!!" 25 55 ENCYCLOPEDIE O OU AR ORDRE DE MATIERES; PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES, DE SAVANTS ET D'ARTISTES. cédée d'un Vocabulaire universel, servant de Table pour tout POuvrage ; ornée des Portraits de MM.DIDEROT & D'ALEMBERT, hremiers Éditeurs de l’Encyclopédie. ENCYCLOPEDIE GRAMMAIRE E T LITTÉRATURE, DÉDIÉE ET PRÉSENTÉE Mons TOME TROISIEME. Clari A PA RI S, A LI ÉG E M. D C C. ' LX X X V I. ET PRIVILÈGE DU ROI. PAR PARTE corro que la P A R , . -, dans nos falles de spectacle, l'aire ou l'espace qu'on laisse vide au milieu de l'enceinte des loges, entre l'orchestre & l'amphithéâtre , & où le spectateur est placé moins à son aise , & à moins de frais. (Les anciens appeloient Orchestre ce que'nous noinmons Parterre. Cet orchestre étoit , chez les grecs, la place des muficiens; chez les romains , celle des sénateurs & des vestales). Ce n'est pas sans raison qu'on a mis en problêine s'il seroit avantageux ou non qu'à nos Parterres , comne à ceux d'ľtalie, les spectateurs fussent aflis. On croit avoir remarqué qu'au Parierre ou l'on est debout, tout est laisi avec plus de chaleur ; que l'inquiétude, la surprise, l'émotion du ridicule & du pathétique, tout est plus vif & plus rapidement senti; on croit, d'après ce vieux proverbe , anima sedens fit sapientior, que le spectateur plus à son aise seroit plus froid , plus réféchi , moins Tusceptible d'illufion, plus indulgent peut-être , mais aussi moins disposé à ces mouvements d'ivresse & de transport qui s'excitent dans un Parterre où l'on est debout. Ce que l'émotion commune d'une multitude afsemblée & pressée ajoûte à l'éinotion particulière , ne peut se calculer : qu'on le figure cinq-cents miroirs se renvoyant l'un à l'autre la lumière qu'ils réféchiffent, ou cinq-cents échos le même lon; c'est l'image d'un Public ému par le ridicule ou par le pathétique. C'eft là surtout que l'exemple est coutagieux & puissant : on rit d'abord de l'imprellion que fait l'objet risible, on reçoit de même l'impresion directe que fait l'objet attendrissant ; mais de plus, on rit de voir rire, on pleure aussi de voir pleurer ; & l'effet de ces émotions répétées va bien souvent jusqu'à la convulsion du rire, julqu'à l'étouffement de la douleur. Or c'est surtout dans le Parterre , & dans le Parterre debout, que cette espèce d'électricité est soudaine, forte, & rapide; & la cause physique en est dans la lituation plus pénible & moins indolente du spectateur qu'une gêne continuelle & un Aottement perpétuel doivent tenir en activité. Mais une différence plus marquée entre un Parterre où l'on est allis, & un Parterre ou l'on est debout, est celle des spectateurs mêmes. Chez nous, le Parterre (car on appelle aussi de ce com la partie de l'allemblée qui occupe l'espace dont nous avons parlé ) est composé communément des citoyens les moins riches , les moins maniérés, les moins raffinés dans leurs mæurs; de ceux dont le naturel est le moins poli, mais aussi le moins altéré; de ceux en qui l'opinion & le sentiment GRAMM, ET LITTÉRAT. Tom JII. tiennent le moins aux fantaisies passagères de la mode, aux prétentions de la vanité, aux préjugés de l'éducation; de ceux qui communément ont le moins de lumières, mais peut - être aulli le plus de bon sens, & en qui la raison plus laive & la sensibilité plus naive forment un goût moius délicat mais plus sûr , que le goût léger & fantasque d'un monde où tous les sentiments sont factices ou empruntés. Dans la nouveauté d'une pièce de Théâtre, le Parierre est un mauvais juge, parce qu'il est ameuté, rrompu, & avili par les cabales: mais lorsque le succès d'une pièce est décidé, & faveur & l'envie ne divisent plus les espriis; le meilleur de tous les juges , c'est le Parterre. On eft furpris de voir avec quelle vivacité unanime & soudaine tous les traits de finesse, de délicatesse de grandeur d'âme, & d'héroïsme, toutes les beautés de Racine, de Corneille, de Molière , enfin tout ce que le sentiment, l'esprit, le langage, le jeu des acteurs, ont de plus ingénieux & de plus exquis, est aperçu , saifi dans l'initant même par cinq cents hommes à la fois ; & de même avec quelle fagacité les fautes les plus légères & les plus fugi.ives contre le goût, le naturel , la vérité, les bienséances, soit du langage, soit des næurs, sont aperçues par une clatie d'hommes, dont chacun pris séparément semble ne se douter de rien de tout cela. On ne conçoît pas comment, par exemple, les rôles de Viriate , d’Agrippine , & du Méchant, sont fi bien jugés par le peuple; mais il faut savoir que dans le Parterre tout n'est qu'on appelle peuple, & que, parmi cette foule d'hommes sans culture, il y en a de très-éclairés. Or c'est le jugement de ce petit nombre qui forme celui du Parterre : la multitude les écoute, & elle n'a pas la vanité d'être humiliée de leurs leçons; au lieu que dans les loges chacun se croit inftruit, chacun prétend juger d'après soi nême. Une différence qui, à certains égards , eft à l'avantage des loges, mais qui ne laifle pas de décider en faveur du Parierre, c'est que dans celuici n'y ayant point de femmes, il n'y a point de séduction : le goût du Parterre en est moins délicat , mais aussi moins capricieux, & fuctout plus mâle & plus ferme. Au petit nombre d'hommes inft uits qui font répandus dans le Parterre, se joint un nombre plus grand d'hommes habilués au spe&acle, & dont c'est l'unique plaisir : dans ceux - ci w long usage a formé le goût; & ce goût de comparaison est bien souvent plus sûr qu'un jugement plus raisonné c'est comme une espèce d'inttinct qu'a perfectionne l'habitude. A cet égard le Parterre change lorsqu’un spectacle se déplace , & que les habitués ne A pas ce |