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cela n'eft propre au contraire qu'à lui ôter fa perfection la plus effencielle, l'articulation de la voix, qui dès lors n'eft plus qu'une image confufe, infidèle, & inutile de la pensée.

C'eft donc un défaut que doivent éviter avec foin ceux furtout qui parlent en public: car il ne faut que quelques mo:s prononcés de la forte, pour faire perdre à l'auditeur le fens de toute une période; & plufieurs périodes manquées par ce défaut de prononciation, rompent la chaîne de tout un difcours, empêchent qu'on n'en fuive le plan, qu'on n'en faififfe le but, qu'on n'en retienne quelque chofe de net & de précis.

Les muficiens mêmes, chez qui ce défaut eft bien plus ordinaire, parce qu'ils font plus occupés des tons que des articulations, gagneroient infiniment à éviter le Platiafme: la Mufique eft d'autant plus belle, qu'elle eft mieux adaptée aux paroles; ch comment juger de cet accord fi précieux, fi une mauvaise prononciation dérobe les paroles à l'oreille la plus attentive? Tout Paris prodiguoit récemment fon admiration à une cantatrice diftinguée, parce qu'à toutes les autres parties requifes pour la perfection du chant elle ajoutoit le mérite d'une articulation nette, franche, & bien prononcée. (M. BEAUZÉE.)

PLEIN, REMPLI. Synonymes.

Il n'en peut plus tenir dans ce qui eft plein. On n'en peut pas mettre davantage dans ce qui eft rempli. Le premier a un raport particulier à la capacité; & le fecond, à ce qui doit être reçu dans cette capacité.

Aux noces de Cana, les pots furent remplis d'eau; & par miracle, ils le trouvèrent pleins de vin. (L'abbé GIRARD.)

PLÉONASME, f. m. Grammaire. C'est une figure de Conftruction, difent tous les grammairiens, qui eft oppofée à l'Ellipfe; elle fe fait lorfque dans le difcours on met quelque mot qui eft inutile pour le fens, & qui étant ôté laisse le Tens dans fon intégrité. C'eft ainfi que s'en explique l'auteur du Manuel des grammairiens, part. I, chap. xiv, n°. 6. « Il y a Pléonafme, dit du Marfais (article FIGURE), lorsqu'il y a dans » la phrafe quelque mot fuperflu, en forte que le » fens n'en feroit pas moins entendu, quand ce » mot ne feroit pas exprimé; comme quand on dit, Je l'ai vu de mes ieux, Je l'ai entendu » de mes oreilles, J'irai moi-même: mes ieux, mes oreilles, moi-même, font autant de Pléo» nasmes». Sur le vers 212 du liv. 1 de l'Énéide,

Talia voce refert, &c,

Servius s'explique ainfi : Theovasuis eft, qui fit quoties adduntur fuperflua, ut alibi, vocemque his auribus haufi: Terentius; His oculis egomet vidi.

C'eft d'après cette notion généralement reconnue que l'on a donné à cette figure le nom de Pléonafme, qui eft grec : πλεονασμός, de πλεονάζειν, re dundare ou abundare; R. λos; plenus; en forte que le mot de Pléonafme fignifie ou Plénitude ou Superfluïté.

Si on veut, comme on le doit, entendre le mot de Pléonafme dans le premier fens; c'eft une figure de Syntaxe, par laquelle on ajoûte, à une phrafe, des mots qui paroiffent fuperflus par raport à l'intégrité grammaticale, mais qui fervent pourtant à y ajouter des idées acceffoires furabondantes, foit pour y jeter de la clarté, foit pour en augmenter l'énergie.

Si on prend le terme de Pléonafme dans le fecond fens, dans le fens de Superfluïté; c'eft un véritable défaut, qui tend à la Battologie (Voyez BATTOLOGIE). C'eft au fonds ce qu'on nomme généralement Périffologie. Voyez PÉRISSOLOGIE.

Il me femble 1°. que c'eft un défaut dans le langage grammatical, de défigner par un feul & même mot deux idées auffi oppofées, que le font celle d'une figure de Conftruction & celle d'un vice d'Élocution. A la bonne heure, qu'on cût laiffé à la figure le nom de Pléonafme, qui marque fimplement Abondance & Richeffe: mais il falloit défigner la fuperfluïté des mots dans chaque phrase par un autre terme; par exemple, celui de Périffologie, qui eft connu, devroit être employs feul dans ce fens. Ce terme vient de pros, fuperfluus, & de xiyes, dictio; & l'adjectif Epis a pour racine l'adverbe épa outre mefure. Je ferai ufage de cette remarque dans le refte de l'article.

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2o. Si c'eft un défaut de n'avoir employé qu'un même nom pour deux idées fi difparates, celui de vouloir les comprendre fous une même définition eft bien plus grand encore; & c'eft cependant en quoi ont péché les grammairiens même les plus exacts, comme on peut le voir par le début de cet article. Il faut donc tâcher de faifir & d'affigner les caractères diftinctifs de la figure appelée Pléonafme, & du vice de fuperfluïté que j'appelle Périfologie.

I. Il y a Pléonafme, lorfque des mots, qui paroiffent fuperflus par raport à l'intégrité du fens grammatical, fervent pourtant à y ajouter des idées acceffoires furabondantes, qui y jettent de la clarté ou qui en augmentent l'énergie. Quand on lit dans Plaute (Milit.), Simile fomnium fomniavit, le mot fomnium, dont la force eft renfermée dans fomniavit, femble furabondant par raport ce verbe mais il y eft ajouté comme fujet de l'adjectif fimile, afin que l'idée de cette fimilitude foit raportée fans équivoque à celle du fonge, fimile fomnium; c'eft un Pléonafme accordé à la clarté de l'expreffion.

:

Quand on dit, Je l'ai vu de mes ieux, ces mots de mes ieux font effectivement fuperflus par raport au

fens grammatical du verbe j'ai vu, puifqu'on ne peut jamais voir que des lieux, & que qui dit j'ai vu, dit affez que c'est par les ieux, & de plus que c'est par les fiens; ainfi, il y a, grammaticalement parlant, une double fuperfluité: mais ce fuperflu grammatical ajoûte des idées acceffoires qui augmentent l'énergie du fens, & qui font entendre qu'on ne parle pas fur le raport douteux d'autrui, ou qu'on n'a pas vu la chofe par hafard & fans attention, mais qu'on l'a vue avec réflexion, & qu'on ne l'affûre que d'après fa propre expérience bien conftatée; c'est donc un Pleonafme néceffaire à l'énergie du fens. « Cela eft fondé en raifon, dit Vaugelas (Remarq. 160) », parce que, lorfque nous voulons » bien affûrer & affirmer une chofe, il ne fuffit pas de dire fimplement je l'ai vu, puifque bien fou» vent il nous femble avoir vu des chofes, que fi » l'on nous preffoit de dire la vérité, nous n'ôfe>>tions l'affûrer. Il faut donc dire Je l'ai vu de » mes ieux, pour ne laiffer aucun fujet de douter » que cela ne foit ainfi tellement qu'à le bien » prendre (cette conclufion eft remarquable), » il n'y a point là de mots fuperflus; puifqu'au con» traire ils font néceffaires pour donner une pleine >> affûrance de ce que l'on affirme. En un mot, » il fuffit que l'une des phrafes dife plus que » l'autre pour éviter le vice du Pléonafme (c'est » à dire, la Périssologie), qui confifte à ne dire qu'une même chofe en paroles différentes & oifives, fans qu'elles ayent une fignification ni » plus étendue ni plus forte que les premières».

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Le Pléonafme d'énergie eft très-commun dans la langue hébraïque; & il femble en faire un caractère particulier & propre, tant l'ufage en eft fréquent & néceffaire !

1o. Un nom conftruit avec lui-même, comme fclave des efclaves, cantique des cantiques, vanité des vanites, flamme de flamme, les fiècles des fiècles, &c, eft un tour très-ordinaire dans la langue fainte, & une fuperfluïté apparente de mots: mais ce Pléonafme eft très-énergique, & il fert à ajouter au nom l'idée de fa propriété caractéristique dans un grand degré d'intensité; c'eft comme fi on difoit, très - vil efclave, cantique excellent, vanité exceffive, flamme très-ardente, la totalité des fiècles ou l'éternité.

2o. Rien de plus inutile en apparence à la plénitude du fens grammatical que la répétition de l'adjectif ou de l'adverbe ; mais c'est un Pléonafme adopté dans la langue hébraïque, pour remplacer ce qu'on appelle dans les autres le Superlatif abfolu. Voyez IDIOTISME, & SUPERLATIF.

3. Un autre Pléonafme eft encore ufité dans le même fens ampliatif; c'eft l'union de deux mots fynonymes par la conjonction copulative; comme Verba oris ejus iniquitas & dolus ( Pf. 35, vulg. 36, hæbr. v. 4), c'eft à dire, verba oris ejus iniquiffima.

4. Mais fi la conjonction réunit le même mot à lui-même, c'eft un Pleonafme qui marque di

verfité In corde & corde loquuti funt ( Pf. 11 vulg. 12, habr. v. s), c'eft à dire, cum diverfis fenfibus, quorum alter eft in ore, alter in mente. Nous difons de même en françois, au moins dans le ftyle fimple, Il y a coutume & coutume, Il y a donner & donner, pour marquer la diverfité des coutumes & des manières de donner; c'est dans notre langue un hébraïfme.

5. Si le même nom est répété de fuite fans conjonction & fans aucun changement de forme, c'eft un Pléonafme qui remplace quelquefois en hébreu l'article diftributif chaque, où l'article

Ifral) ישראל איש איש מבית : collectif tout

aiff aiff mebit, en litant comme Mafclef); ce que les feptante ont traduit par ἄνθρωπος ἄνθρωπος τῶν v lopanλ, homo homo filiorum Ifraël, & la vulgate, homo quilibet de domo Ifraël ( Lev. xvij. 3 ); ce qui eft le véritable fens de l'hébraïfme. D'autres fois cette répétition eft purement emphatique :

(ali, ali), Deus meus, Deus meus ; ce Pléonafme marque l'ardeur de l'invocation. Nous imitons quelquefois ce tour hébraïque dans la même vue on ne fauroit lire fans la plus vive émotion ce qu'a écrit l'auteur du Télémaque (liv. x1), fur les acclamations des peuples de l'Hespérie au fujet de la paix; & la jonction de ces deux mots la paix, la paix, qui fe trouve jufqu'à trois fois dans l'efpace de quatre à cinq lignes, donne au récit un feu qui porte l'embrâfement dans l'imagination & dans l'âme du lecteur.

6. C'est un ufage très-ordinaire de la langue hébraïque de mettre l'infinitif du verbe avant le verbe même: (achal tachal), comedere ou comedendo comedes ( Gen. 2,

16);

mouth thamouth), mori ou mo ) מות תמות

riendo morieris (Ib. 2, 17). Quelques grammairiens prétendent que c'est dans ces exemples une pure Périfologie, & que l'addition de l'infinitif au verbe n'ajoûte à fa fignification aucune idée acceffoire. Pour moi, j'ai peine à croire qu'une phrafe effenciellement vicieufe ait pu être dans la langue fainte d'un ufage fi fréquent fans aucune néceflité. Je dis d'un ufage fréquent; car rien de plus commun que ce tour dans les livres facrés : & j'ajoûte que ce feroit fans aucune néceffité, parce que la conjugaison fimple fourniffoit la même idée. Qu'on y prenne garde; l'ufage des langues cft beaucoup moins aveugle qu'on ne le penfe, & jamais il n'autorife fans raifon une locution irrégulière: il faut, pour mériter l'approbation univerfelle, qu'elle fupplée à quelque formation que l'analogie de la langue ne donne point, comme font nos temps compofés par le moyen des auxi liaires avoir, venir, devoir, aller ou qu'elle renferme quelque idée acceffoire dont ne feroit pas fufceptible la locution régulière, tels que font les Pléonafmes dont il s'agit ici. Le Clerc cependant (Art. critic. part. 11, fect. 1, cap. 4, nn. 3, 4, 5) soutient que cette addition de l'in

finitif au verbe n'a en hébreu aucune énergie propre : Hæc additio ejufdem verbi... nullam habet in hebraicá... linguâ emphasin. Mais il faudroit, avant d'adopter cette opinion, répondre à ce que je viens d'obferver fur la circonfpection de l'ufage qui n'autorife jamais une locution irrégulière fans un befoin réel d'analogie ou d'énergie. Si d'ailleurs on s'en raporte au moyen propofé par Le Clerc, il me femble qu'il ne lui fournira pas une conclufion favorable: Res.... certa erit, dit-il, de hebraïcá, fi quis expendat loca fcriptura in quibus occurrit ea phrafis. N'eft-il pas évident que comedendo comedes ne fignifie pas implement vous mangerez, mais vous aurez toute liberté de manger, vous mangerez librement, tant & fi fouvent que vous voudrez? C'eft la même énergie dans moriendo, morieris; cela ne veut pas dire fimplement vous mourrez ; mais la répétition de l'idée de mort donne à l'affirmation énoncée par le verbe une emphafe particulière, Vous mourrez certainement, infailliblement, indubitablement : & de là vient que pour donner plus de poids à l'affirmation contraire ou à la négation de cette fentence, le ferpent employa le

-la mouth tha) לא מות תמתון: memePléonafme

mouthoun) nequaquam moriendo moriemini (Gen. 3, 4), il eft certain que vous ne mourrez point. Voyez au furplus la Grammaire hébraïque de Mafclef, chap. xxiv, §. 5, 8, 9; chap. xxv, 5. 8; & chap. xxvj, §. 7, 8.

II. J'avoue néanmoins qu'il fe rencontre, & même affez fouvent, de ces répétitions identiques où nous ne voyons ni emphafe ni énergie. Dans ce cas, il faut diftinguer entre les langues mortes & les langues vivantes, & foudiftinguer encore entre les langues mortes dont il nous refte peu de monuments, comme l'hébreu, & les langues mortes dont nous avons confervé affez d'écrits pour en juger avec plus de certitude, comme le grec & le latin.

Par raport à l'hébreu, quand nous n'appercevons pas les idées acceffoires que la répétition identique peut ajouter au fens, il me femble qu'il eft raisonnable de penfer que cela vient de ce que nous n'avons plus affez de fecours pour entendre parfaitement la locution qui fe préfente; & c'eft d'ailleurs un hommage que nous devons à la majefté de l'Écriture fainte & à l'infaillibilité du S. Efprit qui en eft le principal auteur.

Pour les autres langues mortes, il eft encore bien des cas où nous devons avoir par équité la même réferve; & c'eft principalement quand il s'agit de phrafes dont les exemples font très-rares. Mais en général nous ne devons faire aucune difficulté de reconnoître la Périfologie, même dans les meilleurs écrivains de l'antiquité, comme nous la trouvons fouvent dans les modernes.

1o. Nous entendons affez le grec & le latin pour en discuter le grammatical avec certitude; &

peut-être Démosthène & Ciceron feroient-ils furpris, s'ils revenoient parmi nous & que nous puffions communiquer avec eux, des progrès que nous avons faits dans l'intelligence de leurs écrits, quoique nous ne puiffions pas parler comme eux.

2°. Le respect que nous devons à l'Antiquité n'exige pas de nous une adoration aveugle. Les anciens étoient hommes comme les modernes ; fujets aux mêmes méprifes, aux mêmes préjugés, aux mêmes erreurs, aux mêmes fautes: ôfons croire une fois que Virgile n'entendoit pas mieux fa langue & n'étoit pas plus châtié dans fon ftyle que ne l'étoit notre Racine; & Racine n'a point été entièrement difculpé par l'abbé des Fontaines, qui s'étoit chargé de le venger contre les Remarques de l'abbé d'Olivet. Difons donc que le fic ore loquutus de Virgile, & mille autres phrafes pareilles de ce poète & des autres écrivains du bon fiècle, ne font que des exemples de Périffologie, & des défauts réels plus tôt que des tours figurés. (M. BEAUZEE.)

(N.) PLOQUE, f. f. Пλox, nexus. Ce mot, ufité chez quelques rhéteurs & abandonné par le plus grand nombre, peut être regardé comme le nom d'une figure de diction par confonnance phyfique, qui réunit des mots matériellement femblables mais différents quant au fens. Ce feroit en ce cas une dénomination générique, qui compren droit deux espèces, l'Antanaclafe & la Syllepfe. Voyez ANTANACLASE, SYLLEPSE. (M. BEAUZEE.

:

PLURIEL, LE, adj. C'eft un terme particuliè rement propre à la Grammaire, pour caractériser un des nombres deftinés à marquer La quotité. (Voyez NOMBRE). On dit aujourdhui, Le nombre pluriel, Une terminaifon plurièle. « Il eft certain, dit Thomas Corneille fur la Remarque 442 de Vaugelas, » que c'eft feulement depuis la remar» que de Vaugelas qu'on a commencé à dire Plu» riel: le grand ufage a toujours été auparavant » d'écrire Plurier ». Vaugelas lui-même connoît l'unanimité de cet ufage contraire au fien auffi trouva-t-il des contradicteurs dans Ménage & dans le P. Bouhours. ( Voyez la note de Thomas Corneille, & les Remarques nouvelles du P. Bouhours, tome I, page 597); & les Grammaires de PortRoyal font pour Plurier. Aujourdhui l'usage n'eft plus douteux, & les meilleurs grammairiens écrivent Pluriel, comme dérivé du latin Pluralis, ou, fi l'on veut, du mot de la baffe latinité Plurialis. C'eft ainfi qu'en ufent l'abbé Regnier, le P. Buffier, l'abbé d'Olivet, Duclos, l'abbé Girard, & la plupart de ceux dont l'autorité peut être de quelque poids dans le langage gramma

tical.

On peut réduire à quatre règles principales ce qui concerne le Pluriel des noms & des adjectifs françois.

1o. Les noms & les adjectifs terminés au fingulier par l'une des trois lettres s, ou x, ne changent pas de terminaison au Pluriel`; ainfi, l'on dit également le fuccès, les fuccès; le fils, les fils; le nez, les nez; le prix, les prix; la voix, les voix, &c.

2. Les noms & les adjectifs terminés au fingulier par au & eu prennent x de plus au Pluriel: on dit donc au fingulier, beau, chapeau, feu, lieu, &c; & au Pluriel on dit beaux, chapeaux, feux, lieux.

4°. Plufieurs mots terminés au fingulier par al ou ail, ont leur terminaison plurièle en aux: on dit au fingulier travail, cheval, égal, général, &c; & au Pluriel on dit travaux, chevaux, égaux, généraux. Je dis que ceci regarde plufieurs mots terminés en al ou ail, parce qu'il y en a plufieurs autres de la même terminaison, qui n'ont point de Pluriel, ou qui fuivent la règle fuivante, qui eft la plus générale.

4°. Les noms & les adjectifs qui ne font point compris dans les trois règles précédentes, prennent au Pluriel un s de plus qu'au fingulier; on dit donc le bon père, les bons pères; ma chère four, mes chères focurs; un roi clément, des rois cléments, &c.

Je n'infifte point fur les exceptions qu'il peut y avoir à ces quatre règles, parce que ce détail n'apartient pas à l'Encyclopédie, & qu'on peut l'étudier dans toutes les Grammaires françoises, ou l'aprendre de l'usage. Mais j'ajoûterai quelques obfervations, en commençant par une remarque du P. Buffier. (Grammaire franç. n°. 301.)

« L'x, dit-il, n'eft proprement qu'un cs ou g, &le n'eft qu'une s foible; c'eft ce qui leur » donne fouvent dans notre langue le même ufage » qu'à l's». C'eft affigner véritablement la caufe pourquoi ces trois lettres font également employées pour marquer le Pluriel; mais ce n'est pas juftifier l'abus réel de cette pratique. Il feroit à défirer que la lettre s fût la feule qui caractérisât ce nombre dans les noms, les pronoms, & les adjectifs; & affûrément il n'y auroit point d'inconvénient, fi l'ufage le permettoit, d'écrire beaus, chevaus, heureus, feus, un nés au fingulier, & des nés au Pluriel; &c. Du moins me femblet-il que c'eft de gaîté de cœur renoncer à la netteté de l'expreffion & à l'analogie de l'Orthographe, que d'employer le final pour marquer Le Pluriel des noms, des adjectifs, & des participes dont le fingulier eft terminé par un é fermé, & d'écrire, par exemple, de bonnes qualitez, des hommes fenfez, des ouvrages bien compofez, au lieu de qualités, fenfés, compofés. Puifque l'ufage contraire prévaut par le nombre des écrivains qui l'autorifent, c'eft aujourdhui une faute d'autant plus inexcufable, que c'eft fouftraire cette efpèce de mots à l'analogie commune, & en confondre l'orthographe avec celle de la feconde per

fonne des temps fimples de nos verbes dont la voyelle finale eft é fermé, comme vous lifez, vous lifiez, vous liriez, vous luffiez, vous lirez, &c. On trouve dans le Journal de l'Académie françoife, par l'abbé de Choify (Opufc. page 309 ), que l'Académie ne s'eft jamais départie du en pareil cas: cela pouvoit être alors; mais il y a aujourdhui tant d'académiciens & tant d'auteurs dignes de l'être, qui s'en font départis, que ce n'eft plus un motif fuffifant pour en conferver l'ufage dans le cas dont il s'agit.

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Une feconde obfervation, c'eft que plufieurs écrivains ont affecté, je ne fais pourquoi, de retrancher au Pluriel des noms ou des adjectifs en ant ou ent, la lettre qui les termine au fingulier; ils écrivent élémens, patiens, complaifans, &c, au lieu de éléments, patients, complaifants. « J'avoue, dit à ce fujet l'abbé Girard (tome 1, difc. v, page. 271), a que le plus grand nombre » des écrivains polis & modernes s'étant déclarés » pour la fuppreffion du t, je n'ôle les fronder, » malgré des raifons très-capables de donner du >> penchant pour lui. Car enfin elle épargneroit » dans la méthode une règle particulière, par » conféquent une peine. Il foutiendroit le goût de l'étymologie, & l'analogie entre les primitifs » & les dérivés. Il feroit un fecours pour diftinguer la » différente valeur de certains fubftantifs, comme de » plans deffinés, & de plants plantés. D'ailleurs fon » absence paroît défigurer certains mots tels que » dens & vens ». Avec des raifons fi plaufibles, cet académicien n'auroit-il pas dû autorifer de fon exemple la confervation du t dans ces mots? Il le devoit fans doute, & il le pouvoit, puifqu'il reconnoît un peu plus haut (page 270) que l'ufage eft partagé entre deux partis nombreux, dont le plus fort ne peut pas fe vanter encore d'une victoire certaine.

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Je ne voulois d'abord marquer aucune exception : en voici pourtant une que je rappelle à caufe de la réflexion qu'elle fera naître. il fait ieux au Pluriel, pour défigner l'organe de la vue; mais on dit en Architecture, des cils de boeuf, pour fignifier une forte de fenêtre. Ciel fait pareillement cieux au Pluriel, quand il eft queftion du fens propre; mais on dit des ciels de lit; & en Peinture, des ciels, pour les nuages peints dans un tableau. Ne feroit-il pas poffible que quelques noms latins qui ont deux terminaifons différentes au Pluriel, comme jocus, qui fait joci & joca, les duffent à de pareilles vûes, plus tôt qu'à l'inconféquence de l'ufage, qui auroit fubftitué un nom nouveau à l'ancien fans abolir les terminaifons plurièles de celui-ci Comme, en fait de langage, des vûes femblables amènent prefque toujours des procédés analogues, on eft raisonnablement fondé à croire que des procédés analogues fuppofent à leur tour des principes femblables.

Il n'y a rien à remarquer fur les terminaifons

plurièles des temps des verbes françois, parce que cela s'aprend dans nos conjugaifons. Je finirai donc par une remarque de Syntaxe.

Dans toutes les langues, il arrive fouvent qu'on emploie un nom fingulier pour un nom pluriel: comme Ni la colère ni la joie du foldat ne font jamais modérées; Le payfan fe fauva dans les bois; Le bourgeois prit les armes; Le magiftrat & le citoyen à l'envi confpirent à l'embelliffement de nos fpectacles. C'eft, dit-on, une Synecdoque mais parler ainfi, c'eft donner un nom fcientifique à la phrafe, fans en faire connoître le fondement; le voici. Cette manière de parler n'a lieu qu'à l'égard des noms appellatifs, qui préfentent à l'efprit des êtres déterminés par l'idée d'une nature commune à plufieurs : cette idée commune a une compréhenfion & une étendue; & cette étendue peut fe reftreindre à un nombre plus ou moins grand d'individus. Le propre de l'article eft de déterminer l'étendue, de manière que, fi aucune autre circonstance du difcours ne fert à la reftreindre, il faut entendre alors l'efpèce; fi l'article eft au fingulier, il annonce que le fens du nom eft appliqué à l'efpèce fans défignation d'individus ; fi l'article eft au Pluriel, il indique que le fens du nom eft appliqué diftributivement à tous les individus de l'efpèce. Ainfi, L'horreur de ces lieux étonna le foldat, veut faire entendre ce qui arriva à l'espèce en général, fans vouloir y comprendre chacun des individus : & fi l'on difoit, L'hor reur de ces lieux étonna lés foldats, on marqueroit plus pofitivement les individus de l'efpèce. Un écrivain correct & précis ne fera pas toujours indif férent fur le choix de ces deux expreffions. (M. BEAUZEE.)

(N.) PLUS, DAVANTAGE. Synonymes. Ces mots font égalemeat comparatifs & marquent tous les deux la fupériorité; c'eft en quoi ils font fynonymes: voici en quoi ils diffèrent.

Plus s'emploie pour établir explicitement & directement une comparaifon; Davantage en rappelle implicitement l'idée & la montre dans un ordre inverfe. Après Plus on met ordinairement un que, qui amène le fecond terme ou le terme conféquent du raport énoncé dans la phrafe comparative; après Davantage on ne doit jamais mettre que, parce que le fecond terme eft énoncé auparavant.

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doit pas, quoi qu'en dife le P. Bouhours ( Remarq. nouv. tome 1), fe fervir de Davantage. Ainfi l'on ne doit pas dire, conformément à la décifion de cet écrivain: Vous avez tort de me reprocher que je fuis emporté, je ne le fuis pas davantage que vous; Il n'y a rien qu'il faille davantage éviter en écrivant, que les équivoques; Jamais on ne vous connut davantage, que depuis qu'on ne vous voit plus. Il faut dire, dans le premier exemple, Je ne le fuis pas plus que vous; dans le fecond, Il n'y a rien qu'il faille éviter avec plus de foin que les équivoques; & dans le troifième, Jamais on ne vous connut mieux (c'eft à dire, plus complètement), que depuis qu'on ne vous voit plus. ( M. BEAUZÉE.)

PLUSQUE-PARFAIT, adj. quelquefois pris fubftantivement (Grammaire.) On dit ou le Prétérit plufque-parfait, ou fimplement le Plufque-parfait. Fueram, j'avois été, eft le Plufqueparfait de l'indicatif; fuiffem, que j'euffe été, eft le Plufque-parfait du fubjonctif. On voit par ces exemples que ce temps exprime l'antériorité de l'exiftence à l'égard d'une époque antérieure elle-même à l'acte de la parole: ainfi, quand je dis canaveram cum intravit, j'avois foupé lorfqu'il eft entré; cænaveram, j'avois foupé, exprime l'antériorité de mon fouper à l'égard de l'époque défignée par intravit, il eft entre; & cette époque eft elle-même antérieure au temps où je le dis. On verra ailleurs (article TEMPS) par quel nom je crois devoir défigner ce temps du verbe : je remarquerai feulement ici que la dénomination du Plufque-parfait a tous les vices les plus propres à la faire profcrire.

1. Elle ne donne aucune idée de la nature du temps qu'elle défigne, puifqu'elle n'indique rien de l'antériorité de l'existence à l'égard d'une époque antérieure elle-même au moment où l'on parle.

2o. Elle implique contradiction, parce qu'elle fuppofe le Parfait fufceptible de plus ou de moins, quoiqu'il n'y ait rien de mieux que ce qui est parfait.

3. Elle emporte encore une autre fuppofition également fauffe; favoir, qu'il y a quelque perfection dans l'antériorité, quoiqu'elle n'en admette ni plus ni moins que la fimultanéïté ou la poftériorité.

Ces confidérations donnent lieu de croire que les noms de prétérits parfait & plufque-parfait n'ont été introduits que pour les diftinguer fenfiblement du prétendu prétérit imparfait. Mais comme on a remarqué (article IMPARFAIT) que cette dénomination ne peut fervir qu'à défigner l'imperfection des idées des premiers nomenclateurs, il faut porter le même jugement des noms de Parfait & de Plufque-parfait, qui ont le même fondement. ( M. BEAUZÉE.)

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