu que vous connaissiez la vie tempérante, vous conviendrez qu'elle est douce et paisible, modérée dans ses chagrins, modérée dans ses plaisirs ; elle ignore la tyrannie des passions et

le délire de l'amour. L'intempérant, au contraire, est excessif en tout: affreux tourments, joies extravagantes, desirs fougueux et insatiables, amours insensés, il ne lui manque rien pour la folie. Le bien l'emporte donc de toute manière sur le mal dans la vie de l'un, et le mal sur le bien dans celle de l'autre; ainsi, l'un a plus d'agréments, l'autre, plus d'ennuis, et quiconque veut vivre heureux ne peut se faire une si fatale illusion. Mais il est prouvé, si mes principes sont vrais, que tout homme intempérant ne l'est que malgré lui; il faut que ce soit ou l'ignorance, ou l'erreur des passions, ou l'une et l'autre, qui entraînent la foule dans le vice.

La santé et la maladie ont leurs plaisirs et leurs peines; mais la maladie a plus de peines avec moins de

plaisirs. Que votre choix soit libre: allez-vous préférer les douleurs et les larmes à ce qui fait aimer la vie?

Si donc la tempérance, la sagesse, le courage, dont le sort est moins incertain et moins agité, n'en goûtent que plus de plaisirs en s'exposant à moins de peines; si la santé a pour l'homme plus d'attraits que la maladie; la question est jugée, et nous pouvons conclure que les qualités de l'ame, comme celles du corps, sont véritablement préférables aux défauts; abstraction faite, pour les unes, de la beauté et de la force qui les accompagnent, et pour les autres, de la gloire. qui en est le prix. Ainsi, que vous considériez l'honneur ou l'intérêt, ce qui est bien vaut toujours mieux que ce qui est mal point de bonheur sans

vertu.

Tel pourrait être le préambule du

législateur.

LOIS, LIV. IV, V.

DE LA PIÉTÉ FILIALE.

Honorez vos parents quel dieu, quel homme sensé ne vous conseille pas ce devoir? Mais peut-être qu'un préambule sur le culte des dieux donnerait encore plus de force à une loi sur le culte filial, et les châtiments qui en suivent l'oubli.

Tous les peuples ont conservé deux anciennes lois religieuses. Elles nous commandent, l'une, d'honorer les dieux visibles; l'autre, de consacrer des statues à ceux qui voilent leur puissance, et, pour ces honneurs rendus à des images sans vie, d'espérer la

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