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PREMIÈRE PARTIE.

RELIGION.

DIEU.

L'Eternel créa le monde; et quand cette image des êtres intelligibles eut commencé à vivre et à se mouvoir, Dieu, content de son ouvrage, voulut le rendre plus semblable encore au modèle, et lui donner quelque chose de cette nature impérissable. Mais, comme la création ne pouvait ressembler en tout à l'idée éternelle, il fit une image mobile de l'éternité; et gardant pour lui la durée indivisible, il

nous en donna l'emblème divisible que nous appelons le temps, le temps créé avec le ciel, dont la naissance fit tout-à-coup sortir du néant les jours, les nuits, les mois et les années, ces parties fugitives de la vie mortelle.

or.

Nous avons tort de dire, en parlant de l'éternelle essence, elle fut, elle sera ces formes du temps ne conviennent pas à l'éternité; elle est, voilà son attribut. Notre passé et notre avenir sont deux mouvements : l'immuable ne peut être de la veille ni du lendemain; on ne peut dire qu'il fut ni qu'il sera; les accidents des créatures sensibles ne sont pas faits pour lui, et des instants qui se calculent ne sont qu'un vain simulacre de ce qui est toujours. Souvent aussi nous appliquons l'être à des choses qui ont été, qui se passent, qui ne sont pas encore, ou même ne peuvent être ;

erreurs de langage, qu'il serait ici trop long de combattre.

Le temps naquit avec le ciel pour finir avec lui, s'ils doivent finir; il n'est donc qu'une ressemblance imparfaite de la durée: car celle-ci est l'éternité même; et l'éternité, qui n'a point commencé, ne finira jamais.

La parole et la pensée de Dieu voulant ainsi créer le temps, aussitôt le Soleil, la Lune et les cinq autres astres, nommés planètes, allèrent dans l'espace en mesurer la marche régulière, et parcourir obliquement, dans ce monde matériel, les sept routes que Dieu leur avait tracées. Le cercle de la Lune fut le plus proche de la terre; dans la seconde région, le Soleil, Vénus et l'étoile sacrée de Mercure, d'une vitesse égale, prirent une course opposée, et se suivirent ou se précédèrent tour à tour. Mais si je disais l'or

dre et les causes de toutes les sphères, emporté loin de mon récit, je me perdrais à travers tant de nouveaux prodiges; et peut-être un jour pourrai-je contempler avec plus de loisir ce grand spectacle des cieux.

A peine les astres furent-ils lancés dans la route où ils s'en vont mesurer le temps, à peine tous ces corps célestes furent-ils animés et dociles à leur devoir, chacun d'eux suivit le mouvement oblique qui lui est propre, maitrisé par celui de l'ame universelle, les uns plus rapidement dans une orbite moindre, les autres plus lentement dans un plus vaste espace; et ceux dont la nature précipite la course furent enveloppés, suivant leur rapport de vitesse, par ceux d'une marche plus tardive. En effet, comme ils ont chacun deux mouvements contraires, moins ils quittent le centre de conver

sion, plus ils sont près de nous. Mais pour fixer entre eux ces rapports de vitesse et de lenteur, pour diriger leurs révolutions, Dieu, dans le second cercle des planètes, alluma ce feu nommé le Soleil, qui de là inonde au loin de sa lumière l'immensité des cieux, et dont le mouvement, réglé par l'influence du cercle suprême, apprit l'art des nombres à tous les êtres doués de raison. Alors, du jour et de la nuit se forma la première et la plus simple division du temps; puis on compta les mois par la révolution de la Lune, et son retour au Soleil; ensuite, les années, par le cours du Soleil même Les autres globes, leurs noms, leurs éléments, sont connus de quelques mortels; mais la plupart ne soupçonnent pas que le temps se mesure aussi sur la carrière de ces astres, dont nous ne saurons jamais ni le nombre ni les

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