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tés pour traiter de la paix; étrangers ou nationaux, n'importe, pourvu que l'on convienne du nombre et du choix. Ces députés assemblés commenceront par rédiger les lois, et fixer les limites des pouvoirs les princes sont les maîtres des choses religieuses, et de tout ce que la patrie doit confier à ses bienfaiteurs le droit de guerre et de paix appartient à trente-cinq gardiens des lois, qui le partagent avec le sénat et le peuple divers tribunaux sont institués; mais les trente-cinq peuvent seuls condamner à la mort ou à l'exil, conjointement avec les magistrats qui, après s'être le plus distingués dans chaque fonction par leur vertu et leur justice, forment, l'année suivante, un tribunal chargé de prononcer la mort, la prison ou l'exil des coupables; il n'est pas permis à un roi de juger de

tels crimes; prêtre des dieux, ses regards en seraient profanés.

Toute ma vie, ô Syracusains, j'ai médité pour vous cette constitution, et maintenant j'y songe encore. Oui, mes ennemis une fois vaincus, je voulais, si les Furies, leurs protectrices, me l'eussent permis, exécuter ce plan avec vous; que dis-je? la Sicile entière, pour peu que la fortune secondât mes vœux, aurait été peuplée de colonies ; j'en aurais chassé les barbares dont elle est la proie, excepté ceux qui ont combattu jusqu'ici contre les tyrans pour la liberté commune; et les anciens habitants des villes grecques seraient rentrés à ma voix dans les demeures de leurs aïeux.

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Je vous lègue ces desseins que j'a vais formés; réunissez-vous pour les étudier et pour les suivre; que tous

soient appelés à cet ouvrage : quiconque s'y oppose devient ennemi de la patrie. Rien ici n'est impossible: ce qui est adopté déjà par deux esprits, ce qui se présente d'abord à tous ceux qui veulent le bien, ne sera jamais regardé comme impossible par la raison; et les deux hommes que je veux dire, Hipparinus et mon fils, étant une fois d'accord, je ne vois pas que les autres Syracusains, amis de leur pays, puissent avoir une opinion contraire. O vous donc, ne cessez pas d'apporter aux autels de tous les dieux des offrandes et des prières, d'honorer les mortels demi-dieux, et de faire de vos concitoyens, amis ou ennemis, un seul peuple, uni par la clémence et l'oubli des fautes, jusqu'au jour où ces conseils que mon cœur m'inspire, tels que des songes divins qui vous instruisent

sans mystère, enfanteront pour vous la réalité de la gloire et du bonheur.

LETTRE VIII.

HOMÈRE.

Les citoyens de notre République doivent être braves. Ainsi, nous ne leur dirons jamais rien qui leur fasse craindre la mort : cette crainte et la bravoure ne vont pas ensemble. Or, peut-on espérer que l'homme pusillanime, qui croit déja voir les enfers, et que cette noire image épouvante, préfère à la honte d'être esclave la gloire de mourir? Loin donc, loin de nous tous ces terribles récits. O poëtes! renoncez à l'horreur de vos tableaux, faites-nous aimer l'autre vie ; car vous

ne dites point la vérité, et vous glacez le courage. Effaçons d'abord ces vers indignes d'Achille :

Qui? moi? le souverain de cette affreuse cour?
Plutôt ramper esclave, et voir encor le jour !

Et ceux-ci :

Ne découvre aux vivants cet empire odieux,
Abhorré des mortels et craint même des dieux.

Et cet autre passage:

Tel est donc l'homme enfin au ténébreux royaume!
Une ombre, un insensible et lugubre fantôme.

Cet autre :

Lui seul de la raison garde encor le flambeau ;

La foule senible errer dans la nuit du tombeau.

Et les suivants :

Son ame, s'envolant au funèbre séjour,
Regrette sa patrie, et la gloire, et l'amour.

Son ame s'évapore et fuit en gémissant.

Tel d'un rocher sacré qui se perd dans les cieux,
Ces nocturnes oiseaux l'essaim tumultueux

S'échappe, et remplit l'air de ses clameurs funèbres :
Tels ces mânes plaintifs traversaient les ténèbres.

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