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fussent liés par aucun empêchement canonique, et eussent le consentement de leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs. Ce consentement était indispensable aux garçons jusqu'à l'âge de trente ans, et aux filles jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. (Ord. de Blois, a. 40. Edit de Melun, a. 41. Décl., 1639. Edit de mars 1697.)

Les conciles provinciaux de l'Eglise gallicane avaient renouvelé la peine de suspense et de privation de l'exercice de ses fonctions contre le prêtre qui célébrait un mariage contrairement aux lois. L'édit de mars 1697 ordonnait de procéder extraordinairement contre eux, ajoutant aux peines canoniques une amende, et prononçant contre eux la peine de bannissement pour neuf ans, en cas de contravention.

La connaissance des causes relatives au mariage regardait les juges ecclésiastiques. Une seule, celle de savoir si les individus étaient ou n'étaient pas mariés, était de la compétence des juges séculiers.

3o Du mariage depuis 1789 jusqu'au Concordat

de 1801.

L'Assemblée nationale laissa d'abord subsister les choses dans l'état où elles étaient. 1 paralt même qu'au commencement de l'année 1791 son intention n'était pas encore de rien changer à ce qui lui paraissait convenablement établi: car, en décrétant que toute dispense de mariage aux degrés prohibés serait accordée gratuitement, elle ajouta qu'il en serait ainsi jusqu'à ce qu'elle eût statué sur les empêchements. (Décret, 3-11 févr. 1791.) Elle exempta du timbre les registres de mariage. (Décret, 7-11 févr. 1791.) Elle priva de leur pension les chanoinesses qui se mariaient. (Décr., 6-19 janv. 1791.) Le comité ecclésiastique décida que le curé devait refuser de publier les bans d'un prêtre qui voulait se marier (12 août 1791), et donna à entendre que le prêtre qui se marierait perdrait sa pension. (Décis., 28 mars; 30 juin 1791.)

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Ce fut dans la Constitution du 3-14 septembre (1791) qu'elle sépara l'acte civil de l'acte religieux. La loi, y est-il dit, ne considère le mariage que comme contrat civil. Le pouvoir législatif établira, pour tous les habitants sans distinction, le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés, et il désignera les officiers publics qui en recevront el conserveront les actes. (Constit. franç., 3 sept. 1791, tit. 2, a. 7.) – L'année suivante, elle déclara que les religieux et religieuses qui se marieraient conserveraient leurs pensions et traitements. (Décret, 7-16 août 1792); que le mariage était dissoluble par le divorce, et que cette dissolution serait prononcée par l'officier civil (Décret, 20 sept. 1792); que les actes du divorce ne seraient point inscrits sur le registre des actes de mariage ( Décret, 19 juill. 1793); que les évêques qui apporteraient quelque obstacle au mariage des prêtres seraient déportés. (Ib.) - La Convention annula toute destitution de ministre du culte DICTIONN. DE JURISP. ECCLÉS. II.

qui aurait eu pour cause son mariage, et toute procédure qui aurait pour objet des. obstacles apportés au mariage des prêtres. (Décret, 12 août 1793.)-Elle décréta que les prêtres mariés, ou dont les bans avaient été publiés, ne seraient point sujets à la déportation ni à la réclusion. Décret, 25 brum, an 11 (15 nov. 1793). La célébration des mariages fut fixée au décadi. Décr., 13 fruct, an VI (30 août 1798). On fixa au même jour les publications. Arrêté cons. 7 therm. an VIII (26 juill. 1800).

4o Du mariage depuis le Concordat de 1801.

La séparation établie par la Constitution du 3 septembre 1791 fut maintenue et subsiste

encore.

Il y avait des personnes, surtout dans les contrées où la religion avait conservé tout son empire, qui continuaient de se marier à l'église et ne se présentaient point devant l'officier de l'état civil. Il arrivait souvent, dit Portalis, qu'un séducteur adroit conduisait devant un prêtre la personne qu'il feignait de choisir pour sa compagne, vivait maritalement avec elle, et refusait ensuite de paraître devant l'officier civil. Quand ce séducteur était fatigué d'une union qui lui devenait importune, il quittait sa prétendue femme et la livrait au désespoir, car cette infortunée n'avait aucune action pour récla mer son état ni celui de ses enfants. » (Rapp. du 5 compl. an XI (22 sept. 1803).

Nous savons ce que valent les paroles de Portalis. Il y a toujours beaucoup à rabattre. Ici elles seraient d'une invraisemblance qui permettrait à peine de ne pas considérer son llégation comme complétement fausse, si l'on oubliait qu'il confond à dessein les temps et les lieux, la monarchie et la république, les curés intrus et les véritables pasteurs. Quoi qu'il en soit, ce fut pour prévenir cet abus que dans les Articles organiques il fut défendu de donner la bénédiction nuptiale à ceux qui ne justifieraient pas en bonne et due forme avoir contracté mariage devant l'officier civil. (Art. 54.).- Le Code pénal a sanctionné cette disposition. Les articles 199 et 200 portent que tout ministre d'un culte, qui procédera aux cérémonies religieuses d'un mariage, sans qu'il lui ait été justifié d'un acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil, sera, pour la première fois, puni d'une amende de 16 à 100 fr., et, en cas de récidive, d'un emprisonnement de deux à cinq ans pour la première fois, et de la déportation pour la se

conde.

Le ministre du culte n'est puni que parce que la loi suppose qu'il y a eu de sa part infraction volontaire d'un règlement d'ordre public. Il peut se faire que, par confiance à des personnes qui lui déclarent s'être présentées à la mairie et avoir contracté civilement, ou par oubli, ce qui peut arriver fort souvent, il accorde la bénédiction nuptiale à des personnes qui n'ont pas voulu contracter civilement. Cette bénédiction en quelque sorte surprise ne constituerait pas le délit que le

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Gode pénal a voulu et a pu punir, celui du mépris de la loi : il y aurait simplement abus. La Cour de cassation paraît l'avoir compris ainsi.-Elle ainsi. Elle a déclaré qu'il y avait abus dans le cas d'un prêtre qui procède au mariage religieux sans s'être fait justifier du mariage civil, et que la connaissance était de la compétence exclusive du conseil d'Etat. (Arr., 29 déc. 1842.)

Dans l'affaire Charonceuil, la Cour d'appel de Bordeaux jugea que le mariage religieux, quoique suivi d'une possession d'état de dix années, ne donnait pas à l'un des époux le droit de former opposition à un mariage civil que l'autre voulait contracter. Il a été jugé de même par la Cour royale de Bastia. (Arr., 3 févr. 1834.)

Le gouvernement avait fait réformer les règles de police ecclésiastique relatives au mariage religieux, dans le nouveau Rituel qu'il avait préparé. Voy. RITUEL.

la

L'homme avant dix-huit ans révolus, femme avant quinze ans révolus, ne peuvent contracter mariage. (Code civ., a. 144.) Néanmoins, il est loisible au chef de l'Etat d'accorder des dispenses d'âge pour des motifs graves. (Art. 145.)-Il est de jurisprudence ou d'usage, dit à ce propos le ministre, 1° de ne jamais accorder de dispenses aux hommes avant dix-sept ans accomplis, et aux femmes avant quatorze ans accomplis, sauf le cas où elles seraient devenues grosses avant cet âge; 2 de rejeter toute demande de dispenses lorsque l'homme est de quelques années plus jeune que la femme. (Circ., 10 mai 1824.) Il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. ( Cod. civ., a. 146.) On ne peut contracter un second mariage avant la dissolution du premier. (Art. 147.) — En ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants légitimes ou naturels, et les alliés dans la même ligne. (Art. 161.) En ligne collatérale, le mariage est prohibé entre le frère et la sœur légitimes ou naturels, et les alliés au même degré. (Art. 162.) Il est encore prohibé entre l'oncle et la nièce, la tante et le neveu. Le chef de l'Etat peut, pour des causes graves, lever cette dernière prohibition. (Art. 163 et 164.)

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Les circonstances qui méritent d'être prises en considération, dit le ministre, sont surtout celles qui doivent rendre les mariages profitables aux familles. (Circ., 28 avr. 1832.)

Le mariage est encore prohibé entre l'adoptant, l'adopté et ses descendants; entre les enfants adoptifs du même individu; entre l'adopté et les enfants qui pourraient survenir à l'adoptant; entre l'adopté et le conjoint de l'adoptant, et réciproquement entre l'adoptant et le conjoint de l'adopté. (Cod. civil, a. 348.) Le divorce était permis et réglé par le Code civil (Art. 249 et s.); il a été aboli par la loi du 8 mai 1816, et, malgré les efforts de certaines personnes auprès des Chambres législatives, n'a pas été rétabli.

Il n'y a pas de refus de mariage religieux dans la jurisprudence, dit M. de Cormenin. Cela vient apparemment de ce que le

le

scandale du refus serait plus grand que celui de l'admission. Toutefois, nous estimons, pour rester dans la logique de notre opinion personnelle, que, depuis que le contrat civil est séparé de la bénédiction nuptiale, refus du mariage religieux ne constituerait pas un cas d'abus, sauf le recours au supérieur ecclésiastique; mais nous devons faire observer avec la même bonne foi que le conseil d'Etat, appuyé sur le Concordat de l'an X, repousserait notre doctrine.» (Droit admin., App., p. 3.)- Le conseil d'Etat, en agissant ainsi, serait conséquent avec luimême, et interpréterait sainement l'article organique 6, qui lui attribue la connaissance de l'infraction des règles consacrées par les canons reçus en France.

S'il n'y a pas eu jusqu'à ce jour d'exemple de recours au conseil d'Etat pour abus en matière d'administration du sacrement de mariage, c'est parce que ceux à qui on a refusé la bénédiction nuptiale ont compris qu'on ne pouvait pas la leur accorder et s'en sont passés. Du reste, le conseil d'Etat, s'il était saisi d'un pareil refus, se souviendrait sans doute qu'aucun curé ne peut être forcé d'administrer le sacrement de mariage à quiconque se trouve lié par quelque em pêchement canonique, ainsi que le porte l'ar ticle 14 du Concordat italien, et déclarerait abusive, non pas la conduite du curé qui refuserait la bénédiction nuptiale en pareille circonstance, mais celle du curé qui l'accor derait. (Concord. ital., 16 sep. 1803, a. 14.)

La même déclaration avait été insérce dans la consulte de Lyon, dont elle formait l'article 7. Cons. de Lyon, 5 pluv. an X (25 janv. 1802).

Le 17 mai 1809, Pie VII adressa aux évêques des pays réunis au royaume d'Italie la défense de laisser précéder le mariage religieux par le mariage civil. ( De Pradt, Les Quatre Concord., t. II, p. 321.)-Cette défense n'avait bien certainement d'autre but que d'empêcher quelques chrétiens indifférents de négliger de faire bénir leur union. Nous ne pouvons en blâmer le motif. Nous ferons reinarquer seulement que, pour que les choses soient faites avec ordre, il faut que le contrat naturel précède le contrat civil, que le contrat civil précède le contrat ecclésiasti que, et que l'un au moins de ces trois contrats précède le sacrement.

Avant 1830, on exigeait des aveugles qui demandaient à être admis aux Quinze-Vingls un certificat de mariage civil et de bénédic tion nuptiale. La société de la Charité maternelle exige encore aujourd'hui de la mère qui demande à être admise à la participa tion des secours qu'elle distribue un extrait de son mariage par-devant le ministre de son culte. (Regl. du 2 mars 1835, a. 22.)

Le curé de Seine-Port demanda si un ecclésiastique était tenu de bénir le mariage d'un de ses paroissiens lorsque les formalites prescrites n'avaient pas été exactement rem plies. On lui répondit que les ministres de la religion étaient juges de l'application du sacrement, mais non de la validité du contrat

considéré dans ses rapports avec les lois de l'Etat; qu'il suffisait donc qu'ils eussent la certitude que les époux s'étaient présentés à l'officier civil, et que cet officier avait inscrit sur ses registres l'acte de mariage, pour qu'ils administrassent le sacrement, à moins qu'il n'y eût quelque obstacle canonique. (Jauffret, Mém., t. II, p. 181. 1806.)

Ce fut Portalis qui présenta l'exposé des motifs des articles du Code relatifs au mariage. Nous recommandons la lecture de son discours à tous ceux qui auraient besoin d'étudier la matière, comme nous recommandous celle du chapitre 6 des Mémoires de Jauffret (T. 1). Voy. DIVORCE, EMPÊCHEMENTS.

Le père et la mère d'une nombreuse famille passant depuis trente ans pour être mariés, et ne l'étant ni civilement ni ecclésiastiquement, demandèrent, en l'an XII (1803), la bénédiction nuptiale. L'évêque ne voulut pas l'autoriser avant que le mariage civil n'eût été contracté. Il fut en conséquence demandé au gouvernement dispense de publications et autorisation de se présenter devant l'officier 'civil d'une municipalité éloignée. Cette demande fut rejetée, mais il fut répondu que la possession d'état était suffisante pour rassurer les parties sur les conséquences de leur défaut de présentation de vant l'officier civil. Que fit alors l'évêque? Jauffret, qui a consigné ce fait dans ses Mémoires (T. I, p. 353), ne le dit pas; mais il est à présumer qu'il permit sans difficulté de procéder au mariage ecclésiastique.

I importe à la religion autant qu'aux intérêts des fidèles, dit le comité de l'intérieur, que toutes les oblations qui ont trait aux cérémonies du mariage soient fixées de manière à ne jamais arrêter, par l'élévation de leur prix, les personnes peu aisées qui désirent faire bénir leur union par l'Eglise. » (Cons. d'Et., comité de l'int., av., 18 mai 1838.)

5o Du mariage par rapport à ceux qui sont engagés dans les ordres sacrés.

« Pour les ministres que nous conservons, disait Portalis en présentant les Articles organiques au corps législatif, et à qui le célibat est ordonné par les règlemen's ecclé siastiques, la défense qui leur est faite du mariage par ces règlements n'est point consacrée comme empêchement dirimant dans l'ordre civil; ainsi leur mariage, s'ils en contractaient un, ne serait point nul aux yeux des lois politiques et civiles, et les enfants qui en naîtraient seraient légitimes; mais dans le for intérieur et dans l'ordre religieux, ils s'exposeraient aux peines spirituelles prononcées par les lois canoniques ; ils continueraient à jouir de leurs droits de famille et de cité, mais ils seraient tenus de s'abstenir du sacerdoce. Conséquemment, sans affaiblir le nerf de la discipline de l'Eglise, on conserve aux individus toute la liberté et tous les avantages garantis par les lois de Etat; mais il eût été injuste d'aller plus loin, et d'exiger, pour les ecclésiastiques de France, comme tels, une exception qui les

cût déconsidérés auprès de tous les peuples catholiques et auprès des Français mêmes, auxquels ils administreraient les secours de la religion. »>

« La loi civile permet le mariage des prétres, écrivait-il au préfet du département de la Somme, en blåmant la rétractation publique dans laquelle un prêtre marié avait anathématisé son mariage; la loi ecclésiastique le déclare incompatible avec les fonctions du sacerdoce; mais les manquements à la loi ecclésiastique n'intéressant que le for intérieur, ne doivent devenir le prétexte d'aucune démarche publique capable de troubler l'ordre et la bonne police.» Lettre du 14 flor. an X (14 mai 1802).

« La loi civile, dit-il dans son rapport sur les Articles organiques (Art. 6), ne défend pas le mariage aux ministres du culte sous peine de nullité; mais elle n'empêche pas non plus les ministres du culte de se conformer à cet égard à la discipline de l'Eglise. » « Les réserves et les précautions dont les ministres de l'Eglise peuvent user pour pourvoir à l'objet religieux, disait-il dans l'exposé des motifs de la loi relative au mariage, ne peuvent, dans aucun cas, ni en aucune manière, influer sur le mariage même, qui, en soi, est un objet temporel. C'est d'apres ce principe que l'engagement dans les ordres sacrés, le vœu monastique et la disparité du culte qui, dans l'ancienne jurisprudence, étaient des empêchements dirimants, ne le sont plus. Ils ne l'étaient devenus que par les lois civiles, qui prohibaient les mariages mixtes, et qui avaient sanctionné par le pouvoir coactif les règlements ecclésiastiques relatifs au célibat des prêtres séculiers et réguliers. Ils ont cessé de l'être depuis que la liberté de conscience est devenue elle-même une loi de l'Etat, et l'on ne peut certainement contester à aucun souverain le droit de séparer les affaires religieuses d'avec les affaires civiles, qui ne sauraient appartenir au même ordre de choses, et qui sont gouvernées par des principes différents. Exposé des motifs de la loi relative au mariage, 16 vent. an XI (7 mars 1803). « Je sais, disait-il encore dans une lettre à l'Empereur, le 28 prairial an XIII (17 juin 1805), que, dans les principes du nouveau Code civil, la prêtrise n'est plus un empé · chement dirimant du mariage; en abdiquant le sacerdoce, on peut renoncer au célibat. Une telle conduite est condamnée par l'Eglise, mais elle n'a rien de contraire à la loi de l'Etat. Il n'y a donc aucun moyen légal d'empécher l'ecclésiastique Baudon de réaliser son projet de mariage civil, si la fille peut disposer d'elle sans le consentement de ses parents.

<< La loi du Concordat, disait le grand juge, ni les dispositions du Code civil ne contenant rien qui s'oppose à ce mariage (celui d'un prêtre qui avait renoncé formellement, depuis plus de douze ans, à la prêtrise), il semble que l'officier de l'état civil peut procéder à la célébration (du mariage). Néanmoins, avant de répondre au préfet, j'ai l'honneur de prier Votre Majesté de vouloir bien me faire con

naitre son intention sur cet objet. » (Rupport du grand juge, 9 juillet 1806.)- L'Empereur décida que, s'il n'avait pas été reconnu comme prêtre depuis le Concordat, il pouvait se marier, en s'exposant néanmoins au blâme, puisqu'il manquait aux engagements qu'il avait contractés. (Feuille de travail, 9 juill. 1806.)

Depuis la publication du Concordat, des dispenses furent accordées aux prêtres mariés civilement pour faire bénir leur union, el comme l'évêque de Dijon refusait les permissions nécessaires à un prêtre qui se trouvait dans ce cas, Portalis lui écrivit pour l'engager à ne pas se montrer plus rigoureux que le saint-siége, lui faisant observer que les lois de discipline n'étant pas de droit divin, on pouvait en être dispensé par l'autorité compétente, et que, dans les circonstances où l'on se trouvait, les dispenses étaient d'autant plus favorables, qu'elles avaient l'effet de ramener à la religion des personnes qui s'en étaient éloignées dans des temps de terreur ou de trouble. (An XII, 1803.)

Dans son bref du 27 février 1809, Pie VII témoigne sa surprise qu'il y ait encore des religieux ou des ecclésiastiques qui n'aient point fait réhabiliter leur mariage, et refuse d'accorder aux évêques l'autorisation qu'ils lui demandaient de les réhabiliter. Le motif du refus était louable, mais les termes ne nous plaisent pas, et nous croyons même que le pape aurait accédé sans difficulté au vou des évêques, s'il avait mieux connu l'état de l'Eglise de France avant, pendant et après la révolution de 1789.

Il est donc incontestable, d'abord que le Code civil n'interdit point le mariage civil à ceux qui sont engagés dans les ordres sacrés, et que les Articles organiques et le Concordat n'ont pas fait revivre une incapacité légale, absolue, qui, comme le dit judicieusement Portalis, venait des règlements ecclésiastiques et avait disparu dès l'instant où le mariage civil avait été séparé du mariage ecclésiastique.

Tant que le clerc engagé dans les ordres sacrés est en exercice de fonctions, ou conserve son rang et sa qualité dans l'église, il est légalement sujet aux lois disciplinaires ecclésiastiques qui lui défendent de se marier; l'autorité civile qui, en assurant sa protection au culte, a reconnu les règlements particuliers qui le régissent et a contracté l'obligation de les faire observer, doit empêcher qu'ils ne soient scandaleusement violés, et défendre de procéder au mariage civil d'un individu qui a contracté volontairement un engagement incompatible avec le mariage. Il fait alors, par rapport au clerc enrôlé dans la milice ecclésiastique, ce qu'il fait par rapport au soldat eniôlé dans la milice civile ; il maintient une incapacité relative, qui cessera lorsque l'engagement contracté par l'individu expirera.

L'engagement contracté par les cleres est perpétuel; l'incapacité qui en résulte pour le mariage civil serait perpétuelle si la loi

reconnaissait des engagements de cette nature; mais elle n'en reconnait pas, elle ne veut pas en reconnaître; elle fait plus, elle les prohibe en déclarant qu'ils sont contre nature et essentiellement opposés aux principes de la constitution civile de l'Etat.Par conséquent il y a un moment où le clere engagé dans les ordres sacrés doit cesser d'être civilement incapable de contracter un mariage civil; c'est celui où il est civilement délié de son engagement. Ce moment, les lois ne l'ont pas déterminé; cependant on pourrait dire qu'il est arrivé dès l'instant où l'Eglise a répudié l'individu, ou lui a retiré tous les droits et prérogatives de l'ordre sacré en échange desquels il avait engagé sa liberté civile. Il ne peut pas être attendu plus de cinq ans après une abdication vo lontaire de tous ses droits et prérogatives, puisque la loi, qui ne reconnaît pas et ne peut pas reconnaître d'engagement ecclésiastique perpétuel, a fixé elle-même à cinq ans la durée la plus longue qu'ils puissent avoir. Voy. VOEUX SOLENNELS.

Quelques jurisconsultes ont cru que, sous l'empire de la Charte de 1814, qui déclarait la religion catholique religion de l'Etat, l'engagement dans les ordres sacrés était un empêchement perpétuel au mariage civil. C'est une grande erreur : l'adoption de la religion catholique ne change rien à la nature des droits de l'Eglise et de ses rapports avec l'Etat. Ces choses-là restèrent ce qu'elles étaient devenues et telles qu'on les avait reconnues à l'époque du Concordat. Le mariage civil conserva son caractère, et les engagements religieux n'obtinrent pas d'autre sanction que celle que la loi leur avait précédemment accordée. précédemment accordée. D'ailleurs, si la Charte de 1814 avait modifié sur ce point les constitutions de la République et de l'Empire, celle de 1830 et la Constitution du 4 novembre 1848 auraient remis les choses dans leur premier état. On ne pourrait plus se servir aujourd'hui d'une législation abrogée.

-

Mais ne nous écartons pas de notre sujet. L'incapacité civile du clerc engagé dans les ordres sacrés n'était ni absolue, ni perpé tuelle. L'Etat pouvait, dans l'intérêt des mœurs et de la religion, en déterminer la durée, et déclarer, par exemple, qu'un clerc suspendu pour toujours de toutes ses fonctions ecclésiastiques, et répudié par l'Eglise, avait recouvré la liberté civile de se marier, pourvu néanmoins que ce ne fût pas avec la fille ou femme avec laquelle il vivait crimi nellement, s'il avait été rejeté de l'Eglise pour cause d'immoralité. Il pouvait statuer en même temps que celui qui renoncerail volontairement à son état et profession te recouvrerait la liberté civile de se marier que dix ans après sa déclaration formelle de renoncer à l'état ecclésiastique, et ne pourrait, dans aucun cas, épouser la fille ou femine qu'il aurait eue publiquement puur pénitente durant l'exercice de ses fonctions. Ces dispositions auraient offert à l'Eglise c à l'Etat des garanties suffisantes d'ordre el de moralité, et auraient été conformes au1

principes de notre législation civile. Nul doute qu'on eût agi en ce sens, si l'on avait consulté le clergé, si on l'avait chargé de concilier lui-même les lois civiles et les lois ecclésiastiques, sans blesser les droits dont le citoyen ne peut être dépouillé. Mais le clergé était alors composé d'hommes qui avaient, en fait de discipline ecclésiastique, des opinions diamétralement opposées, et qui se tenaient en garde les uns contre les autres. On crut, en cette affaire comme en beaucoup d'autres, qu'on devait agir sans lui, et l'on fit de l'arbitraire et de l'illégalité.

Ainsi, dans cette lettre où il dit qu'il n'y a aucun moyen légal d'empêcher l'ecclésiastique Baudon d'épouser civilement une fille qu'il avait séduite, au lieu de demander une loi, Portalis demanda à l'Empereur des mesures d'administration capables d'arrêter un pareil désordre; comme s'il était permis de priver, par mesure d'administration, un citoyen de l'exercice des droits que les lois et la Constitution lui accordent.

L'Empereur ne fit rien pour lors; mais, l'année suivante, à l'occasion d'un fait de cette nature dénoncé par l'archevêque de Bordeaux, il fit arrêter le prêtre et défendit, par une simple décision, à tous les officiers de l'état civil, de recevoir l'acte de son mariage.

«Sa Majesté impériale et royale, disait Portalis, en faisant connaître cette décision à l'archevêque de Bordeaux, considère le projet formé par cet ecclésiastique comme un délit contre la religion et la morale, dont il importe d'arrêter les funestes effets dans leur principe. Vous vous applaudirez sans doute, M. l'archevêque, d'avoir prévu, autant qu'il était en vous, les intentions de notre auguste Empereur, en vous opposant à la consommation d'un scandale dont le spectacle aurait affligé les bons et encouragé les méchants. J'écris à M. le préfet de la Gironde, pour qu'il fasse exécuter les ordres de Sa Majesté impériale et royale ; j'en fais également part à LL. EF. les ministres de la justice el de l'intérieur. La sagesse d'une telle mesure servira à diriger l'esprit des administrations civiles dans une matière que nos ois n'avaient pas prévue.» (Lettre du 12 janv. 1806.) Cette décision est du 9 juillet 1806.

Dans une lettre que Portalis écrivit l'année suivante au préfet du département de la Seine-Inférieure, il lui dit que cette décision a été prise sur le rapport du grand juge et sur le sien, et qu'il porte qu'on ne doit pas tolérer le mariage des prêtres qui, depuis le Concordat, se sont mis en communion avec les évêques et ont continué ou repris les fonctions de leur ministère ; qu'on abandonne à leur conscience ceux qui auraient abdiqué leurs fonctions avant le Concordat et qui ne les auraient plus reprises depuis ; qu'on a pensé que le mariage de ces derniers présentait moins d'inconvénients et moins de scandale. (Lettre du 30 janv. 1807.)- Si un autre que Portalis avait dit que nos lois n'avaient pas prévu cette matière, nous l'aurions renvoyé aux deux discours de lui, que nous avons déjà cités. Si un autre que l'auteur de

l'Exposé des motifs de la partie du Code civil relative au mariage avait fait défendre, par décision impériale, aux officiers de l'etat civil, de remplir leur devoir lorsqu'il s'agirait d'un homme engagé dans les ordres sacrés, nous le renverrions à cet excellent discours, dans lequel sont exposés, avec une netteté si rare, les principes du droit civil et du droit ecclésiastique, par rapport au mariage. Si un autre que lui avait fait défendre de passer outre à la célébration du mariage du prêtre Boisset, qui, le 7 messidor an II, avait déclaré par écrit à la municipalité renoncer à toutes fonctions ecclésiastiques, avait remis en conséquence ses lettres de prêtrise, et n'avait plus repris ses fonctions, nous le renverrions à la lettre qu'il écrivit, l'année suivante, au préfet de la Seine-Inférieure, lettre dans laquelle il déclare que cette défense ne s'applique pas aux prêtres qui se trouvent dans le cas de celui-ci. Mais que dire à Portalis oubliant ce qu'il a écrit, méconnaissant les lois qu'il a faites et habilement discutées, déclarant inapplicable au cas pour lequel il l'a faite la décision dont il recommande l'exécution?

Depuis lors, le gouvernement n'a point varié dans ses décisions. (Voy. décis. min., 30 juillet 1806, 9 février 1807, 27 oct. 1807, 22 oct. 1810, 3 févr. 1814, 15 mai 1818, 14 août 1823, 27 janv. 1831.) Les tribunaux ont jugé en ce sens, comme si une décision impériale avait pu déroger à nos constitutions et abroger nos lois. En 1813, Napoléon demanda au conseil d'Etat que l'engagement dans le sacerdoce fût reçu à la mairie. Le prêtre qui se marierait serait considéré comme bigame et puni du carcan et du banDissement. (Jauffret, Mém., t. II, p. 531 et s.)

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A cette occasion, on a déraisonné à qui mieux mieux : les avocats d'un côté, le ministère public et les juges de l'autre. De la part des avocats, la chose ne tire pas à conséquence: ne parlons que des juges. Ils ont dit que, par son caractère, le prêtre se trouvait dans un état d'incapacité absolue de contracter mariage, d'après les dispositions d'une lettre à l'archevêque de Bordeaux, insérée dans le journal officiel, et rapportée dans les journaux de jurisprudence. (Trib. civ. de Périgueux, 15 mai 1807.) - Voilà une lettre qui a prodigieusement de valeur. Il est vrai qu'elle avait été insérée dans le journal officiel et dans les recueils de jurisprudence!

Ils ont dit qu'un prêtre autorisé par un bref du pape à contracter mariage avec une femme ne pouvait, sans contrevenir aux lois canoniques, adoptées en France et remises en vigueur par le Concordat, comme aussi, sans blesser la morale, contracter mariage avec une autre personne. (Cour d'appel de Bordeaux, arr., 20 juill. 1807.) La Cour de cassation a cassé cet arrêt, parce qu'il violait la loi du 18 germinal an X, en faisant résulter l'incapacité civile d'un bref non autorisé. (Arr., 16 oct. 1809.) Il s'agissait d'un ancien prêtre qui n'avait point repris ses fonctions. La Cour aurait-elle maintenu l'arrêt de la Cour d'appel, si la formalité de l'approbation du

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