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manière prescrite par l'art. 17 (504) du titre de la Majorité et de l'Interdiction ».

Voilà comment était conçu le projet de l'art. 901. Mais écoutons le procès-verbal du conseil d'état :

« M. Cambacérès pense que la seconde partie de cet article présente une disposition trop absolue.

» M. Tronchet ajoute que d'ailleurs l'art. 17 du titre de l'Interdiction, auquel on renvoie, est trop restreint. Il n'admet les familles à faire valoir la cause de démence, que lorsque l'interdiction a été provoquée du vivant de l'auteur des actes attaqués; mais la famille, espérant le rétablissement d'un parent en démence, diffère souvent, par cet espoir, de poursuivre son interdiction.

»M. Cambacérès dit que la première partie de l'article pourvoit à tout. La démence est un fait, et la loi en détermine les preuves.

» La seconde partie de l'article aurait les inconvéniens dout a parlé M. Tronchet; et en outre, étant défavorable aux héritiers, elle contrarierait l'esprit général de la législation, qui tend à les favoriser.

▾ M. Muraire craint, si la seconde partie de l'article est supprimée, que les tribunaux ne regardent l'art. 17 du titre de l'Interdiction comme une règle absolue et dont il ne leur soit pas permis de s'écarter, même en matière de donations ou de Testamens.

» M. Tronchet dit que la faveur due aux héritiers, ne doit pas aller cependant jusqu'à faire admettre trop légèrement leurs réclamations. On peut toujours leur reprocher un peu d'indifférence pour les intérêts de leur parent, lorsqu'ils n'ont pas provoqué son interdiction. Ainsi, quand après sa mort, ils excipaient de sa démence, on leur répondait : Sero accusas mores quos probasti. Il conviendrait donc de ne les écouter que quand il y aurait, sur le fait de la démence, un commencement de preuve par écrit, qui pourrait au surplus être pris d'ailleurs que de l'acte attaqué. Ceci servirait à réformer l'art. 17 du titre de l'Interdiction.

» M. Cambacérès pense qu'il faut donner une grande latitude à la preuve, et ne pas la restreindre par des conditions qui quelquefois excluent l'évidence. Un individu peut avoir conservé sa raison jusqu'à une époque très-voisine de la donation ou du Testament; et alors il devient impossible de prouver la démence, si elle ne peut l'être que suivant le mode indiqué par M. Tronchet. La première partie de l'article contient une règle

simple qui suffit; le reste doit être abandonné aux tribunaux.

› M. Tronchet dit qu'il n'y a pas de danger à s'en tenir à la première partie de l'article, à l'égard du donateur, parceque, survivant à la donation, sa démence peut être vérifiée; mais que, si l'on admettait toutes sortes de preuves contre un Testateur qui n'est plus, le sort du Testament dépendrait du témoignage très-incertain d'une garde ou de quelques domestiques.

>> M. Emmery dit que l'art. 17 du titre de l'Interdiction ne concerne ni les donations ni les Testamens.

» La première partie de l'article est adoptée ; la seconde ajournée jusqu'après un nouvel examen de l'art. 16 du titre de l'Interdiction ».

II bis. L'opinion que j'avais principalement fondée, dans la troisième édition de ce Recueil, sur le passage ci-dessus transcrit du procès-verbal du conseil d'état, a été depuis consacrée solennellement par un arrêt de la cour de cassation, qui a en même temps prononcé sur deux autres questions :

La première, si, pour être admis à la preuve par témoins de la démence du testateur, il est nécessaire de rapporter un commencement de preuve par écrit ;

La seconde, si, pour déclarer que le testa teur était en état de démence, le juge doit preciser dans son jugement, comme les témoins doivent préciser dans leurs dépositions, les faits singuliers qui décèlent cet état.

Voici les faits :

de

Le deuxième jour complémentaire an 9, Marie Jacob, épouse de François Jallet, meurant à Angles, mère de plusieurs enfans et d'un âge fort avancé, fait, devant deux notaires, un Testament par lequel, entr'autres dispositions, elle légue

10 Sa portion dans les biens nationaux, > provenant d'émigrés, acquis par son mari, Det ceux qu'il acquerra par la suite, aux ci» devant propriétaires, s'ils sont rentrés et » peuvent recevoir des legs; et, dans le cas » contraire, à ceux que les lois rendent habiles à leur succéder en ligne directe ou » collatérale;

» 2o A l'hospice des incurables de Poitiers, la portion qui pourra lui revenir dans les » biens nationaux, provenans de l'église, acquis par son mari, et de ceux qu'il pourra acquérir dans la suite, en quelques lieux qu'ils soient situés ».

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»

On lit, dans le préambule de ce Testament, que la testatrice est « détenue chez elle de» puis quelque temps, à cause d'une infir>mité sur une partie du côté gauche, cepen»dant saine d'esprit, mémoire, jugement >> et entendement, ainsi qu'il est apparu aux » notaires, par ses gestes, paroles, main» tien et la conversation qu'ils ont eue avec » elle...........; qu'elle leur a volontairement, sans aucune suggestion, induction ni per» suasion de personne, mais de son propre » mouvement, franche et libre volonté, fait le présent Testament.... qu'elle a dicté et » nommé de mot à mot à l'un d'eux dits no»taires, l'autre présent, ainsi qu'il suit........ ». Et l'acte est ainsi terminé : « déclarant au » surplus, ladite Jacob, testatrice, révoquer » et annuler tous autres Testamens et codi>> ciles qu'elle pourrait avoir ci-devant faits, » voulant qu'il n'y ait que le présent Testa>>ment qui ait sa pleine et entière exécution, » comme contenant ses dernières intentions » et volontés, à cause de mort...; fait et passé à Angles, maison et demeure de la testa» trice, sus indiquée, ledit jour..., trois » heures après midi; lu et relu le présent » testament à haute et intelligible voix, par » l'un de nousdits notaires, l'autre présent, » à la testatrice, qui, après avoir ouï et bien >> entendu ladite lecture, a dit et déclaré que le présent Testament, à cause de mort, » était conforme à ses dernières intentions et » volontés, n'y vouloir rien changer, au con» traire, y a persisté et a signé ».

>>

La dame Jallet survit environ quatre années à ce Testament, et meurt sans l'avoir révoqué. Dans l'intervalle, elle signe le contrat de mariage de l'une de ses filles avec le sieur David, et un autre acte concernant sa dot.

A peine est-elle décédée, que le sieur Destouches, exécuteur testamentaire, fait rendre, au tribunal civil de Montmorillon, le 12 mai 1806, un jugement par défaut qui entérine le Testament. Les enfans de la dame Jallet en appellent.

De leur côté, le sieur de Pleumartin, le sieur Couché de Lusignan et d'autres exémigrés obtiennent au même tribunal, le 18 novembre 1807, un jugement par défaut, qui leur fait délivrance des biens précédemment confisqués sur eux, que la dame Jallet leur a légués.

Les enfans Jallet forment opposition à ce jugement. Le 4 janvier 1808, autre jugement, par défaut, qui les déboute de leur opposition. Appel.

Les deux appels portés à l'audience de la cour de Poitiers, les enfans Jallet soutiennent que leur mère avait perdu, à l'époque du prétendu Testament dont il s'agit, l'usage de ses facultés intellectuelles, qu'elle n'a donc pas pu tester, puisque l'art. 901 du Code civil, déclare expressément que, pour faire une donation entre-vifs ou un Testament, il faut étre sain d'esprit; que, quand même leur mère n'aurait pas été dans un état complet d'imbécillité, ses dispositions n'en seraient pas moins nulles, en ce qu'elles ont été suggérées par le curé de Maillé, dans un temps où le concordat de messidor an 9 n'étant pas encore publié, ce prêtre était encore dans les rangs des ecclésiastiques réfractaires.

Les intimés répondent

Au premier moyen, que la dame Jallet est morte non-seulement sans avoir été interdite, mais même, sans que son interdiction ait été provoquée ; qu'ainsi, c'est le cas de l'art. 504 du Code civil, lequel porte : « après la mort » d'un individu, les actes par lui faits ne » pourront être attaqués, pour cause de ⚫ démence, qu'autant que son interdiction » aurait été prononcée ou provoquée avant » son décès; à moins que la preuve de la » démence ne résulte de l'acte même qui est » attaqué » ";

Au second moyen, que les faits de suggestion, articulés par les héritiers Jallet, sont vagues et insignifians, et que d'ailleurs, le Code civil abroge, par son silence, les dispositions des anciennes lois qui mettaient la suggestion au nombre des causes irritantes des Testamens.

Le 27 mai 1809, arrêt ainsi conçu :

« L'art. 504 du Code civil, qui ne permet d'attaquer, pour cause de démence, les actes faits par un individu qui n'est plus, qu'autant que son interdiction aurait été prononcée ou au moins provoquée pendant sa vie, s'applique-t-il aux Testamens et donations? En d'autres termes, l'art. 901 du même Code, doit-il s'interpréter par l'art. 504?

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» Considérant que l'art. 901 du Code civil porte que, pour faire une donation entre-vifs, ou un Testament, il faut être sain d'esprit; que la restriction portée en l'art. 504 du même Code, ne s'applique qu'aux actes ordinaires, et non aux donations ou Testamens; que, conséquemment, l'art. 901 reste dans toute sa force et vigueur, et ne doit souffrir aucun amendement; qu'il résulte de là, que la plus grande latitude a, par la loi, été laissée aux tribunaux, pour admettre ou rejeter la preuve des faits d'imbécillité ou de démence, suivant la gravité des circonstances; que les faits articulés par les parties de Boncenne (les enfans Jallet), tendant à prouver que la femme Jallet, testatrice, n'était pas, à l'époque du Testament dont il s'agit, capable de faire une donation ou un Testament dans le sens de l'art. 901, sont graves, pertinens et admissibles; que les faits de suggestion et captation, pareillement articulés par les parties de Boncenne contre ledit Testament, se rattachent essentiellement aux faits d'imbécillité et de démence par elles articulés, et qu'ils en sont une dépendance; que d'ailleurs les appels desdites parties de Boncenne ont également pour objet d'attaquer le Testament dont il s'agit ; que pour lors ils ont entr'eux la plus grande connexité, et que les instances pendantes en la cour, à raison desdits appels, sont également en état de recevoir règlement;

» La cour, vidant le partage, et joignant les appels interjetés par lesdites parties de Boncenne, et faisant droit d'iceux, dit qu'il a été mal jugé par les jugemens du tribunal de première instance de l'arrondissement de Montmorillon, des 12 mai 1806, 18 novembre 1807 et 4 janvier 1808; bien appelé ; émendant, corrigeant et réformant, et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire, permet auxdites parties de Boncenne de faire preuve, tant par titres que par témoins, dans le délai de la loi, et pardevant M. Vincent Molinière, juge-auditeur près la cour, qui demeure, à ces fins, commis et

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député, que la femme Jallet était tombée en paralysie deux ans avant le Testament dont il s'agit; que cette maladie l'avait absolument privée de ses facultés intellectuelles ; qu'elle avait la langue tellement épaissie, qu'elle ne pouvait articuler un seul mot qui pût être entendu; que ses yeux étaient presque toujours fermés, et que sa tête, dans un abattement continuel, tombait sur ses genoux ; qu'à l'époque du Testament dont il s'agit, avant et après, plusieurs personnes, essayant de lui parler, n'ont obtenu pour toute réponse, quelque sérieuses que fussent leurs questions, qu'un rire insignifiant, ou des mouvemens de tête en tous sens et inintelligibles; qu'il fallait constamment qu'une main étrangère portât la nourriture à sa bouche; que souvent elle ne reconnaissait même pas ses enfans; que, lorsqu'on lui demandait si ce n'était point un tel ou un tel qui était devant elle, ou elle ne répondait alors rien, ou elle se mettait à rire, et laissait tomber sa tête sur ses genoux ; que précisément à l'époque du Testament dont il s'agit, son mari entra dans la chambre où elle était, et s'approcha d'elle; qu'alors elle se mit à rire, et toutà-coup dans le même instant, à jeter des cris de frayeur, puis se remit à rire, et ensuite laissa tomber sa tête sur ses genoux, et resta dans un accablement qui dura le reste de la journée; qu'à-peu-près dans le même temps, une de ses filles se maria, qu'il fut même impossible de la transporter à la maison commune pour assister à ce mariage, quoique la maison commune soit à très-peu de distance de la maison qu'elle habitait ; qu'avant, lors et depuis ledit Testament, elle ne sortait de la léthargie où elle était continuellement, que pour pousser quelques cris inarticulés, comme font les enfans, ou pour donner à ses mâchoires quelques mouvemens convulsifs, sans qu'on pût rien comprendre à ses accens ; que le curé de Maillé, pendant la persécution des prêtres, a souvent été coucher chez la femme Jallet, qu'il y a dit la messe, et qu'il l'a confessée; qu'il a fait nommer pour exécuteur testamentaire un homme qui n'était point et n'a jamais été connu de la testatrice, et chez lequel ledit curé de Maillé était alors caché; que, le jour du Testament, le curé de Maillé,. qui savait que tous les habitans de la maison de la femme Jallet étaient absens, s'y introduisit avec le notaire Guignard, commença par faire porter la femme Jallet dans une chambre écartée, et sur le derrière de la maison, parceque celle où elle était ordinairement, donnait sur la rue; qu'il écarta deux

filles qu'on avait laissées à la femme Jallet pour la soigner, barra la porte de la chambre dans laquelle il l'avait déposée, et y resta seul, pendant long-temps, avec le notaire; que, depuis le décès de la femme Jallet, il est arrivé, soit au curé de Maillé, soit au curé d'Angles, de parler en chaire contre les enfans qui refusaient de satisfaire aux dernières dispositions de leurs mères, de manière à désigner les appelans, quoiqu'ils ne les aient pas nommés; et ce en la manière accoutumée, sauf la preuve contraire, qui demeure déférée aux parties de Bréchard et Fromentin, dans le même délai de la loi, pour ce fait, ou à faute de ce faire, et rapporté devant la cour, être par elle statué sur toutes les conclusions des parties au fond ce qu'il appartiendra, dépens réservés en définitif ».

Le 16 août 1809, les sieurs de Pleumartin et consorts se pourvoient en cassation contre cet arrêt; mais leurs recours n'étant pas suspensif, les enfans Jallet les font citer, le 30 novembre suivant, au domicile de leur avoué, pour comparaitre, le 5 décembre suivant, à l'enquête de ceux-ci. Les sieurs Pleumartin et consorts comparaissent en effet, mais en protestant de tous moyens de nullité qu'ils se réservent de faire valoir.

Les enquêtes achevées de part et d'autre, les sieurs de Pleumartin et consorts demandent la nullité de celle des enfans Jallet, sur le fondement que, dans la citation qui leur a été donnée pour y comparaître, il ne leur a pas été accordé, outre le délai de trois jours prescrit par l'art. 261 du Code de procédure civile, une augmentation d'un jour par trois myriamètres de distance de leurs domiciles réels à la ville de Poitiers.

Le 20 février 1810, arrêt qui rejette cette demande,

Attendu 10 que l'art. 261 du Code de procédure civile ne prescrit, dans ces sortes de citations, qu'un délai de trois jours avant l'audition des témoins; que la disposition de l'art. 1033 du même Code, n'est pas applicable aux assignations données au domicile des avoués ;

2o Que la prétendue nullité, alléguée par les sieurs de Pleumartin et consorts, aurait été au besoin couverte, soit faute par ceux-ci de s'en être prévalus spécialement, lorsqu'ils se sont présentés à l'enquête des enfans Jallet, soit par les reproches qu'ils ont proposés contre plusieurs des témoins entendus, et par la déclaration qu'ils ont faite, de n'avoir aucun reproche à proposer contre d'autres témoins,

soit par les interpellations qu'ils ont faites aux uns et aux autres, au moment de leur audition.

Le 24 du même mois, la cour d'appel de Poitiers rend, en ces termes, son arrêt définitif :

« La femme Jallet avait-elle, au temps du Testament dont il s'agit, les qualités requises pour tester? Ce testament doit-il être annulé ou maintenu?

» Considérant, qu'aux termes de l'art. go1 du Code civil, pour faire une donation entrevifs ou un Testament, il faut être sain d'esprit; que, par son appointement du 27 mai dernier, la cour a fait dépendre la cause de la question de savoir si Marie Jacob, femme Jallet, avait les qualités requises pour tester; qu'il résulte des enquêtes, que lors, avant et depuis le Testament dont il s'agit, ladite Marie Jacob était dans un tel état de prostration de ses forces, que ses facultés physiques et morales étaient presque anéanties, et notamment qu'elle n'était pas saine d'esprit ; » La cour, vidant son interlocutoire du 27 mai dernier, et faisant définitivement droit aux parties, déclare nul et de nul effet le testament qui paraît avoir été souscrit par Marie Jacob, femme de François Jallet, mère et belle-mère des appelans, le 2o jour complémentaire an 9, devant Guignard et Debain, notaires à Angles et Vicq ».

Les sieurs Pleumartin et consorts se pourvoient en cassation contre ces trois arrêts.

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Cinq questions (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 22 novembre 1810) se présentent, dans cette affaire, à votre

examen:

10 L'arrêt interlocutoire du 27 mai 1809, viole-t-il l'art. 504 du Code civil, concernant les actes attaqués sous prétexte de démence, après la mort de leurs auteurs?

» 20 En viole-t-il les art. 1352 et 1353, concernant les présomptions légales?

» 30 En viole-t-il les articles 1341 et 1347, concernant la foi due aux actes authentiques?

4o L'arrêt du 21 février 1810 viole-t-il l'art. 1033 du Code de procédure?

» 5o L'arrêt définitif du 24 du même mois viole-t-il, par la manière dont il motive l'annullation du Testament de la femme Jal

let, l'art. 489 du Code civil?

» La première et la plus importante de ces questions se réduit, en d'autres termes, à celle-ci : l'art. 504 du Code civil ne comprendil, dans sa disposition, que les actes ordinaires de la vie civile, ou bien y comprend-il

aussi les donations et les Testamens ? Et l'art. 901 du même Code, qui ne s'occupe que des donations et des Testamens, doit-il être regardé comme absolu, ou bien est-il censé se référer à l'art. 504 ?

Pour résoudre cette question à leur avantage, les demandeurs croient devoir remonter à la jurisprudence qui nous régissait, sur cette matière, au moment où le Code civil a été rédigé ; et à les entendre, on tenait alors pour maxime certaine que, quand le testateur était décédé integri statûs, les héritiers ne pouvaient plus arguer du prétexte d'imbécillité, contre son testament. Mais il s'en faut beaucoup que cette assertion soit exacte.

» D'une part, les lois romaines qui, jusqu'à la promulgation du Code civil, ont seules réglé, dans toute la France, les effets de la démence, de la fureur et de l'imbécillité, par rapport aux Testamens, ne contiennent pas un mot qui puisse la justifier: disons mieux, elles la condamnent formellement par plusieurs de leurs textes. D'un autre côté, M. le premier président de Lamoignon et ses savans collaborateurs, qui connaissaient si bien toutes les parties de la jurisprudence française, ont consigné dans les célèbres arrêtés que nous devons à leurs doctes conférences, un article qui porte en toutes lettres, que les donations faites par les furieux et imbéciles d'esprit, sont nulles, encore qu'ils n'aient été mis en curatelle.

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A la vérité, on peut citer des arrêts qui ont rejeté la preuve des faits de démence articulés contre les Testamens de personnes mortes en possession de leur état.

>> Mais combien n'en peut-on pas citer aussi qui ont décidé que ni la non interdiction, ni le défaut de provocation de l'interdiction du testateur, avant son décès, n'étaient un obstacle insurmontable à l'admission de la preuve d'une démence dont son Testament n'offrait d'ailleurs aucune trace.....?

» Sans doute, la preuve de la démence était plus facilement admise dans le cas où l'interdiction du testateur avait été prononcée ou seulement poursuivie avant sa mort, que dans le cas où le testateur était décédé en possession paisible de son état ; et M. l'avocat-général Joly-de-Fleury en faisait expres sément la remarque dans les conclusions sur lesquelles a été rendu l'arrêt du parlement de Paris, du 11 mai 1703.

» Mais le plus ou le moins de facilité de l'admission de la preuve, dans le second de ces deux cas, ne pouvait rien changer au

TOME XXXIII.

principe. On sent même que l'admission de la preuve n'éprouvait, dans ce cas, tantôt plus, tantôt moins de difficultés, que parcequ'en thèse générale, la preuve était regardée comme admissible.

» Les demandeurs ne peuvent donc ici tirer aucun avantage de l'ancienne jurisprudence; et au contraire, s'il était bien constant que c'est sur l'ancienne jurisprudence que le Code civil a calqué ses dispositions concernant les Testamens argués de démence après la mort des testateurs décédés integri status, notre question serait, par cela seul, résolue contre les demandeurs ; il demeurerait, par cela seul, prouvé que l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, du 27 mai 1809, doit être maintenu.

» Mais laissons là l'ancienne jurisprudence, et attachons-nous aux seuls textes du Code civil que les parties ont invoqués devant la cour d'appel de Poitiers.

» Ces textes sont, d'une part, l'art. 504; et de l'autre, l'art. 901.

» L'art. 504 porte qu'après la mort d'un individu, les actes faits par lui ne pourront être attaqués pour cause de démence, qu'autant que son interdiction aurait été prononcée ou provoquée avant son décès; à moins que la preuve de la démence ne résulte de l'acte même qui est attaqué.

» Et l'art. 901 déclare que, pour faire une donation entre-vifs ou un Testament, il faut être sain d'esprit.

» Si ce dernier article était isolé, il n'y aurait nul doute que l'on ne pût, d'après sa disposition, être admis, dans tous les cas, à prouver qu'un Testament a été fait en état de démence. Sa disposition étant générale, repousserait d'elle-même tous les efforts que pourrait faire la chicane même la plus déliée, pour la restreindre au cas où le testateur serait mort interdit, ou pendant les poursuites tendantes à son interdiction.

» Mais cet article est précédé du 504o, et il s'agit de savoir si celui-ci ne le modifie pas.

» Que l'art. 504 modifie l'art. 9o1, dans la supposition que les donations et les Testamens soient compris dans l'art. 504, sous la dénomination générique d'actes; que l'art. 504 modifie l'art. 9or, dans la supposition que, l'art. 901 n'existant pas, l'art. 504 fût seul suffisant pour faire appliquer aux donations et aux Testamens la règle qu'il contient, c'est une vérité trop évidente pour qu'elle puisse être sérieusement contestée.

» Mais ce qui n'est pas moins évident, c'est que, si les donations et les Testamens 31.

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