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le malade,, me promet et veut s'obliger par-devant notaires de me faire vivre encore trente années, si je puis lui obtenir une grâce de Votre Majesté. Je lui ai dit, sur sa promesse, que je ne lui demandois pas tant, et que je serois satisfait de lui pourvu qu'il s'obligeât de ne me point tuer. Cette grâce, Sire, est un canonicat de votre chapelle royale de Vincennes, vacant par la mort de... 3.

Oserois-je demander encore cette gràce à Votre Majesté le propre jour de la grande résurrection de Tar

la tradition qui faisait de Mauvillain le complice de Molière dans ses attaques contre les médecins et la médecine : « Le savant doyen de la Faculté des lettres de Paris, M. V. Leclerc, a bien voulu me communiquer, dit M. Raynaud, un exemplaire de l'Index funereus de Jean de Vaux (édition de 1724), sur lequel, à la page 48, on lit cette addition, d'une écriture du temps : « M. Nicolas Mauvillain, << Parisien, mourut le 10 janvier.de l'an 1663 (celui-là est le père). « Il laissa un fils docteur en médecine de la Faculté de Paris. Celui« ci, homme de mine rude, esprit chagrin et remuant, après avoir, < pendant son décanat, tout fils de chirurgien qu'il était, exercé < toutes les vexations qu'il put contre la Société de chirurgie, n'a < pas mieux mérité de sa propre Faculté; car il fournit à Poquelin « Molière les scènes épisodiques de son Malade imaginaire, qui ont < tellement amoindri auprès du peuple l'autorité de la médecine et « des médecins, que la plupart des gens n'y ont plus recours que << pour la forme; ordonnances et consultations ne trouvent presque « plus aucune créance; l'événement trompe, dit-on, trop souvent « les espérances données par les médecins au malade et à ceux « qui l'entourent. » La Grange a noté sa mort au 24 juillet 1685: « Ce même jour, M. de Mauvillain mort; » et en marge du Registre, dans un cercle, il a écrit : « Mon médecin. »

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1. On sait par Robinet (lettres du 21 février 1666, du 17 avril et du 12 juin 1667) que la santé de Molière avait déjà reçu plusieurs atteintes graves.

2. Par-devant notaire. (Copie Vallant.)

3. Vacant par.... (Ibidem.) — 4. Mais oserois-je. (Ibidem.)

• Nous ne donnons qu'en traduction l'addition que reproduit M. Raynaud, et qui a été faite en latin, par l'auteur ou par quelque confrère, au nécrologe des chirurgiens.

tuffe, ressuscité par vos bontés1? Je suis, par cette première faveur, réconcilié avec les dévots; et je le serois' par cette seconde avec les médecins3. C'est pour moi sans doute trop de grâce à la fois; mais peut-être n'en est-ce pas trop pour Votre Majesté ; et j'attends avec un peu d'espérance respectueuse la réponse de mon placet.

ACTEURS.

MME PERNELLE, mère d'Orgon'.

ORGON, mari d'Elmire'.

ELMIRE, femme d'Orgon.

DAMIS, fils d'Orgon.

MARIANE, fille d'Orgon et amante de Valère".

VALÈRE, amant de Mariane.

CLÉANTE, beau-frère d'Orgon.

1. Le propre jour de la résurrection du Tartuf (sic), ressuscité par votre bonté. (Copie Vallant.)

2. Avec les dévots. Je le serois. (Ibidem.)

3. Les médecins déjà raillés dans Dom Juan (acte III, scène 1), et traduits sur la scène dans l'Amour médecin et le Médecin malgré lui. 4. Trop de grâces. (Copie Vallant.)

5. Si ce placet n'eût été favorablement accueilli, Molière ne l'aurait sans doute pas publié, et on peut croire que son protégé obtint le bénéfice.

6. « Vieille, dit la Lettre sur la comédie de l'Imposteur (ci-après, p. 531), qu'à son air et à ses habits on n'auroit garde de prendre pour la mère du maître de la maison, si le respect et l'empressement avec lequel elle est suivie de diverses personnes très-propres (bien mises) et de fort bonne mine ne la faisoient connoître. »

7. L'inventaire, déjà plusieurs fois cité d'après les Recherches sur Molière de M. Soulié, mentionne (p. 275): « l'habit de la représentation du Tartuffe (c'est-à-dire l'habit d'Orgon) consistant en pourpoint, chausse et manteau de vénitienne noire, le manteau doublé de tabis et garni de dentelle d'Angleterre, les jarretières et ronds de souliers et souliers, pareillement garnis: prisé soixante livres. »

8. MARIANE, fille d'Orgon. (1734.)

TARTUFFE, faux dévot'.

DORINE, suivante de Mariane.
M. LOYAL, sergent.

UN EXEMPT.

FLIPOTE, servante de Mme Pernelle3.

La scène est à Paris.

1. La vraie signification de ce nom a été donnée ci-dessus, p. 312, note 2. Nous ajouterons qu'il n'est pas impossible que Molière l'ait rencontré dans le monde réel. Quelques personnes se souviennent de l'avoir remarqué, il y a une vingtaine d'années, sur l'enseigne d'un artisan établi dans un des villages de la banlieue de Paris. Un pareil nom de famille devait dater d'avant la comédie de 1664, et avoir eu une signification qui le rattachait plutôt à truffe ou tartufle (tubercule) qu'à truffer (tromper); il pouvait rappeler soit un métier, de chercheur ou vendeur, soit quelque singularité physique; il pouvait d'ailleurs avoir une tout autre origine et n'être que la transcription française du mot allemand der Teufel, « le diable ». Cette dernière étymologie a été hasardée d'abord par l'abbé de Longuerue (voyez le Longueruana, Berlin, 1754, 1" partie, p. 199); mais il a eu tort d'y chercher l'explication du nom choisi par le poëte et que le poëte lui-même a traduit dans ce titre : le Tartuffe ou l'Imposteur. 2. Voyez ci-après, p. 523, note 2.

3. C'est, d'après la Lettre sur la comédie de l'Imposteur, « la petite fille sur qui s'appuie » Mme Pernelle. M. Taschereau (Histoire de Molière, 5e édition, p. 103) a relevé le nom de Phlipote sur le registre de la Thorillière, au 8 juin 1664; il est bien probable que c'était le vrai nom de la gagiste qu'il servait à désigner, et que ce fut la même à qui Molière donna, pour la première représentation du 12 mai de la même année 1664, le rôle muet de sa comédie. Des Yveteaux eut une servante qu'on appelait ainsi (Phlippot : voyez le Bulletin du bibliophile de 1846, p. 715). Il y a un Phlipot (c'est un manant) dans le conte v du livre IV de la Fontaine. Ce sont des abréviations des noms rustiques Philippot, Philippote.

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4. La scène est à Paris, dans la maison d'Orgon. (1734.) — « Le théâtre est une chambre. Il faut deux fauteuils, une table, un tapis dessus, deux flambeaux ", une batte . » (Mémoires de décorations, Ms. français, n° 24330.)

a Le quatrième acte s'ouvre à trois heures et demie (vers 1266), mais la petite gravure qui orne la seconde édition de 1669 et qui représente un des moments de la scène v nous montre un des deux flambeaux allumé sur la table. b Voyez ci-dessus à la Notice, p. 346, note 1, et ci-après, p. 477, fin de

la note 1.

L'IMPOSTEUR.

COMÉDIE'.

ACTE I.

SCÈNE PREMIÈRE.

MADAME PERNELLE et FLIPOTE sa servante, ELMIRE, MARIANE, DORINE, DAMIS, CLÉANTE".

MADAME PERNELLE.

Allons, Flipote, allons, que d'eux je me délivre.

ELMIRE.

Vous marchez d'un tel pas qu'on a peine à vous suivre.

MADAME pernelle.

Laissez, ma bru, laissez, ne venez pas plus loin :
Ce sont toutes façons dont je n'ai pas besoin.

ELMIRE.

De ce que l'on vous doit envers vous on s'acquitte.
Mais, ma mère, d'où vient que vous sortez si vite?

5

1. Tel est ici et au titre courant le texte de toutes les éditions anciennes. Celle de 1734 y substitua LE TARTUFFE. Au feuillet qui précède la pièce, toutes les éditions portent notre titre : LE TARTUFFE ou L'IMPOSTEUR, sauf la contrefaçon de 1669 et les éditions hollandaises (1675 A, 84 A, 94 B), qui intervertissent l'ordre des mots et donnent : L'IMPOSTeur ou le Tartuffe.

2. MADAME PERNELLE, ELMIRE, MARIANE, DAMIS, CLEANTE, DORINE, FLIPOTE. (1734.)

MADAME pernelle.

C'est que je ne puis voir tout ce ménage-ci,
Et que de me complaire on ne prend nul souci.
Oui, je sors de chez vous fort mal édifiée:
Dans toutes mes leçons j'y suis contrariée,
On n'y respecte rien, chacun y parle haut,
Et c'est tout justement la cour du roi Pétaut1.

DORINE.

Si....

MADAME PERNELLE.

Vous êtes, mamie, une fille suivante

Un peu trop forte en gueule, et fort impertinente :
Vous vous mêlez sur tout de dire votre avis.

Mais....

DAMIS.

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MADAME Pernelle.

Vous êtes un sot en trois lettres', mon fils; C'est moi qui vous le dis, qui suis votre grand'mère ; Et j'ai prédit cent fois à mon fils, votre père, Que vous preniez tout l'air d'un méchant garnement, Et ne lui donneriez jamais que du tourment.

MARIANE.

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Je crois....

MADAME PERNELLE.

Mon Dieu, sa sœur, vous faites la discrette, Et vous n'y touchez pas, tant vous semblez doucette; Mais il n'est, comme on dit, pire eau que l'eau qui dort3,

α

1. Le roi Pétaud est le chef que se nommait autrefois la corporation des mendiants. Il va sans dire qu'il n'était pas beaucoup respecté de ses sujets. Messieurs, Messieurs, je vois bien que nous sommes à la cour du roi Pétault, où chacun est maître. » (Satyre Ménippée, édition Labitte, p. 113.) — Voyez le Dictionnaire de M. Littré, à l'article PÉTAUD. Dans le Dictionnaire comique de Leroux, le mot est écrit Peto.

2. En trois lettres est comme une répétition, une confirmation du mot injurieux, une manière d'« appuyer sur la qualification, » dit M. Littré.

3. « LAZARE. A la voir, il sembloit que ce fût la même dévotion (la dévo

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