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le fuivent pas. On croit avoir remarqué, par exemple, que, depuis que la Comédie françoife eft aux Tuileries, on ne reconnoît plus dans le Parterre cette vieille fagacité, que lui donnoient fes chefs de meute quand ce fpectacle étoit au faubourg S. Germain: car il en eft d'un Parterre nouveau comme d'une meute de jeunes chiens; il s'étourdit & prend le change.

Par la même raifon, le goût dominant du Public, le même jour & dans la même ville, n'est pas le même d'un spectacle à un autre; & la différence n'eft pas dans les loges, car le même monde y circule; elle eft dans cette partie habituée du Public, que l'on appelle les piliers du Parterre: c'eft elle qui donne le ton; & c'eft fon indulgence ou fa févérité, fa bonne ou fa mauvaise humeur, fon naturel inculte ou fa délicateffe, fon goût plus ou moins difficile, plus ou moins raffiné, qui, par contagion, fe communique aux loges, & fait comme l'efprit du lieu & du moment.

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Enfin le gros du Parterre eft compofé d'hommes fans culture & fans prétentions, dont la fenfibilité ingénue vient fe livrer aux impreffions qu'elle recevra du fpectacle, & qui, de plus, fuivant l'impulfion qu'on leur donne, femblent ne faire qu'un efprit & qu'une âme avec ceux qui, plus éclairés, les font penfer & fentir avec eux.

De làvient cette fagacité fingulière, cette promptitude admirable, avec laquelle tout un Parterre faifit à la fois les beautés ou les défauts d'une pièce de Théâtre; de là vient auffi que certaines beautés délicates ou tranfcendantes ne font fenties qu'avec le temps, parce que l'influence des bons efprits n'eft pas toujours également rapide, quoique la partie du Public où il y a le moins de vanité, foit auffi celle qui fe corrige & fe rétracte le plus ailément. C'est le Parterre qui a vengé la Phèdre de Racine de la préférence que les loges avoient donnée à celle de Pradon.

Telle eft chez nous la compofition & le mélange de cette partie du Public, qui, pour être admife à peu de frais au fpectacle, confent à s'y tenir debout, & fouvent très-mal à son aife.

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Mais le Parterre foit affis, ce fera tout un que autre monde foit parce que les places en feront plus chères, foit parce qu'on y fera plus commodément. Alors le Public des loges & celui du Parterre ne feront qu'un ; & dans le fentiment du Parzerre il n'y aura plus, ni la même liberté, ni la même ingenuité, ôfons le dire, ni les mêmes lumières car dans le Parterre, comme je l'ai dit, les ignorants ont la modeftie d'être à l'école & d'écouter les gens inftruits; au lieu que dans les loges, & par conféquent dans un Parterre affis, l'ignorance eft présomptueufe; tout eft caprice, vanité, fantaisie, ou prévention.

:

On trouvera que j'exagère; mais je fuis perfuadé que, fi le Parterre, tel qu'il eft, ne captivoit pas L'opinion publique, & ne la réduifoit pas à l'unité

en la ramenant à la fienne, il y auroit le plus fouvent autant de jugements divers qu'il y a de loges au fpectacle, & que de long temps le fuccès d'une pièce ne feroit unanimement ni abfolument décidé.

Il eft vrai du moins que cette efpèce de république qui compofe nos fpectacles, changeroit de nature, & que la démocratie du Parterre dégénèreroit en ariftocratie: moins de licence & de tumulte, mais auffi moins de liberté, d'ingénuïté, de chaleur, de franchife, & d'intégrité. C'eft du Parterre, & d'un Parterre libre, que part l'applaudiffement; & l'applaudiffement eft l'ame de l'émulation, l'explofion du fentiment, la fanction publique des jugements intimes, & comme le figual que fe donnent toutes les âmes pour jouïr à la fois, & pour redoubler l'intérêt de leurs jouiffances par cette communication mutuelle & rapide de leur commune émotion. Dans un spectacle où l'on n'applaudit pas, les âmes feront toujours froides & le goût toujours indécis.

Je ne dois pourtant pas diffimuler que le défir très-naturel d'exciter l'applaudiffement a pu nuire au goût des poètes & au jeu des acteurs, en leur fefant préférer ce qui étoit plus faillant à ce qui eût été plus vrai, plus naturel, plus réellement beau de là ces vers fententieux qu'on a détachés ; de là ces tirades brillantes dans lesquelles, aux dépens de la vérité du dialogue, on femble ramaffer des forces pour ébranler le Parterre & l'étonner par un coup d'éclat; de là auffi ce jeu violent ces mouvements outrés, par lefquels l'acteur, à la fin d'une réplique ou d'un monologue, arrache l'applaudiffement. Mais cette espèce de charlatanerie, dont le Parterre plus éclairé s'apercevra un jour, & qu'il fera ceffer lui même, paroitroit peut-être encore plus néceffaire pour émouvoir un Parterre affis, & d'autant moins fenfible au plaifir du fpectacle qu'il en jouiroit plus commodément : car il en eft de ce plaifir comme de tous les autres; la peine qu'il en coute y met un nouveau prix, & on les goûte foiblement lorfqu'on les prend trop à fon aife. Peut-être qu'un Parterre ou l'on feroit debout auroit plus d'inconvénients chez un peuple où règneroit plus de licence, & moins d'avantages chez un peuple dont la fenfibilité, exaltée par le climat, feroit plus facile à émouvoir. Mais je parle ici des françois ; & j'ai pour moi l'avis des comédiens eux-mêmes, qui, quoiqu'intéreffé, mérite quelque

attention.

co

(Depuis que cet article a été imprimé, les médiens françois, dans leur nouvelle falle, ont pris le parti courageux d'avoir un Parterre affis: il paroît moins tumultueux, mais plus difficile à émouvoir; & foit que le prix des places ne foit plus affez bas pour y attirer cette foule de jeunes gens dont l'âme & l'imagination n'avoit befoin, pour s'exalter, que d'entendre de belles chofes, foit que le goût du Public, généralement pris, foit refroidi pour les beautés fimples, comme on l'obferve

à tous nos théâtres, il eft certain qu'on n'obtient plus de grands fuccès par ce moyen; & ce que difoit Voltaire, d'après une longue expérience, que pour être applaudi de la multitude, il valoit mieux fraper fort que de fraper jufte, fe trouve plus vrai que jamais, tant à l'égard des fpectateurs affis, qu'à l'égard de ceux qui font debout: ce qui rend encore indécis le problême des deux Parterres.) (M. MARMONTEL.)

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PARTICIPE, f. m. Grammaire. Le Participe eft un mode du verbe qui préfente à l'efprit un être indéterminé défigné feulement par une idée précife de l'exiftence fous un attribut, laquelle idée eft alors envisagée comme l'idée d'un accident particulier communicable à plufieurs natures. C'eft pour cela qu'en grec, en latin, en allemand, &c, le Participe reçoit des terminaisons relatives aux genres, aux nombres, & aux cas, au moyen defquelles il fe met en concordance avec le fujet uquel on l'applique: mais il ne reçoit nulle part ucune terminaifon perfonnelle, parce qu'il ne onftitue dans aucune langue la propofition prinipale; il n'exprime qu'un jugement acceffoire, ai tombe fur un objet particulier qui eft partie e la principale. Quos ab urbe difcedens Pomeius erat adhortatus (Cæf. I. civil.): difcelens eft ici la même chose que tum quum difcelebat ou difceffit; ce qui niarque bien une proofition incidente: la conftruétion analytique de ette phrase ainfi réfolue eft, Pompeius erat adprtatus eos (au lieu de quos) tum quum difceffit burbe; la propofition incidente difceffit ab urbe t liée par la conjonction quum à l'adverbe antédent tum (alors, lors); & le tout, tum quum fceffit ab urbe (lorfqu'il partit de la ville),

la totalité du complément circonftanciel de tops du verbe adhortatus. Il en fera ainfi de tout are Participe, qui pourra toujours fe décompofer paun mode perfonnel & un mot conjonctif, pour conituer une proposition incidente.

:

L Participe eft donc à cet égard comme les adjefs comme eux, il s'accorde en genre, en nointe, & en cas, avec le nom auquel il eft appliqu; & les adjectifs expriment, comme lui, des additis acceffoires qui peuvent s'expliquer par des proofitions incidentes: des hommes favanis, c'est à re, des hommes qui font favants. En un mo le Participe eft un véritable adjectif, puifqu'ifert, comme les adjectifs, à déterminer l'idée duajet par l'idée accidentelle de l'évènement qu'il expme, & qu'il prend en conféquence les terminaifonsrelatives aux accidents des noms & des pronoms.

Mais adjectif eft auffi verbe, puifqu'il en a la figification, qui confifte à exprimer l'exiftence d'un ujet fous un attribut: & il reçoit les diverfes infixions temporelles qui en font les fuites néceffaires ; préfent, presans (priant); le prétérit,

precatus (ayant prié); le futur, precaturus (devant prier).

On peut donc dire avec vérité, que le Participe eft un adjectif-verbe, ainfi que je l'ai infinué dans quelque autre article, où j'avois befoin d'infifter fur ce qu'il a de commun avec les adjectifs, fans vouloir perdre de vue fa nature indestructible de verbe; & c'eft précisément parce que fa nature tient de celle des deux parties d'oraifon, qu'on lui a donné le nom de Participe: ce n'eft point exclufivement un adjectif qui emprunte par accident quelque propriété du verbe, comme San&tius femble le décider ( Min. I. 15); ce n'eft pas non plus un verbe qui emprunte accidentellement quelque propriété de l'adjectif; c'eft une forte de mot dont l'effence comprend néceffairement les deux natures, & l'on doit dire que les Participes font ainfi nommés, quoi qu'en dife Sanctiùs, quod partem (naturæ fuæ) capiant à verbo, partem & nomine, ou plus tôt ab adjectivo.

L'abbé Girard (tome 1, difc. 11, page 70) trouve à ce sujet de la bizarrerie dans les grammaiririens. « Comment, dit-il, après avoir décidé » que les infinitifs, les gérondifs, & les Parti»cipes font les uns fubftantifs & les autres adjec» tifs, ôfent-ils les placer au rang des verbes dans » leurs méthodes, & en faire des modes de con>> jugaifons?» Je viens de le dire, le Participe eft verbe, parce qu'il exprime effenciellement l'existence d'un fujet fous un attribut, ce qui fait qu'il fe conjugue par temps: il eft adjectif, parce que c'eft fous le point de vue qui caractérife la nature des adjectifs, qu'il préfente la fignification fondamentale qui le fait verbe; & c'eft ce point de vûe propre qui en fait, dans le verbe un mode diftingué des autres, comme l'infinitif en est un autre, caractérisé par la nature commune des noms. Voyez INFINITIF.

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Prifcien donne, à mon fens, une plaifante raison de ce que l'on regarde le Participe comme une efpèce de mot différent du verbe c'eft, dit-il, quod & cafus habet quibus caret verbum, & genera ad fimilitudinem nominum, nec modos habet quos continet verbum ( lib. 11, de Oratione): fur quoi je ferai quatre obfervations.

1°. Que dans la langue hébraïque il y a pref que à chaque perfonne des variations relatives aux genres, même dans le mode indicatif, & que ces genres n'empêchent pas les verbes hébreux d'être des verbes.

2o. Que féparer le Participe du verbe, parce qu'il a des cas & des genres comme les adjectifs; c'eft comme fi l'on en féparoit l'infinitif, parce qu'il n'a ni nombres ni perfonnes, comme le verbe en a dans les autres modes; ou comme fi l'on en féparoit l'impératif, parce qu'il n'a pas autant de temps que l'indicatif, ou qu'il n'a pas autant de perfonnes que les autres modes: en un mot, c'eft Téparer le Participe du verbe, par la raison qu'il

a un caractère propre qui l'empêche d'être confondu avec les autres modes. Que penfer d'une pareille Logique ?

3°. Qu'il eft ridicule de ne vouloir pas regarder le Participe comme appartenant au verbe, parce qu'il ne fe divife point en modes comme le verbe. Ne peut-on pas dire auffi de l'indicatif, que nec modos habet quos continet verbum ? N'eft-ce pas la même chofe de l'impératif, du fuppofitif, du fubjonctif, de l'optatif, de l'infinitif, pris à part? C'est donc encore dans Prifcién un nouveau principe de Logique, que la partie n'eft pas de la nature du Tout, parce qu'elle ne fe fubdivife pas dans les mêmes parties que le Tout.

4°. On doit regarder comme appartenant au verbe tout ce qui en conferve l'effence, qui eft d'exprimer l'existence d'un fujet fous un attribut (voyez VERBE); & toute autre idée acceffoire qui ne détruit point celle-là, n'empêche pas plus le verbe d'exilter, que ne font les variations des perfonnes & des nombres. Or le Participe conferve en effet la propriété d'exprimer l'exiftence d'un fujet fous un attribut, puifqu'il admet les différences de temps qui en font une fuite immédiate & néceffaire ( Voyez TEMPS). Prifcien par conféquent avoit tort de féparer le Participe du verbe, par la raifon des idées acceffoires qui font ajoutées à celle qui eft effencielle au verbe.

J'ajoute qu'aucune autre raifon n'a dû faire regarder le Participe comme une partie d'oraison différente du verbe : outre qu'il en a la nature fondamentale, il en conferve, dans toutes les langues, les propriétés ufuelles. Nous difons en françois, lifant une lettre, ayant lu une lettre, comme je lis ou j'ai lu une lettre; arrivant ou étant arrive des champs à la ville, comme j'arrive ou j'étois arrivé des champs à la ville. En grec & en latin, le complément objectif du Participe du verbe actif fe met à l'accufatif, comme quand le verbe eft dans tout autre mode : ἀγαπήσεις κύριον Tor Oir oy, diliges Dominum Deum tuum) vous aimerez le feigneur votre Dieu); de même av κύριον τόν Θεόν σε, diligens Dominum Deum tuum (aimant le Seigneur votre Dieu). Perizonius (ad San&t. Min. I. 15, not. 1) prétend qu'il en eft de l'accufatif mis après la Participe latin, comme de celui que l'on trouve après certains noms verbaux, comme dans Quid tibi hanc rem curatio eft, ou après certains adjectifs, comme omnia fimilis, cætera indoctus; & que cet accufatif y eft également complément d'une prépofition foufentendue: ainfi, de même que hanc rem curatio veut dire propter hanc rem curatio, que omnia fimilis c'eft fecundùm omnia fimilis, & que cætera indoctus fignifie circà cætera indoctus ou, felon l'interprétation de Périzonius même, negotio quod attinet ad cætera indoctus; de même aufli amans uxorem fignifie amans erga uxorem, ou in negotio quod attinet ad uxorem. La

in

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principale raifon qu'il en apporte, c'eft que l'accufatif n'eft jamais régi immédiatement par aucun adjectif, & que les Participes enfin font de véritables adjectifs, puifqu'ils en reçoivent tous les accidents, qu'ils fe conftruifent comme les adjectifs, & que l'on dit également amans uxoris & amans uxorem, patiens inedia & patiens inediam.

Il eft vrai que l'accufatif n'eft jamais régi immédiatement par un adjectif qui n'eft qu'adjectif, & qu'il ne peut être donné à cette forte de mot aucun complément déterminatif, qu'au moyen d'une prépofition exprimée ou foulentendue. Mais le Participe n'eft pas un adjectif pur; il eft aufli verbe, puifqu'il fe conjugue par temps & qu'il exprime l'existence d'un fujet fous un attribut. Pour quelle raifon la Syntaxe le confidèreroit-elle comme adjectif plus tôt que comme verbe? Je fais bien que, fi elle le fefoit en effet, il faudroit bien en convenir & admettre ce principe, quand même on n'en pourroit pas affigner la raifon: mais on ne peut ftatuer le fait que par l'ufage; & l'ufage univerfel, qui s'explique à merveille par l'analogie commune des autres modes du verbe, eft de mettre l'accuLatif fans prépofition après les Participes actifs, on ne trouve aucun exemple où le complément objectif du Participe foit amené par une prépofi tion; & fi l'on en rencontre quelqu'un où ce complément paroiffe être au génitif, comme dans patiens inedia, uxoris amans, c'eft alors le cas de conclure que ce génitif n'eft pas le complémen immédiat du Participe, mais celui de quelque autr nom foufentendu qui fera lui-même complément d Participe.

Ufus vulgaris (dit Périzonius lui-même, ibid.), quodammodo diftinxit Participii præfentis fignificationem ratione conftructionis, feu prout ge nitivo vel accufativo jungitur. Nam paties inediæ quum dicunt veteres, videtur fignificare eum qui æquo animo fæpiùs patitur vel facle poteft pain: at patiens inediam, qui uno atu aut tempore volens nolens patitur. Il dit ailleurs (Min. III, x, 2) Amans virtutem adhibetur ad notandum præfens illud temporis momentum quo quis virtutem amat; virtutis ufurpatur ad perpetuum virtutis amorm in homine aliquo fignificandum.

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at amans

Cette différence de fignification attachée à celle de la Syntaxe ufuelle, prouve directement que l'accufatif eft le cas propre qui convient au complément objectif du Participe, puifque c'est celui que l'on emploie quand on fe fert de ce mode dans le fens même du verbe auquel il appartient; au lieu que, quand on veut y ajouter l'idée acceffoire de facilité ou d'habitude, on ne montre que le génitif de l'objet principal, & l'on foufentend le nom qui eft l'objet immédiat, parce qu'en verta de Fufage il eft fuffifamment indiqué par le génitif ainfi, l'on devine aifément que patiens inedie fignifie facilè patiens omnia incommoda inedia & que amans virtutis veut dire de more

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Antér.

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Indéf. Precor ou fum precans.
Precabar, eram precans.
Poftér. Precabor, ero precans.

Las verbes les plus riches en temps fimples, comme les verbes actifs relatifs, n'ont encore que des futurs compofés de la même manière, amaturus fum, amaturus eram, amaturus ero : & ces futurs compofés exprimant des points de vûe néceffaires à la plénitude du fyftême des temps exigé par l'effence du verbe, il'eft néceffaire aufli de reconnoître que le Participe qui entre dans ces circonLocutions, eft de même nature que le verbe dont il dérive; autrement, les vûcs du fyftème ne feroient pas effectivement remplies.

que

Sanctius, & après lui Scioppius, prétendent que tout Participe eft indiftinctement de tous les temps; & Lancelot a prefque approuvé cette doctrine dans fa Méthode latine. La raifon générale qu'ils allėguent tous en faveur de cette opinion, c'eft chaque Participe fe joint à chaque temps du verbe auxiliaire, ou même de tout autre verbe, au préfent, au prétérit, & au futur. Je n'entrerai pas ici dans le détail immenfe des exemples qu'on allègue pour la juftification de ce fyftême cependant, comme on pourroit l'appliquer aux Participes de toutes les langues, j'en ferai voir le foible, rappelant un principe qui eft effenciel, & dont les grammairiens n'avoient pas une notion bien

exacte.

en

Il faut confidérer deux chofes dans la fignification générale des temps: 1°. un raport d'existence à une époque; 2°. l'époque même, qui eft le terme de comparaifon. L'exiftence peut avoir à l'époque trois fortes de raports raport de fimultanéité, qui caractérise les préfents; raport d'antériorité, qui caractérise les prétérits; & raport de poftériorité, qui caractérife les futurs ainfi, une partie quelconque d'un verbe eft un préfent quand il exprime la fimultanéité de l'existence à l'égard d'une époque; c'eft un prétérit, s'il en exprime l'antérioité; & c'eft un futur, s'il en exprime la poftériorité.

On diftingue plufieurs espèces, ou de préfents,

attribut le Participe du verbe décomposé : que dis-je le fyftême complet des temps auroit exigé dans les veibes latins neuf temps fimples, favoir trois préfents, trois prétérits, & trois futurs; & il y a quantité de verbes qui n'ont de fimples que les préfents. Tels font les verbes déponents, dont les prétérits & les futurs fimples font remplacés par le prétérit & le futur du Participe avec les préfents fimples du verbe auxiliaire : & comme on peut également remplacer les préfents fimples du même verbe auxiliaire; voici fous un feul coup d'œil l'analyfe complette des neuf temps de l'indicatif, par exemple, du verbe precors

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ou de prétérits, ou de futurs, felon la manière dont l'époque de comparaifon y eft envisagée. Si l'existence fe raporte à une époque quelconque & indéterminée, le temps où elle eft ainfi envisagée eft ou un préfent, ou un prélérit, ou un futur indéfini: fi l'époque est déterminée, le temps eft défini. Or l'époque envifagée dans un temps ne peut être déterminée que par fa relation au moment même où l'on parle; & cette relation peut auffi être ou de fimultanéité, ou d'antériorité, ou de poftériorité, felon que l'époque concourt avec l'acte de la parole, ou qu'elle le précède, ou qu'elle le fuit: ce qui divife chacune des trois efpèces générales de temps définis en actuel, antérieur, & poftérieur. Voyez TEMPS.

Cela pofé, l'origine de l'erreur de Sanctius vient de ce que les temps du Participe font indéfinis, qu'ils font abftraction de toute époque, & qu'on peut en conféquence les raporter, tantôt à une époque & tantôt à une autre, quoique chacun de ces temps exprime conftamment la même relation d'existence à l'époque. Ce font ces variations de l'époque qui ont fait croire qu'en effet le même temps du Participe avoit fucceffivement le fens du préfent, celui du prétérit, & celui du futur.

Ainfi, l'on dit, par exemple, fum metuens (je fuis craignant, ou je crains); metuens eram (j'étois craignant, ou je craignois); metuens ero (je ferai craignant, ou je craindrai); & ces expreffions marquent toutes ma crainte comme préfente à l'égard des diverfes époques défignées par le verbe fubftantif, époque actuelle délignée par fum, époque antérieure défignée par eram, époque postérieure défignée par ero.

Il en eft de même de tous les autres temps du Participe: egreffurus fum (je fuis devant fortir) c'eft à dire, actuellement ma fortie eft future; egreffurus eram (j'étois devant fortir), c'est à dire, par exemple, quand vous êtes arrivé, ma fortie étoit future; egreffurus ero (je ferai devant fortir),

c'eft à dire, par exemple, je prendrai mes mesures quand ma fortie fera future: où l'on voit que ma fortie eft toujours envifagée comme future, & à l'égard de l'époque actuelle marquée par fum, & à l'égard de l'époque antérieure marquée par eram, & à l'égard de l'époque poftérieure marquée par

ero.

Ce ne font donc point les relations de l'époque à l'acte de la parole qui déterminent les préfents, les prétérits, & les futurs; ce font les relations de l'existence du fujet à l'époque même. Or tous les temps du Participe, étant indéfinis, expriment une relation déterminée de l'existence du fujet à une époque indéterminée, qui eft enfuite caractérifée par le verbe qui accompagne le Participe. Voilà la grande règle pour expliquer tous les exemples d'où Sanctius prétend inférer que les Participes ne font d'aucun temps.

Il faut y ajouter encore une obfervation importante. C'eft que plufieurs mots, Participes dans l'origine, font devenus de purs adjectifs, parce que l'ufage a fupprimé de leur fignification l'idée de l'existence qui caractérise les verbes, & conféquemment toute idée de temps: tels font en latin, fapiens, cautus, dolus, &c; & en françois, plaifant, déplaifant, intriguant, intéressé, poli,&c. Or il peut arriver encore qu'il fe trouve des exemples ou de vrais Participes foient employés comme purs adjectifs, avec abftraction de l'idée d'exiftence, & par conféquent de l'idée du temps mais loin d'en conclure que ces Participes, qui au fonds ne le font plus, quoiqu'ils en confervent la forme, font de tous les temps; il faut dire au contraire qu'ils ne font d'aucun temps, parce que les temps fuppofent l'idée de l'existence, dont ces mots font dépouillés par l'abstraction. Vir patiens inediæ; vir amans virtutis, c'est comme vir fortis, vir amicus virtutis.

Il n'y a en grec ni en latin aucune difficulté de Syntaxe par raport aux Participes, parce que ce mode eft déclinable dans tous fes temps par genres, par nombres, & par cas, & qu'en vertu du principe d'identité, il s'accorde en tous ces accidents avec fon fujet immédiat. Notre Syntaxe à cet égard n'eft pas auffi fimple que celle de ces deux langues, parce qu'il me femble qu'on n'y a pas démélé avec autant de précifion la véritable nature de chaque mot. Je vas tâcher de mettre cette matière dans fon vrai jour : & fans recourir à l'autorité de Vaugelas, de Ménage, du P. Bouhours, ni de l'abbé Regnier, parce que l'ufage a déja changé depuis eux; je prendrai pour guide l'abbé d'Olivet & Duclos, témoins éclairés d'un ufage plus récent & plus sûr, & furtout celui de l'Académie françoife, où ils tenoient un rang fi diftingué je confulterai en même temps la Philofophie qu'ils ont eux-mêmes confultée, & j'emploierai les termes que les vues de mon fyftême grammatical m'ont fait adopter. Voyez les Opufcules fur

la langue françoife, & les Remarques de Du clos fur la Grammaire génerale.

On a coutume de diftinguer dans nos verbes deux fortes de Participes fimples : l'un actif & toujours terminé en ant, comme aimant, fouffrant, uniffant,prenant, difant, fefant, voyant, &c; l'autre paflif & terminé de toute autre manière, comme aimé, fouffert, uni, pris, dit,fait, vu, &c.

Art. 1. «Le Participe actif, dit le P. Buffier (Grammaire françoife, n°. 542),» reçoit quel» quefois avant foi la particule en, comme en » parlant, en lifant, &c; c'eft ce que quelques» uns appellent Gérondif. N'importe quel nom » on lui donne, pourvu qu'on fache que cette particule » en devant un Participe actif, fignifie lorfque, » tandis que ».

Il me femble que c'eft traiter un peu cavalièrement une diftinction qui intéreffe pourtant la Philofophie plus qu'il ne paroît d'abord. Les gérondifs, en latin, font des cas de l'infinitif (voyez GÉRONDIF); & l'infinitif, dans cette langue & dans toutes les autres, eft un véritable nom, ou, pour parler le langage ordinaire, un vrai nom fubftantif (Voyez INFINITIF). Le Participe au contraire eft un mode tout différent de l'infinitif; il eft adjectif. Le premier eft un nom-verbe; le fecond eft un adjectif-verbe. Le premier ne peut être appliqué grammaticalement à aucun fujet, parce qu'un nom n'a point de fujet; & c'est pour cela qu'il ne reçoit dans nul idiome aucune des terminaifons par lefquelles il pourroit s'accorder avec un fujet le fecond eft applicable à un fujet, parce que c'eft une propriété effencielle à tout adjectif; & c'eft pour cela que, dans la plupart des langues, il reçoit les mêmes terminaifons que les adjectifs, pour le préter, comme eux, aux lois ufuelles de la concordance. Or il n'eft assûrément rien moins qu'indifférent pour l'exactitude de l'analyfe, de favoir fi un mot eft un nom ou un adjectif, & par conféquent fi c'est un gérondif ou un Participe.

Que le verbe terminé en ant puiffe ou ne puiffe pas être précédé de la prépofition en, l'abbé Girard le traite également de gérondif; « & c'est un mode, » dit-il Frais princ. difc. VII, t. II, p. 5), » fait pour lier (l'évènement) à un autre évènement, » comme circonftance & dépendance ». Mais que l'on dife, cela étant vous fortirez, ou cela poft vous fortirez, il me femble que étant & post expriment également une circonftance & une dépendance de vous fortirez. Cependant l'abbé Girard regarde étant comme un gérondif, & pofe comme un Participe. Son analyfe manque ici de l'exactitude qu'il a tant annoncée.

D'autres grammairiens, plus exacts en ce point que le P. Buffier & l'abbé Girard, ont bien senti que nous avions gérondif & Participe en anti

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