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EXPÉRIENCES

ENTREPRISES PAR DES Membres de LA SOCIÉTÉ CENTRALE D'AGRICULTURE de la seine-INFÉRIEURE,

SUR LA

REPRODUCTION DE LA POMME DE TERRE
PAR SEMIS.

I.

COMPTE-RENDU

DES ESSAIS ENTREPRIS EN 1847, A SAINT-MARTIN-DE-BOSCHERVILLE, Par M. CURMER, membre résidant.

MESSIEURS,

J'ai déjà eu l'honneur de vous faire connaître que je m'occupais d'expériences en vue de la régénération de la pomme de terre par semis. J'avais été porté, ainsi que bien d'autres agriculteurs et horticulteurs, à ces essais, par la pensée que la déplorable altération de ce tubercule dans les années qui viennent de s'écouler, pouvait être due au mode de reproduction employé généralement depuis qu'il se cultive dans nos climats. J'espérais trouver des espèces non sujettes à la maladie en les obtenant de graines; j'avais encore et enfin pour but de vérifier l'exactitude d'expériences faites en Allemagne, dont les revues agricoles avaient donné les détails, et dont le résultat annoncé était qu'on peut se procurer, par des semis faits au printemps, une récolte propre à l'ali

mentation des hommes et des animaux l'année -même de l'ensemencement.

A mon grand regret, je ne puis dire sur quelles espèces ont été recueillies les graines qui ont servi aux expériences; je les ai fait ramasser dans la commune de Bardouville-surSeine, où le Gros-Jaune (c'est le nom du lieu) est assez géné→ ralément préféré par les cultivateurs. Les probabilités sont que cette espèce a fourni celles que j'ai employées.

Mes semis ont été faits sur une petite couche de 1 mètre sur 1 mètre 30 centimètres en février, et la transplantation a eu lieu en mai. Un châssis a été placé pendant quelques jours sur le jeune plant, mais j'ai regretté de l'avoir, par ce moyen, fait avancer trop vite; il en est résulté que beaucoup de pieds, à l'époque du repiquage, étaient garnis de tubercules assez gros, ce qu'il faut éviter autant que possible, parce qu'il en résulte une perturbation qui peut aller jusqu'à faire produire les chétifs tubercules que j'ai conservés par curiosité, et qui font partie des produits que je me propose d'adresser à la Compagnie.

Si cette culture devait être suivie, l'abri d'un paillasson suffirait contre les gelées printannières, et serait préférable aux vitrages.

J'ai trouvé, sur ma petite couche de 1 mètre 30 centimètres de superficie, les sujets nécessaires à la plantation de

are 67 centiares de terrain employé à l'expérience, tant chez moi que chez mon fermier, et beaucoup de jeunes plantes ont été perdues ou données aux personnes qui en ont demandé, d'où je conclus que 1 mètre de couche peut suffire au repiquage sur un terrain de 2 ares.

La récolte faite les 11 et 14 octobre sur mon terrain en jardin, sol sablonneux, et sur un champ de même nature, cultivé à la charrue par mon fermier, a présenté des résultats identiques sous le rapport de la grosseur, de la maturité 3

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des tubercules, et sous celui des quantités produites. La seule différence a été que quelques pommes de terre galeuses ont été remarquées dans la culture à la charrue, ce qui existait d'ailleurs pour le reste de la même pièce de terre plantée d'après l'ancien procédé, et ce qui doit être attribué au contact des jeunes fruits avec une fumure trop abondante et non consommée.

J'ai déjà dit que la culture dont je rends compte, tant chez moi que chez mon fermier, avait eu lieu sur 167 centiares de terrain; le produit a été de 6 hect. 68 litres, soit 4 litres par centiare ou 4 hect. par are; et, sauf 3 ou 4 pieds, qui doivent être considérés comme avortés, la maturité a été complète. Quelques-unes des innombrables variétés obtenues ont offert un très bon goût; aucune de celles employées à la nourriture comme essai, n'a paru inférieure aux espèces

connues.

La maladie a sévi sur mes semis, mais à un degré moindre que sur les cultures ordinaires les plus rapprochées, qui, pour l'ensemble dans la localité, n'ont pourtant présenté qu'un dixième de perte au plus; mes semis ont eu un vingtième de productions attaquées. La presque totalité des pieds a été exempte d'altération; les plantes attaquées, au contraire, ont été presqu'entièrement perdues. Les variétés à peau rouge ou légèrement colorée ont présenté moins de produits que celles à peau jaune, mais elles ont été exemptes d'altération chez moi. Beaucoup de pieds à peau jaune et grise n'ont également présenté aucune altération, tout en donnant une abondante récolte.

Ces résultats laissent espérer que quelques variétés et le plus grand nombre de celles obtenues de semis seront moins sujettes à la contagion que celles aujourd'hui connues.

Dans l'impossibilité de conserver autant de variétés que de plantes, j'ai fait choix de la récolte de 26 pieds que je

me propose de présenter à la Compagnie sans en rien distraire, et dans des cases séparées. Dans le choix que j'ai fait, je me suis attaché d'abord aux plus beaux résultats pour la quantité produite, la forme des tubercules, leur bonne apparence; j'ai ensuite joint par curiosité les sujets de formes monstrueuses, et les plus mauvais produits en grosseur et en quantité, qu'il faudra bien se garder de propager. Les mêmes produits, je parle de ceux qu'il sera bon de conserver, seront ceux qui me serviront à la continuation des essais en vue d'arriver à la découverte de tubercules non susceptibles de contracter la maladie, ou moins disposés à en être atteints.

En outre de la partie de récolte destinée à vous être présentée, j'ai, avant de confondre les innombrables variétés produites, divisé en 3 ou 4 lots le reste de cette récolte en la rangeant selon la couleur ou la forme des tubercules; mais, préalablement encore, j'ai fait choix sur le terrain de deux pommes de terre pour chaque pied parfaitement exempt de la contagion, pour la continuation des expériences.

La reproduction de la pomme de terre par semis sur couche, seul moyen de la récolter mûre la première année, est facile; l'inutilité d'un châssis, le mauvais effet de son emploi rend l'opération plus simple encore. Le repiquage des jeunes pieds ne présente ni difficulté, ni aucune chance d'insuccès pour la reprise. Voilà des faits que je croyais douteux, que j'affirme en m'appuyant sur l'expérience que j'ai acquise. Et si j'étais cultivateur, j'y aurais à coup sûr recours en temps de disette pour conserver à l'alimentation des hommes la partie de récolte qu'il est d'usage de consacrer à la reproduction.

Voilà, Messieurs, les observations que j'ai recueillies ; elles se résument ainsi :

1 Il serait à désirer que de nouvelles expériences de semis fussent faites avec des graines récoltées sur les espèces les moins sujettes à la maladie, et sur des pieds parfaitement sains;

2o La maladie a sévi, sur les semis dont je rends compte, dans la proportion d'un vingtième au plus de la récolte; le plus grand nombre des pieds en a été exempt; le mal a été très sensible sur les pieds attaqués; toutes les variétés ont offert des pieds exempts de la contagion; les peaux rouges ou colorées plus ou moins n'ont pas offert d'altération; le mal a été inférieur de moitié sur le semis que sur les cultures selon l'ancienne méthode, dans la localité où les expériences ont été faites;

3° Si l'on veut employer une couche pour activer la germination de la graine, il faut se garder d'y ajouter l'assistance d'un vitrage, et il faut repiquer, autant que possible, avant la formation des petits tubercules;

4° Une couche de 1 mètre de superficie suffit à la production des sujets destinés à couvrir 2 ares de terrain, et on peut espérer, de ces 2 ares ainsi plantés, 8 hectolitres de récolte parfaitement mûre et propre à l'alimentation des hommes, si le terrain planté est propre à cette culture et préparé convenablement,

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