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triompher; ou à des généraux, à des médecins, à des laboureurs, à des bergers, à des chiens gagnés par des loups? Quel blasphème! les dieux ne sont-ils pas les premiers de tous ceux qui commandent? ne commandent-ils pas à tout? et tu les rabaisserais, ces gardiens de tant de merveilles, ces surveillants incorruptibles, au-dessous. du dernier des hommes qui, s'il n'est pas un scélérat, ne manquera jamais à son devoir pour des présents offerts illégitimement par des traîtres! Ah! de tels sentiments font horreur; et de tous les impies, celui qui soutiendrait cette opinion, mériterait d'être regardé comme le plus pervers et le plus sacrilége.

O mon fils, je dois avoir persuadé à ton cœur ces trois vérités, l'existence, la providence et la justice des dieux. Lois, Liv. X.

HER LE PAMPHYLIEN

OU L'AUTRE VIE.

Her, fils d'Arménius, illustre guerrier d'origine pamphylienne, mourut dans un combat. Dix jours écoulés, on enleva les corps défigurés de ceux qui étaient tombés avec lui; le sien fut trouvé intact, et on l'emporta pour l'ensevelir. Déja sur le bûcher, il revécut après douze jours. Alors cet homme raconta les spectacles de l'autre vie.

Lorsque mon ame, dit-il, eut pris son essor, elle arriva bientôt avec d'autres ames en un lieu tout divin, où deux abîmes s'ouvrent dans la terre à peu d'intervalle, et où le ciel, de l'autre côté, offre aussi deux passages. Le milieu est réservé pour les

juges quand la sentence est prononcée, ils ordonnent aux justes de monter à droite dans les cieux, le front empreint du sceau de la vertu, et aux coupables de se précipiter à gauche dans les abîmes, le dos marqué du signe de leurs actions.

Je m'avance Toi, dirent les juges, tu iras apprendre aux mortels ce que tu entends et ce que tu vois; sois attentif, et que rien ici n'échappe à ton souvenir.

Cependant, à mesure que les ames, une fois jugées, disparaissaient dans. l'une des issues de la terre ou du ciel, l'autre était remplie, du côté gauche, par de nouvelles ombres couvertes de deuil et de poussière, et du côté du ciel, par des ames pures et brillantes. Elles arrivaient incessamment, et, comme fatiguées d'une longue route, elles se reposaient ensemble dans la

prairie

c'était l'image de nos fètes sacrées; on s'embrassait dès qu'on s'était reconnu; on se demandait, suivant le monde qu'on venait de quitter, les nouvelles de la terre ou des cieux. Ici, parmi les gémissements et les larmes, on rappelait tout ce qu'on avait souffert et vu souffrir en voyageant sous la terre les coupables sont condamnés mille ans à ce voyage. Là, on racontait les joies du ciel, et le bonheur de contempler les merveilles divines.

Il serait trop long de suivre le discours entier du Pamphylien; mais il n'oublia pas d'enseigner aux hommes que, pour chaque injustice, on est puni dix fois. Cette punition revient tous les cent ans, durée naturelle de la vie humaine, et le supplice est toujours décuple. Ainsi, ceux qui ont fait périr en foule leurs semblables, trahi des vil

les et des armées, plongé leurs concitoyens dans l'esclavage, ou commis d'autres forfaits, sont livrés pour chaque crime et pour chaque offensé à des peines dix fois renaissantes. Mais répandez quelques bienfaits autour de vous, soyez juste et vertueux, c'est dans la même proportion que les récompenses vous attendent.

Ce qu'il disait des enfants que la mort enlève sans leur avoir donné le temps de vivre, mérite moins d'être répété. Mais il assurait que l'impie, le fils dénaturé, l'homicide, est réservé à de plus cruelles peines, et l'homme religieux, à de plus douces félicités.

J'entendis, ajouta-t-il, une ame demander à une autre où était Aridée, surnommé le Grand. C'est un despote qui régnait il y a mille ans dans une ville de Pamphylie; meurtrier de son vieux père et de son frère aîné, on

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