Images de page
PDF
ePub

l'ordonnance du 30 août 1816, qu'ils soient sujets du roi.

Que signifiait, dans la première rédaction, le mot républicoles? Que signifient les mots sujets de l'empereur, sujets du roi, dans la seconde?

Dans la première rédaction, le mot républicoles était évidemment employé dans le même sens qu'avait le mot régnicoles dans l'art. 40 de l'ordonnance de 1735.

Or, dans l'art. 40 de l'ordonnance de 1735, le mot régnicoles était certainement synonime de Français, ou, en d'autres termes, exclusif des étrangers non naturalisés, quoique domici liés en France (1); et ce qui lève à cet égard tous les doutes, c est l'exception que renfermait le même article relativement aux testamens militaires : à l'exception, disait-il, du testament militaire, dans lequel les étrangers non notés d'infamie pourront servir de Témoins.

L'art. 980 du Code civil signifiait donc, dans sa rédaction du 13 floréal an 11, que les Témoins qui assistent aux testamens, doivent être Français, soit par droit de naissance, soit par naturalisation.

Et ce n'est sans doute pas sans réflexion que, dans cet article, le mot républicole pris dans ce sens, avait été substitué aux mots citoyens français, employés dans l'art. 9 de la loi du 25 ventôse précédent, sur le notariat. Cette substitution avait eu évidemment pour objet d'établir que, tandis que, pour être habile à assister comme Témoin à un acte notarié ordinaire, il faut être citoyen français, c'est-à-dire, réunir les conditions déterminées par l'art. 3 de la constitution du 22 frimaire an 8 (2), il ne faut, pour être habile à intervenir comme Témoin dans un testament, qu'être Français et jouir des droits civils.

C'est ce qu'a fort bien remarqué M. Jaubert, dans son rapport au tribunat, sur le titre des donations et testamens : « quelques >> observations (dit-il) sur les Témoins testa» mentaires : il suffit qu'ils jouissent des droits » civils, tandis que, pour les actes publics ordinaires, où, à la vérité, il n'en faut que » deux, il est indispensable qu'ils jouissent » des droits politiques

[ocr errors]
[ocr errors]

Pourquoi, dans la rédaction décrétée le 13 floréal an 11, avait-on mis cette différence

entre les testamens et les simples actes notariés ?

On peut en donner deux raisons.

C'est d'abord, que le Code civil exige en général un plus grand nombre de Témoins pour les testamens que pour les actes ordinaires ; et que, s'il est un cas où deux Témoins suffisent pour un testament, comme par un acte ordinaire, il faut du moins, dans ce cas, que le testament soit reçu par deux notaires, condition qui forme une garantie de plus pour la fidélité de la rédaction des volontés du testateur.

C'est ensuite, que, dans les actes ordinaires, c'est le notaire qui choisit lui-même les Témoins; au lieu que, dans les testamens, ce sont toujours ou presque toujours les testateurs qui en font le choix (1).

Maintenant, il nous sera bien facile de définir les mots sujets du roi, tels qu'ils sont employés dans la rédaction du 3 septembre 1807.

Pourquoi, dans cette rédaction, les mots sujets de l'empereur ont-ils été substitués au mot républicoles? L'orateur du gouvernement l'a annoncé dans l'exposé des motifs de cette rédaction même : c'est, a t-il dit, pour « rendre » les formes extérieures du Code analogues » aux formes prescrites par la constitution » de l'empire ».

Les mots Sujets du roi ont donc, dans la rédaction actuelle du Code civil, le même sens qu'avait le mot républicoles dans la rédaction du 13 floréal an 11.

L'art. 980 du Code civil signifie donc aujourd'hui, comme avant le 3 septembre 1807, que les Témoins testamentaires doivent être Français, mais qu'il n'est pas nécessaire qu'ils soient citoyens Français.

Il y a cependant un arrêt de la cour d'appel de Turin, du 10 avril 1809, qui juge capable d'assister comme témoin à l'acte de sus

cription d'un testament mystique, un étranger domicilié en France depuis vingt ans, et y jouissant, en vertu de l'art. 726 du Code civil, du droit de succéder, précédemment accordé à son pays natal par le gouvernement français, à la charge de réciprocité. Mais, on verra bientôt qu'il est, sur ce point, en opposition avec un arrêt de la cour royale de Rouen, avec un arrêt de la cour de cassation et avec plusieurs arrêts de la cour

(1) V. la nouvelle édition du Recueil de Denisart, au mot Aubaine, §. 1, no 4; §. 2, no 2; et §.3, no 3. (2) V. ci-devant, §. 1, no 3.

(1) V. le procès-verbal de la discussion du Code civil, tome 2, page 566.

supérieure de justice de Bruxelles. Et d'ailleurs quels sont ses motifs?

[ocr errors]

19

Il commence par reconnaître « que, si, » d'un côté, il est certain que le sens pro» pre et grammatical du terme républicole, » pris même de l'étymologie des deux mots » dont il se compose, se rapporte directe⚫ment au domicile que quelqu'un a dans la république, ainsi que le mot regnicole » sert à désigner celui qui demeure dans » un royaume; d'autre part, on ne peut se » déguiser que l'usage avait introduit à cet égard une différente signification et une acception beaucoup moins étendue; car, » outre le témoignage qui nous est rendu » par plusieurs écrivains, et abstraction » faite de la circonstance que souvent l'acception légale d'un terme n'est point celle qui est plus conforme au sens grammati⚫cal et à la signification étymologique, il » n'est pas douteux qu'en France, aux termes » de l'ordonnance de 1735 sur les testamens, » par laquelle la qualité de regnicole était requise dans les témoins testamentaires, » ce mot avait été employé, pour désigner les vrais naturels du pays, et pour les dis» tinguer de ceux qui n'étaient point nés » en France, lesquels, quoique y domiciliés, étaient toujours regardés comme » étrangers et connus sous le nom d'au» bains ».

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors][merged small]

D

France dans sa plus grande vigueur; mais qu'elle ne pouvait plus être en rapport » exact avec les principes introduits en » France à l'époque de la promulgation du » nouveau Code, par lequel, en assurant, » à l'art. 11, aux étrangers la jouissance » réciproque de tous les droits civils dont » jouiraient les Français dans les pays aux» quels lesdits étrangers appartenaient, la » loi a formellement maintenu à leur égard » l'abolition de la loi d'aubaine que l'assem» blée constituante avait généralement et » indistinctement sanctionnée par la loi » du 18 août 1790 ».

Qu'a donc de commun l'exemption du droit d'aubaine, soit qu'elle résulte d'une loi générale, ou qu'elle soit établie par des traités diplomatiques, avec l'habileté à être témoin dans un testament, c'est-à-dire, exercer momentanément une fonction publique ? Car c'est une fonction publique Tом. XXXIII.

qu'exerce momentanément le témoin qui assiste à un testament (1). La loi du 18 août 1790 n'avait certainement pas, en admettant tous les étrangers à succéder en France, effacé de l'ordonnance de 1735, la disposition qui, par le sens qu'elle attachait au mot regnicole, les déclarait incapables d'une pareille fonction. L'art. 726 du Code civil n'a donc pas non plus levé, à cet égard, l'incapacité des étrangers qu'il admettait à succéder en France en vertu des traités existans entre le gouvernement français et le leur; et personne n'oserait dire que, dans l'intervalle de la publication de cet article à celle de la publication du titre des donations et testamens, ces étrangers eussent pu être employés comme témoins dans des actes de dernière volonté.

« Il serait étrange (continue l'arrêt) de » supposer que la loi, sous le nom de répu»blicoles, à l'art. 980, n'ait voulu désigner D que les indigènes, et les déclarer seuls capables d'être témoins aux testamens, » tandis que la même loi, à l'art. 11, re>> connaissait les étrangers domiciliés en France, capables des droits civils ».

[ocr errors]
[ocr errors]

La capacité d'être témoin dans un testament, est sans doute un droit civil, en ce sens qu'elle présuppose nécessairement la jouissance des droits de cette nature; mais dire qu'elle n'est qu'un droit civil, et qu'elle appartient à quiconque jouit des droits civils, c'est aller beaucoup trop loin. Nul ne peut exercer une fonction publique, s'il ne jouit des droits civils; mais tout homme qui jouit des droits civils, n'est pas, pour cela, habile à exercer une fonction publique (2). Or, encore une fois, c'est exercer une fonction publique que de servir de témoin dans un

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

»ment que les lois romaines ne refusaient » pas à tout individu ayant ce que les juris» consultes appelaient testamenti factio» nem passivam ».

La cour d'appel de Turin oublie ici que la première condition requise par les lois romaines dans les témoins testamentaires, était qu'ils fussent citoyens romains.

« Si l'intention du législateur eût été de » n'admettre pour témoins aux testamens, » que les seuls naturels du pays, rien n'était » plus aisé que de l'exprimer; tandis qu'au » licu de prescrire que les témoins appelés » pour être présens aux testamens, dussent » être citoyens français, ou bien uniquement Français, la loi n'a rien exigé de plus, si » ce n'est qu'ils fussent républicoles ».

»

L'art. 980 du Code civil n'a fait, dans sa première rédaction, que substituer le mot Républicole à celui de Regnicole, qui se trouvait dans l'art. 40 de l'ordonnance de 1735. Il a donc, à l'instar de celui-ci, employé ce mot comme synonime de Français.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors]
[ocr errors]

Bien

que, loin que l'on puisse de la » substitution des mots Sujet de l'empereur, » à celui de Républicole, faite ensuite de changemens apportés au Code civil par la » loi du 3 septembre 1807, déduire un ar>> gument contraire à l'acception du mot Républicole que nous venons d'établir, on » est fondé à en tirer une nouvelle preuve à l'appui de notre systême, puisque la qua»lification de sujet de l'empereur est susceptible par elle-même d'une plus ample interprétation, et en France surtout, » selon le témoignage de M. Merlin, d'après » une quantité de décisions des cours sou» veraines, elle comprenait indistinctement >> et les naturels et les étrangers domiciliés >> dans le territoire français, jouissant des » droits civils ».

[ocr errors]

D

Si j'ai dit quelque part que les étrangers domiciliés en France, sont aussi bien sujets du Roi que les Français, je n'ai pu le dire que secundùm subjectam materiam, et en ce sens qu'ils sont soumis à un grand nombre de lois du royaume. Mais il n'en demeure pas moins constant que les mots Sujets du Roi, n'ont été substitués, dans la seconde rédaction du Code civil, au mot Républicoles, que comme exprimant la même idée que ceux-ci, que comme présentant la même signification que l'art. 40 de l'ordonnance de 1735 attachait au mot Regnicoles.

[ocr errors]
[ocr errors]

« Si quelques doutes pouvaient encore » rester sur le vrai sens du mot Républicole, employé dans l'art. 980 du Code, il ne » serait peut-être pas hors de propos d'en » puiser la solution dans la traduction ita>> lienne du même Code, approuvée par dé»cret du 16 janvier 1806, et conçue dans » les termes suivans: i testimoni richiesti ad » essere presenti ad testamento devono essere maschi, maggiori di età, dimoranti » nel regno, e che godano de diritti civili ; et » ce, non dans l'idée d'approprier au terri» toire de l'empire français une version » faite uniquement pour le royaume d'Italie, >> mais pour servir de développement de » l'intention et de l'esprit du législateur qui est le maître des deux états; et pour » faire remarquer dans quelle absurdité en» trainerait l'acception du terme qu'on lit » dans le texte original français, contraire » à celle que la version italienne présente » littéralement, savoir, qu'un français de» meurant dans le royaume d'Italie, pourrait être appelé comme témoin à un testa»ment, et un Italien domicilié dans l'empire » français, en serait exclu; ce qui ne pro>> duirait rien moins que l'anéantissement de » la réciprocité parfaite entre les deux états, proclamée par le décret du 19 février 1806, » par lequel a été aboli entre eux tout droit » d'aubaine et autres de la même espèce ».

[ocr errors]

Ce dernier motif, pour être un peu plus spécieux que les précédens, n'en est pas mieux fondé en soi, et ne s'en réduit pas moins à un pur sophisme.

D'abord, la preuve que, par les termes dimoranti nel regno (demeurant dans le royaume), la version italienne du Code civil ne veut pas dire autre chose que regnicole, c'est que la version latine qui l'accompagne, le traduit par le mot regnicola. Ces termes, qu'il est impossible de rendre d'un seul mot dans la langue italienne, ne peuvent donc pas avoir, dans cette version, un autre sens qu'avait

l'expression regnicole dans l'art. 50 de l'ordonnance de 1735, qu'avait l'expression républicole dans la première rédaction de l'art. 980 du Code civil français, et qu'ont nécessairement les expressions sujets du Roi dans la seconde rédaction du même Code.

En second lieu, si, même pour ce qu'on appelait ci-devant le royaume d'Italie, il y avait là-dessus quelque doute, comment faudrait-il le résoudre? Ce serait incontestablement par le principe que la copie doit toujours s'entendre dans le même sens que l'original; car la version italienne du Code civil n'en est qu'une copie, et même qu'une copie faite sans discussion, qu'une copie adoptée de pure confiance par le chef des deux gouvernemens

d'alors.

Enfin, quand on irait jusqu'à supposer qu'en adoptant cette version par son décret du 16 janvier 1806, le chef des deux gouvernemens d'alors aurait voulu habiliter le Français demeurant en Italie à y servir de témoin dans un testament, tandis que l'Italien demeurant en France, en eût été incapable, qu'y aurait-il eu là de contraire à ce qui a été fait depuis par le décret du 19 février de la même année? Ce dernier décret a-t-il, comme le dit la cour d'appel de Turin, proclamé une parfaite réciprocité entre les deux états? Nullement. Il n'a établi de réciprocité entr'eux que pour le droit de succéder; et assurément la réciprocité du droit de succéder n'emporte pas celle de la capacité d'intervenir comme témoin dans les actes publics et de concourir à leur authenticité avec les notaires.

l'art.

Tenons donc pour bien constant que 980 du Code civil, en n'admettant à la fonction de témoins testamentaires que les Sujets du Roi, en exclud les étrangers, n'importe qu'ils demeurent en France, ou qu'ils n'y demcurent pas.

Par-là, vont se résoudre sans peine deux questions importantes :

L'une, si un étranger qui réside en France et y jouit, en vertu de traités diplomatiques, des mêmes droits que les Français, peut être employé comme Témoin dans un testament;

L'autre, s'il y a, sur ce point, quelque différence entre l'étranger qui n'a en France qu'une simple résidence, et l'étranger qui y a un véritable domicile qu'il a établi conformément à l'art. 13 du Code civil, en vertu d'une permission du gouvernement.

La première question s'est présentée dans l'espèce suivante :

Le sieur Blary avait fait, à Nantes, le 10

mars 1806, un testament dans lequel était intervenu, comme Témoin, David Favre, Suisse, marié à Nantes même, et ayant en cette ville un établissement de commerce.

Après la mort du testateur, le sieur Vic, son frère utérin, a demandé la nullité de son testament. David Favre (a-t-il dit) n'est point Français : Suisse par sa naissance, il n'aurait pu, d'après l'art. 3 de la constitution du 22 frimaire an 8, devenir Français que par une résidence continue en France, précédée d'une déclaration expresse de l'intention qu'il aurait eue de s'y fixer. Or, d'une part, il n'a fait, avant de s'établir en France, aucune espèce de déclaration; de l'autre, il n'y a pas encore dix ans qu'il réside en France. David Favre n'était donc pas républicole, dans le sens de la première rédaction de l'art. 980 du Code civil; il n'est donc pas sujet de l'empereur, dans le sens de la rédaction actuelle du même article. Le testament du sieur Blary est donc nul.

Les héritiers institués ont répondu que David Favre, en sa seule qualité de Suisse, jouissait en France des droits civils ; que cela résultait de l'art. 12 du traité du 4 vendémiaire an 12; que, d'ailleurs, il était républicole ou sujet de l'empereur, puisqu'il demeurait en France, qu'il y avait un établissement de commerce, et qu'il payait la contribution des patentes à raison de cet établissement; qu'enfin, il passait, dans l'opinion publique, pour Français, et que, si cette opinion était erronée, elle devait du moins légitimer le choix que le testateur avait fait de sa personne pour assister à son testament.

Le 30 août 1808, jugement du tribunal de première instance de Nantes, qui déclare le testament nul.

Appel.

Par arrêt du 11 août 1809, la cour de Rennes met l'appellation au néant,

« Attendu qu'à l'époque de l'acte testamentaire du 10 mars 1806, le sieur David Favre, Suisse d'origine, qui y a concouru comme Témoin, n'était point devenu citoyen français ; non-seulement il n'avait point, aux termes de l'art. 3 de la constitution du 22 frimaire an 8, déclaré son intention de vouloir fixer son domicile en France, mais il n'y avait pas même résidé pendant dix ans ; son arrivée à Nantes, en 1797, fut accidentelle et l'effet de la capture par un corsaire français du navire le Bornholm, sur lequel il était passager; elle contrariait son vœu de retour en sa patrie, ainsi qu'il l'a imprimé lui-même en l'an 6; le mariage qu'il a contracté depuis à Nantes avec la fille d'un Suisse, et l'établissement de

commerce qu'il y a formé, ne caractérisent point l'intention de se fixer en France, et ne peut suppléer la déclaration précise et positive exigée par la loi; la faible présomption qui résulte de ces actes, est combattue par les protestations contraires et publiques du sieur Favre, par ses pétitions tant à la mairie de Nantes, qu'à la préfecture de cette ville, tendantes à être exempté du service de la garde nationale, des contributions et généralement de toutes les charges communes aux citoyens français; que les appelans ne peuvent invoquer en leur faveur l'erreur commune sur la qualité d'étranger du sieur David Favre; cette erreur ne pouvait exister; il était Suisse aux yeux de la ville de Nantes, il l'en avait instruite par ses mémoires imprimés et ses écrits publics dans lesquels il revendiquait ce titre envers et contre tous ; il était Suisse par son emploi d'agent commercial de sa nation, et il était étranger par son opposition à remplir le service de la garde nationale, devoir et honneur communs à tous les indigènes français, , par ses prétentions de ne vouloir être assujéti à aucune des contributions publiques établies en France; il était Suisse surtout aux yeux du testateur, qui, étant son voisin et ayant avec lui des liaisons, ne pouvait ignorer ni son origine, ni les aventures qui l'avaient conduit à Nantes, ni ses écrits publics, ni tous les priviléges dont il jouissait et voulait jouir comme étranger au sein de la cité qu'il habitait depuis trop peu de temps pour avoir fait oublier son origine étrangère;

[ocr errors]

Que l'art. 971 du Code civil porte en termes formels que le testament par acte public est celui qui est reçu par deux notaires en présence de deux Témoins ou par un notaire en présence de quatre Témoins; que, d'après cette définition, il est évident que la loi a voulu que les deux ou quatre Témoins fussent parties essentielles et intégrantes de la forme et de l'authenticité des testamens ; elle les a revêtus d'un caractère public aussi nécessaire, aussi officiel, que celui d'un notaire ou des notaires;

Attendu que l'art. 980 du même Code exige impérieusement, que les Témoins appelés pour être présens aux testamens, soient mâles, majeurs, républicoles ou sujets de l'empereur, jouissant des droits civils; le Témoin doit donc réunir ces quatre conditions, sous peine de la nullité du testament prononcée par l'art. 1001 du Code civil;

» Attendu que la distinction de la jouissance des droits civils et de la qualité de républicole ou sujet de l'empereur n'est pas chimérique;

qu'on peut jouir des droits civils en France sans être républicole ; que la preuve s'en tire des traités faits avec diverses puissances, et notamment du traité passé entre la France et la Suisse le 4 vendémiaire an 12; d'après ce traité, le Suisse peut jouir en France de tous les droits civils, de tous les droits attachés à la personne ou aux propriétés, sans avoir pour cela la qualité de républicole, indispensablement nécessaire pour être Témoin dans un pareil acte; que d'ailleurs la capacité d'être Témoin dans un testament, n'est ni un droit civil, ni un droit politique, c'est un accident de l'existence sociale, c'est une véritable fonction publique que la loi a réservée aux seuls nationaux qui sont nés et qui vivent sous son empire territorial, sans porter aucune atteinte aux traités d'alliance qui subsistent entre les étrangers et l'empire français; et quand la loi a refusé, pour les actes testamentaires le témoignage du Français qui ne serait pas mâle, majeur, jouissant des droits civils, il ne peut paraître étonnant qu'elle ait exclu d'une pareille fonction publique et solennelle, l'étranger mâle, majeur, jouissant des droits civils; et la capacité que la loi lui refuse, ne blesse point les droits de sa personne ou de ses propriétés; elle ne viole ni le droit des gens, ni les avantages de la réciprocité des traités;

[ocr errors]

Que, d'après tout ce qui précède, le sieur David Favre, à raison de sa qualité d'étranger, ne pouvait être l'un des Témoins de l'acte testamentaire dont il s'agit, aux termes de l'art. 980 du Code civil. »

Recours en cassation contre cet arrêt, de la part des héritiers institués; et le 23 janvier 1811, au rapport de M. Lombard de Quincieux,

« Vu l'art 3 de la constitution de l'an 8, et les art. 971, 980 et 1001 du Code civil;

» Attendu qu'en jugeant que David Favre, Suisse d'origine, n'ayant point déclaré son intention de vouloir fixer son domicile en France, où il n'a pas même résidé pendant dix ans, n'était pas sujet de l'empereur; et en annulant le testament de Jean-Louis Blary, parceque ledit Fabre y a été l'un des deux Témoins appelés, la cour d'appel de Rennes a fait une juste application de l'art. 3 de la constitution de l'an 8, et des art. 971, 980 et 1001 du Code civil;

» La cour rejette le pourvoi.....

La seconde question est implicitement décidée par l'arrêt qu'on vient de lire.

A la vérité, dans l'espèce jugée par cet

« PrécédentContinuer »