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de la démence du testateur au moment de la confection du Testament; et la preuve que le testateur était alors dans un intervalle lucide, restera-t-elle toute entière à la charge du légataire ?

Il parait que l'on doit appliquer à ce cas la doctrine de Mascardus et de M. d'Aguesseau, suivant laquelle, lorsqu'on prouve qu'il y a eu des intermissions considérables, et que les dispositions du Testament sont sages, la présomption doit être pour le placer au temps des intervalles lucides.

En effet, le jugement d'interdiction constate lui-même que le testateur n'était pas dans un état perpétuel de fureur, et qu'il avait des intervalles lucides. C'est donc par la nature des dispositions du Testament qu'il faut juger si c'est dans l'un de ces intervalles qu'elles doivent être présumées avoir été faites, sauf la preuve que l'héritier ab intestat peut opposer à cette présomption.

VIII. Mais faisons un autre hypothèse. Une personne qui n'a pas été interdite, laisse à sa mort un Testament dont les dispositions n'offrent rien qu'on ne puisse regarder comme sage. Les héritiers ab intestat les attaquent sur le fondement qu'il n'était pas sain d'esprit; mais au lieu de prouver qu'il ne jouissait pas de la plénitude de sa raison au moment où il a disposé, ils conviennent seulement qu'il a eu, avant son Testament et depuis, des accès de fureur ou de démence : que doit faire le juge? La même chose que dans l'espèce précédente. De la preuve que le testateur a eu, avant et depuis son Testament, des accès multipliés de fureur ou de démence, il doit nécessairement conclure que la fureur ou la démence du testateur n'était pas continue, et qu'elle était au contraire coupée par des intervalles lucides; il doit donc, en appliquant le principe ci-dessus rappelé de Mascardus et de M. d'Aguesseau, examiner si les dispositions du Testament sont sages; et en cas qu'il les trouve telles, ordonner qu'attendu qu'elles sont présumées avoir été faites dans un intervalle lucide, elles seront pleinement exécutées.

Par la même raison, il est clair que, si, lorsqu'il est question de l'admissibilité de la preuve de la fureur ou de la démence du testateur, les héritiers ab intestat articulent, non des faits qui se rapportent au temps de la confection du Testament, mais seulement des faits propres à établir que le testateur eu des accès multipliés de fureur ou de démence avant qu'il disposât et depuis qu'il a

a

disposé, le juge doit, à moins que l'acte ne manque de sagesse, les déclarer purement et simplement non - recevables parcequ'ils

avouent, en posant ces faits, qu'il y a eu des intervalles lucides dans la fureur ou démence qu'ils alléguent, et que, dès-lors, c'est le cas, en les prenant au mot, de présumer que le Testament a été fait dans un de ces intervalles.

Et il ne faut pas croire que la cour de cassation ait jugé le contraire dans l'espèce rappelée ci-dessus, no 3, par le maintien de l'arrêt de la cour royale de Lyon, qui avait confirmé un jugement du tribunal de première instance de Mâcon, par lequel l'héritière ab intestat du sieur Delavarre avait été admise à prouver que le testateur avait eu, dès sa jeunesse et jusqu'à son décès, de fréquens accès de démence résultant des faits articulés au procès.

Pourquoi la cour de cassation a-t-elle décidé que l'admission de cette preuve ne pouvait constituer une ouverture de cassation et une violation de l'art. 9o1 du Code civil? Estce parceque le Testament d'un homme sujet à présumé avoir été fait pendant un de ces acde fréquens accès de démence, est de droit cès, et que, lors même que les dispositions en sont sages, c'est au légataire à prouver qu'il a été fait dans un intervalle lucide? Point du tout. Elle a, au contraire, déclaré formellement ne maintenir l'arrêt attaqué, que parcequ'il résultait des motifs du jugement de première instance adoptés par cet P'héritière ab intestat à prouver, non seulearrêt, que les juges avaient entendu assujétir ment que le testateur avait été én démence avant et depuis son Testament, mais qu'il y avait été pendant la confection' même de cet acte.

que

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Et dans le fait, l'héritière ab intestat n'avait articulé pas le testateur avait eu de simples accès, des intermittences proprement dites de démence, avant et depuis son Testament elle avait articulé qu'il avait été depuis longues années et jusqu'à son décès DANS UN ÉTAT CONTINUEL DE DÉMENCE qui le rendait inhabile à toute affaire.

Il s'en fallait donc de beaucoup que l'hé ritière ab intestat eût avoué qu'il y eût eu des intervalles lucides dans la démence du sieur Delavarre. Et dès-là, nulle application à faire de cet arrêt à la question de savoir si, lorsque le fait des intervalles lucides est prouvé ou reconnu, la sagesse des dispositions du Testament ne suffit pas pour faire

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IX. Pour être admis à prouver que le testateur n'était pas sain d'esprit à l'époque où il a disposé, suffit-il d'alléguer vaguement et sans articuler aucun fait positif, qu'il était en état de démence?

J'ai présenté dans les conclusions du 22 novembre 1810, rapportées ci-dessus, no 2, la négative comme très-constante; et en effet, la démence n'est pas un fait proprement dit, c'est une habitude mentale, une manière d'être intérieure, qui se manifeste au dehors par des faits positifs. Ce n'est donc que par ceux-ci que l'on peut apprécier celle-là. Eh! Comment, dès-lors, l'allégation de l'une serait-elle recevable, si elle n'était accompagnée de l'allégation des autres? Admettre la preuve de la première présentée isolément, ne serait-ce pas contrevenir à la règle établie par l'art. 252 du Code de procédure civile, comme elle l'était précédemment par l'art, 1er du tit. 20 de l'ordonnance de 1667, qu'il n'y a d'admissible que la preuve de faits articulés succinctement.

Dans l'espèce qui est rapportée à la fin du no 3 ci-dessus, les héritiers ab intestat de Jean-Claude Beauquaire offraient subsidiairement, en cause d'appel, de prouver que le testateur n'était pas sain d'esprit à l'époque où il avait fait le Testament dont ils demandaient la nullité; mais ils ne l'offraient que vaguement et sans articuler aucun fait positif. Qu'a prononcé la cour d'appel d'Aix? Elle a confirmé purement et simplement le juge ment qui avait déclaré le Testament valable,

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attendu que les actes de dernière volonté » ne doivent pas être légèrement livrés à » l'incertitude des témoignages verbaux; que, d'après ce principe, l'on a toujours exigé » que les faits de fureur ou d'imbécillité fus» sent articulés et présentés avec précision à » la justice, pour qu'elle déterminat si la >> preuve devait en être admise ».

Dans une autre espèce qui est également retracée ci-dessus, no 2, les héritiers ab intestat du sieur Renicon n'avaient pareille ment offert, en première instance, que la preuve du fait général que le testateur n'était pas sain d'esprit lors et depuis son Testament; et les premiers juges n'en avaient pas moins admis la preuve de ce fait.

Mais par arrêt du 19 décembre 1810,

Considérant que, si la loi a laissé à cet égard, une grande latitude aux tribunaux, ils ne doivent en user qu'avec beaucoup de

́réserve, et qu'il serait trop dangereux d'abandonner légèrement le sort des dispositions dernières à l'incertitude de la preuve testimoniale;

» Que, dans l'espèce particulière, les faits articulés en première instance et retenus par les premiers juges, sont vagues et insignifians, puisque les intimés se sont bornés à demander la preuve de la démence, lors et depuis le Testament, sans préciser aucuns faits particuliers; ce qui ne remplit pas le vœu de la loi qui exige que les faits soient précisés, pour que l'on puisse connaître et répondre aux inductions que celui qui les pose, prétend en tirer;

» Que vainement les intimés ont-ils essayé de rectifier en appel le vague des faits qu'ils avaient articulés en première instance, en cir constanciant quelques faits particuliers; que ces derniers faits ne sont pas plus pertinens que les premiers; qu'ils pourraient tous s'ex pliquer en attribuant les uns à la plaisanterie, les autres à quelque accident ou maladie qu'aurait pu éprouver le prêtre Renicon; mais qu'il n'est aucun de ces faits qui tende à 'démontrer, d'une manière claire et précise, qu'un an avant son décès, et notamment le jour où il a fait son Testament, ledit prêtre Renicon était privé de ses facultés intellec'tuelles ; qu'ainsi, et sous ce seul rapport, la preuve offerte par les intimés, devrait être rejetée;

» La cour (d'appel de Besançon), sans s'arrêter à la fin de non-recevoir proposée par l'appelante, déclare non pertinens et inadmissibles les faits articulés par les intimés, soit en première instance, soit en appel; ordonne que le Testament du prêtre Renicon, passé devant notaire, à la date du 11 janvier 1809, sera exécuté suivant sa forme et teneur ».

Enfin, dans une troisième espèce, que l'on trouvera ci-après, sect. 2, §. 4, art. 7, les héritiers ab intestat du sieur N.... concluaient subsidiairement à ce qu'il leur fût permis de prouver que le testateur n'était pas sain d'esprit au 22 février 1817, date de son Testament; et le tribunal de première instance de Louvain les y avait admis. Mais sur l'appel incident du légataire universel, arrêt est intervenu à la cour supérieure de justice de Bruxelles, le 21 juin 1822, par lequel,

« Attendu que, d'après l'art. 252 et suivans du Code de procédure civile, les faits doivent être articulés succinctement, afin que le juge puisse apprécier s'ils sont pertinens et si leur preuve emporte celle du fait plus

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général qu'on demande à prouver; que de plus, le jugement qui ordonne la preuve, doit contenir les faits à prouver; d'où il suit que le premier juge, avant d'admettre à preuve que le testateur n'était pas sain d'esprit à la date du 22 février 1817, aurait dû ordonner aux appelans d'articuler les faits desquels ils prétendent faire résulter cette preuve;

» La cour, statuant sur l'appel incident, met à néant le jugement dont est appel, en ce que le premier juge a admis les appelans à preuve, sans requérir préalablement qu'ils articulent les faits pertinens; émendant, quant à ordonne aux appelans d'articuler et de signifier lesdits faits, pour ensuite y être statué ».

ce,

Je dois cependant faire remarquer que Furgole, dans son Traité des Testamens, chap. 4, sect. 2, no 209, professe une doctrine directement contraire à ces arrêts : « Il » n'est pas nécessaire (dit-il) d'articuler les » faits desquels on veut faire résulter la » preuve de l'imbécillité ou de la démence. » Il suffit d'alléguer la démence, et d'en offrir la preuve » .

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Il n'en donne, à la vérité, aucune raison; mais il cite, comme l'ayant ainsi jugé, un arrêt du parlement de Provence, du 12 décembre 1675, et un autre du parlement de Paris, du 10 janvier 1696.

Le premier est rapporté dans le Journal du palais, à l'ordre de sa date; et l'on y voit qu'il a permis de vérifier par toutes sortes de manières de preuves, la démence de JacquesSimon Druille, avant la donation et le Testament (dont il s'agissait), lors et depuis ; mais qu'il l'a permis sans discussion préalable sur le point qui nous occupe ici.

Le second a un caractère plus imposant. Dans l'espèce sur laquelle il a été rendu, madame la duchesse de Nemours était a it appelante d'une sentence des requêtes du palais qui avait admis M. le prince de Conty à prouver que l'abbé d'Orléans, décédé dans les liens d'un jugement d'interdiction, était en démence à l'époque où, avant ce jugement, il avait fait un Testament dont ce prince demandait la nullité. « Cette sentence (disait » on pour elle) résiste à toutes sortes de lois. » Elle ordonne la preuve, sans qu'il y ait eu » aucun fait précis articulé par les parties. » La démence, à proprement parler, n'est >> pas un fait ; c'est la conséquence que l'on peut tirer de plusieurs faits déposés par grand nombre de témoins. C'était donc ces

»

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un

» faits qu'il fallait articuler précisément, au » lieu de se contenter de lire à l'audience un » mémoire de trois ou quatre faits peu im» portans; mémoire informe qu'on n'a pas » même osé communiquer. Comment madame » de Nemours pourra-t-elle faire une preuve » contraire, si elle ignore les faits que M. le prince de Conty prétend prouver? La rai» son naturelle, l'esprit et la lettre de l'or» donnance s'élèvent également contre la » sentence des requêtes du palais (1) ».

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M. le prince de Conty répondait : « Si l'on » eût consulté, pour madame de Nemours, » tous les arrêts qui permettent la preuve de » la démence, on aurait vu qu'ils la permet» tent tous en général, sans articuler aucun » fait particulier. En effet, qui pourrait en » fixer le nombre et la qualité, avant que la » preuve soit faite? Mais d'ailleurs, il ne s'agit pas tant ici de prouver la démence, que d'en fixer le commencement. C'est là l'unique et le véritable fait qu'articule M. le » prince de Conty, et dont la sentence a ordonné la preuve (2) ».

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Et sur ces débats voici ce qu'a dit M. d'Aguesseau :

« 10 L'ordonnance oblige bien à articuler un fait précis, mais non pas les preuves de ce fait. Ici, le fait est la démence; les preuves. de ce fait sont les circonstances que chaque témoin dépose: il faut toujours distinguer entre un fait unique et particulier, et un fait général qui s'étend sur plusieurs autres.

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20 C'est ainsi que vos arrêts ont interprété l'ordonnance.

» Arrêt de Pajet, du 25 février 1671. » Arrêt de Bossu, du 21 juin 1675. » Arrêt de Joyeuse, du 5 mars 168 1. » Arrêt de Bordeaux-Champagnac, du 23 mars 1683.

» Arrêt de Bergeret, du 6 septembre 1687. » 30 La démence est constante; il ne s'agit que d'en prouver le commencement.

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4o L'argument de madame de Nemours prouve trop. S'il fallait articuler ces circonstances, afin qu'on pût prouver le contraire, il s'en suivrait qu'on ne pourrait prouver que ce qui est articulé. Or, cette conséquence serait absurde. Donc on ne peut rien conclure de ce raisonnement (3) ».

D'après cela, M. d'Aguesseau a conclu à la confirmation de la sentence des Requêtes

(1) OEuvres de M. d'Aguesseau, tome 3, page 289. (2) Ibid., page 302.

(3) Ibid., page 401.

du palais; et ses conclusions ont été adoptées par l'arrêt du 10 février 1696.

A l'autorité de cet arrêt et des cinq précédens de la même cour que M. d'Aguesseau avait cités, se joint encore celui du parlement de Toulouse, du 1er août 1724, dont j'ai parlé dans mes conclusions du 22 novembre 1810.

Mais reste la raison sur laquelle je me suis fondé dans ces conclusions, pour combattre ce dernier arrêt, et qui milite également contre tous les autres. « La seule articula» tion du fait général de démence, de fureur » ou d'imbécillité, n'amènerait dans l'enquête que des témoins qui donneraient leur »opinion sur l'état du testateur, tandis » les témoins qui déposent dans une enquête, n'y doivent apporter que des faits singu»liers, d'après lesquels le juge peut et doit » se former une opinion sur le fait qui est en » litige

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».

que

civil, les cours d'appel d'Aix, de Besançon et de Bruxelles? ]]

ART. II. Quels sont les défauts du corps qui empêchent de tester?

Il n'est pas douteux qu'un sourd ne soit ca. pable de tester, et la loi 10, C. qui Testa menta facere possint, le décide ainsi expressément. On a cependant voulu prétendre qu'il fallait excepter le cas où le sourd ne sait pas écrire; mais ce système, qui n'était fondé sur rien, a été proscrit par un arrêt du parlement de Bordeaux, du 15 avril 1608, rapporté par Despeisses, tome 3, page 12, no 29.

A l'égard du muet, on distingue. Lorsqu'il sait écrire, le texte qu'on vient de rappeler et l'ordonnance de 1735 lui permettent de tester, mais seulement par écrit. Ainsi, il est réellement incapable dans les coutumes qui n'admettent que le Testament nuncupatif; car il ne pourrait s'y expliquer que par des signes; et l'art. 2 de l'ordonnance de 1735 déclare nulles toutes les dispositions de dernière volonté qui seraient faites de cette manière.

On conçoit par là que le muet qui ne sait pas écrire, ne peut tester dans aucune forme.

Que doit-on décider à l'égard de celui qui est à la fois sourd et muet? Il faut distinguer si c'est par accident ou par un défaut qu'il a apporté en naissant.

Au premier cas, la loi du Code que nous citions à l'instant, lui permet de tester lorsqu'il sait écrire; mais on sent bien, d'après ce que nous avons dit du simple muet, que ce ne peut être que dans la forme mystique ou olographe. Le §. 2, Inst. de Testamento militis, autorise, à la vérité, le soldat sourd et muet à tester par signes; mais sa disposi

J'ajoute que, pour l'admission de la preuve de la démence, de la fureur ou de l'imbécillité à l'effet de parvenir à un jugement d'interdiction, l'art. 493 du Code civile exige expressément que les faits d'imbécillité, de démence ou de fureur soient articulés par écrit. Eh! Comment cela ne serait-il pas également nécessaire pour l'admission de la preuve de l'imbécillité, de la démence ou de la fureur, à l'effet de parvenir à l'annullation d'un acte de libéralité? Quel est le but de l'art. 493 du Code civil? C'est de mettre l'individu dont l'interdiction est poursuivie, à portée de combattre, par son enquête contraire, les preuves qui lui seront opposées dans l'enquête directe; c'est d'empêcher qu'il ne soit pris au dépourvu, et que, par la briéveté du délai qu'il aura pour rechercher et faire entendre ses témoins, il ne soit privé de tout moyen de détruire les faits dont il n'aura eu connaissance que par les déposition ne subsiste plus, elle est abrogéc par tions des témoins produits par ses adversaires. Or, ce motif s'applique-t-il moins au donataire ou légataire qui a une donation ou un Testament à défendre contre l'imputation d'être l'ouvrage d'un insensé, d'un furieux ou d'un imbécille, qu'au prétendu imbécille, insensé ou furieux qui a son propre état à défendre contre une demande en interdiction? Et n'est-il pas permis de croire que, s'il eût existé, sous l'ancienne jurisprudence, une loi semblable à l'art. 493 du Code civil, les parlemens de Provence, de Paris et de Toulouse, au lieu de juger comme ils l'ont fait par les arrêts cités, se seraient rangés à l'opinion qu'ont embrassée, sous le Code

l'art. 2 de l'ordonnance de 1735.

Au second cas, la même loi du Code déclare le sourd et muet incapable de tester. Elle ne distingue pas s'il sait écrire ou non, parcequ'à l'époque où elle fut publiée, on ne regardait pas comme possible qu'un sourdmuet de naissance apprît à fixer sa pensée sur le papier. Mais V. l'article Sourd-muet, no 3.

ART. III. A quel âge peut-on tester?

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I. Dans le droit romain, l'âge requis pour tester, est de quatorze ans pour les mâles et de douze ans pour les femmes, parceque, suivant les principes de ce droit, c'est alors

qu'on sort de tutelle et qu'on devient sui juris. Cette jurisprudence est encore observée dans les pays de droit écrit.

Saint-Quentin, art. 20, et de Bergues-SaintWinoch, rubr. 23, art. 1.

6o La coutume de Normandie, art. 399 et

Mais elle a éprouvé différens changemens 400, dit qu'on peut, à seize ans, disposer dans les pays coutumiers.

II. On peut distinguer, sur ce point, les coutumes en dix-sept classes.

1o La coutume de Paris, art. 293, porte qu'on ne peut tester des meubles et acquêts avant l'âge de vingt ans accomplis, et des propres avant celui de vingt-cinq. L'art. 86 de la coutume de Calais et l'art. 293 de la coutume d'Orléans disent la même chose.

Il y a cependant un cas où ces trois coutumes permettent de tester des propres à vingt ans : c'est quand on n'a ni meubles ni acquêts.

20 La coutume de Cambresis, tit. 13, art. 5, fixe pareillement l'âge de tester des propres à vingt-cinq ans; mais à l'égard des meubles et acquêts, elle distingue les mâles d'avec les femelles : elle exige vingt ans pour ceux-là, et dit-huit pour celles-ci.

C'est ce que portent aussi les coutumes de Melun, art. 247, d'Etampes, art. 103, de Dourdan, art. 101, de Montfort, art. 89, de Péronne, art. 164, du Grand-Perche, art. 131, de Touraine, art. 324.

Les coutumes de Vermandois, art. 59, de Reims, art. 290, de Châlons, art. 68, de Mantes, art. 155, nous présentent la même règle; mais elles la modifient, en ajoutant que, si le mâle est marié avant l'âge de vingt ans, et la femelle avant celui de dix-huit, ils pourront disposer de leurs meubles et acquêts, comme s'ils avaient atteint l'un ou l'autre âge.

3o La coutume d'Etampes, art 103, exige, pour les meubles, le même âge que les onze précédentes; mais à l'égard des acquêts, elle les assimile aux propres, et ne permet de tester qu'à vingt-cinq ans.

4o Suivant l'art. 124 de la coutume de Sédan, on ne peut tester des propres qu'à vingt ans; et à l'égard des meubles et acquêts, il faut

pour les mâles le même âge; mais dixhuit ans suffisent pour les femelles.

50 La coutume d'Auxerre, art. 225, confond les meubles, les acquêts et les propres, et permet d'en tester à vingt ans pour les mâles, et à dix-huit ans pour les femelles. On trouve la même disposition dans celles de Sens, art. 68, d'Amiens, art. 76 (1), de

(s) Cette coutume ne parle pas nommément des TOME XXXIII.

par Testament du tiers de son mobilier ; mais que, pour tester du surplus, ainsi que des acquêts, il faut avoir vingt ans.

70 Suivant l'art. 276 de la coutume de Poitou, il faut au mâle vingt ans, et à la femme dix-huit, pour disposer des immeubles; mais pour le mobilier, dix-sept ans suffisent à l'un, et quinze à l'autre. La coutume ajoute, si plutôt n'étaient mariés; et il a été jugé par deux arrêts, l'un connu sous le nom de Salo, l'autre du 31 juillet 1674, que cette disposition s'appliquait même aux propres ; et qu'en conséquence, une femme âgée de dix-sept ans avait pu tester au profit de son mari, non-seulement de ses meubles, mais encore de ses acquêts et du tiers de ses propres. (Constant, sur la coutume de Poitou, page 337).

80 L'art. 1 du tit. 11 de la coutume de à Bayonne fixe l'âge auquel on peut tester, quatorze ans pour les mâles, et à treize ans pour les femelles.

9o La coutume de Labourt, tit. 11, art. 1 et 2, et celle de Sole, tit. 26, art. 2, distinguent si l'on est libre ou sous puissance d'autrui. Au premier cas, elles permettent de tester à quinze ans, et au second à dix-huit,

sans différence de sexe.

100 L'art. 119 de la coutume d'Angoumois porte « qu'un fils de famille âgé de dix-sept »ans accomplis peut faire Testament». On a demandé si cette disposition était bornée aux fils de famille, ou si l'on devait en conclure que la simple puberté, jointe à l'émancipation, fût insuffisante pour habiliter une personne à faire un Testament? Ce dernier parti a été adopté par un arrêt du parlement de Paris, que Brodeau rapporte,en ces termes, dans une note sur le texte dont il s'agit : « On peut in» duire de cet article que l'âge de tester n'é» tant point réglé ni déterminé en aucun autre » article, il n'est pas permis, même à celui » qui n'est plus fils de famille, mais marié, de » tester, soit de ses immeubles, acquêts ou pro» pres, avant dix-sept ans ; et suivant ce, jugé qu'un Testament fait par une femme âgée

D

propres, mais elle s'exprime en général, et, par cela seul, elle est censée les comprendre dans sa disposition. C'est ce qu'a jugé un arrêt du 30 mars 1647, rapporté par Brillon, au mot dge, no 69. 36.

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