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en possession publique de l'état de regnicole, soit un mort civilement dont la condamnation serait généralement ignorée, et qui serait en pleine jouissance des droits civils?

Ce qui pourrait en faire douter, c'est que Justinien, dans le texte cité des Institutes, dit qu'elle ne fut, de la part des empereurs Adrien, Sévère et Antonin, qu'une disposition bénévole.pro sud liberalitate. Il semble, en effet, résulter de là qu'elle doit être restreinte à son espèce précise, et que c'est le cas de la maxime, quod contrà rationem juris introductum est, non est producedum ad consequentias.

Mais faisons bien attention que, si les rescrits des trois empereurs étaient limités aux testamens qui avaient donné lieu à la question, Justinien les a érigés en règle générale pour tous les testamens auxquels assisteraient comme témoins des esclaves réputés libres; et qu'il s'est fondé, pour cela, sur une raison qui milite avec la même force pour tous les cas semblables: cùm eo tempore quo testamentum signaretur, omnium consensu hic testis liberi loco fuerit. C'est donc le cas de dire avec la loi 12, D. de legibus non possunt omnes articuli sigillatim aut legibus aut senatusconsultis comprehendi: sed cùm in aliquâ causâ sententia eorum manifesta est, is qui jurisdictioni præest, ad similia procedere atque ita jus dicere debet.

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C'est ainsi, au surplus, que la question a été décidée par un arrêt du parlement de Dijon, du 3 février 1656, qui est rapporté à l'article Ignorance, §. 2, no 9.

La même chose a été jugée par un arrêt de la cour d'appel de Limoges, du 7 décembre 1809. Le testament que Léonard Blondet avait fait par acte public, le 6 mars 1806, était attaqué sur le fondement que Louis Lavigne, l'un des témoins qui y étaient intervenus, avait précédemment subi, comme déserteur, une condamnation. qui l'avait privé de ses droits civils; fait dont on offrait la preuve. Mais l'arrêt cité, le testament par a été déclaré valable, « attendu qu'il n'était pas justifié que Louis Lavigne eût été con> damné comme déserteur; qu'il résultait » au contraire des pièces de la cause qu'il »jouissait notoirement, au lieu de son domi»cile, de ses droits civils; qu'on ne pouvait > admettre la preuve de sa condamnation, parcequ'en principe la capacité putative du témoin testamentaire a le même effet

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que la capacité réelle d'après la doctrine » des auteurs (1). »

C'est ce qu'a également décidé, par rapport à un témoin étranger qui passait généralement pour regnicole, l'arrêt de la cour de cassation, du 28 février 1821, dont on trouvera l'espèce à l'endroit cité de l'article Ignorance.

Toutefois le contraire paraît avoir été soutenu en 1822 par le ministère public, devant la cour supérieure de justice de Bruxelles, formée en cour de cassation.

Dans la première des espèces rappelées ci-dessus (1o), la demoiselle Vandenhove présentait, contre l'arrêt du 19 février 1820, qui avait déclaré nul le testament du sieur Ducoron, sur le fondement que le sieur Pinard, né français et non naturalisé dans le royaume des Pays-Bas, y était intervenu comme Témoin, un moyen de cassation consistant à dire que cet arrêt avait violé les lois romaines qui, suivant elle, assimilaient généralement la capacité putative des Témoins testamentaires à leur capacité réelle. Pour écarter ce moyen, il suffisait d'observer, en droit, que les lois romaines ont bien encore en Belgique, comme en France, l'autorité de raison écrite, mais qu'elles n'y ont plus d'autorité législative; et en fait, que non seulement il n'était pas articulé, et encore moins prouvé, que le sieur Pinard eût jamais fait des actes de regnicole dans le royaume des Pays-Bas, mais que tout ce qui résultait des circonstances du procès, c'est qu'il y demeurait depuis plus de vingt ans.

Cependant, s'il en faut croire les auteurs de la jurisprudence de la cour supérieure de justice de Bruxelles, année 1822, tome 1, pages 17 et 18, M. le Procureur-général, « après avoir démontré que Pinard n'avait » pas, à l'époque du testament, la qualité » de regnicole ou sujet du roi des Pays-Bas, >> a examiné si l'erreur commune sur la qua»lité de Pinard, ou la capacité putative de » ce témoin, suffisait pour la validité du tes»tament; et il s'est prononcé pour la néga»tive. La capacité d'être témoin à un tes»tament (a-t-il dit), est un droit civil qui appartient exclusivement aux Belges, d'après les dispositions de l'art. 980 du code » civil. La capacité putative ne saurait avoir,

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(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 13, partie 2, page 135.

>> en cette matière, le même effet que la capa» cité réelle. Il a développé cette proposition » et discuté les arrêts rendus en sens divers sur ce point. >>

Mais est-ce par ce motif qu'a été rejeté le moyen de cassation que la demoiselle Vandenhove tirait des lois romaines qu'elle appliquait à la prétendue capacité putative du sieur Pinard? C'est ce que l'arrêt du 3 janvier 1822 nous laisse ignorer; il se borne à dire que les lois romaines n'ont pas été violées par celui du 19 février 1820.

La question a été agitée de nouveau, l'année suivante, devant la même cour faisant fonctions de cour d'appel.

Dans la seconde des espèces retracées cidessus (10), la veuve Grawez, pour repousser la demande en nullité du testament fait en sa faveur par son mari devant un notaire et quatre témoins, dont l'un, nommé Mortier, n'était pas regnicole, soutenait subsidiairement que celui-ci passait généralement à Solre-Saint-Géry pour Belge; que, si c'était une erreur, elle était du moins fondée sur des circonstances qui la rendaient excusable; et que par conséquent c'était le cas de la loi Barbarius Philippus.

Ce moyen n'a pas fait plus d'impression sur les premiers juges que ceux qui tendaient à établir que Mortier était devenu Belge par sa longue résidence en Belgique : ils l'ont rejeté, « attendu que ce n'est point ici le cas >> d'appliquer la maxime étayée par la loi » Barbarius, que l'erreur commune ou générale opère autant que le droit, puisque >> ceux qui, dans l'espèce de cette loi, avaient >> traité devant un esclave élevé aux fonc» tions de préteur, l'ayant fait sur la foi publique, leur intérêt devait l'emporter » . Et l'arrêt du 12 juillet 1823 s'en est référé, sur ce moyen subsidiaire, aux motifs des premiers juges relatifs à la qualité putative.

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Que l'arrêt ait bien jugé au fond, cela n'est pas douteux. Mais est-il motivé comme il aurait dû l'être? Je ne le crois pas.

D'abord, ce n'était pas de la loi Barbarius Philippus, c'était uniquement de la la loi 1re. C. de testamentis, et du§. 7 du titre des institutes de testamentis ordinandis, que l'on devait s'occuper dans cette affaire.

Ensuite, en s'attachant à ces deux derniers textes, on aurait dû dire qu'ils n'étaient pas applicables à l'espèce,

Parceque, dans le fait, de toutes les circonstances dont la veuve Grawez prétendait induire que Mortier était généralement réputé Belge à Solre-Saint-Gery, il résultait

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bien qu'il avait fait, dans cette commune un grand nombre d'actes de domicilié, mais non pas qu'il y eût fait un seul acte de regnicole; qu'à la vérité, il avait toujours contribué à toutes les charges publiques, comme les autres habitans, et que notamment plusieurs de ses enfans avaient concouru au tirage au sort de la milice; mais qu'en Belgique, comme ailleurs, les étrangers sont soumis, ni plus ni moins que les regnicoles, à toutes les contributions publiques; et qu'ils le sont notamment à la milice par la loi qui régit spécialement cette matière ;

Parce que, dans le droit, la capacité putative d'un témoin incapable ne s'établit point par la seule preuve que l'opinion de sa capacité est généralement répandue; qu'elle ne peut résulter que d'une série d'actes multipliés qui forment pour lui une possession publique et paisible de l'état qu'elle suppose; qu'en effet, s'il n'a pas cette possession, l'erreur qui lui attribue un état contraire au sien, n'a point de base, ni par conséquent d'excuse; et que l'erreur de fait n'est excusable, qu'autant qu'elle est amenée par des circonstances d'après lesquelles il aurait été moralement impossible de s'en prémunir.

En motivant ainsi l'arrêt du 12 juillet 1823 (et il faut en dire autant de celui du 19 février 1820, maintenu par celui du 3 janvier 1822), on aurait marché sur la ligne des vrais principes; et en respectant la règle générale d'après laquelle la capacité putative d'un témoin équivaut à sa capacité réelle, on en aurait marqué la juste limite.

C'est assez dire comment aurait dû être jugée, dans le cas où les témoins Pinard et

Mortier auraient déclaré dans les testamens des sieurs Ducorron et Grawez, qu'ils étaient regnicoles, la question de savoir si cette déclaration et la preuve que le notaire et les autres témoins y auraient ajouté foi, auraient suffi pour établir en leur faveur une capacité putative et couvrir la nullité résultant de leur qualité d'étrangers.

Il est évident que la négative n'aurait pu souffrir aucune difficulté. Qu'importerait en effet, dans cette hypothèse, quelle eût été l'opinion du notaire et des autres témoins sur la capacité ou l'incapacité des sieurs Pinard et Mortier? Ce n'est point par la scule opinion de toute une commune, de tout un canton, que s'établit la capacité putative : elle ne s'établit et elle ne peut s'établir que par la co-existence de cette opinion avec la possession d'état dont elle est la conséquence.

Cette hypothèse rentre d'ailleurs parfaite

ment dans celle d'un mineur qui, appelé comme témoin à un testament, s'y déclarerait majeur et ferait croire au testateur, aux autres témoins et au notaire, qu'il l'est réellement. Or, voici ce qu'a jugé à cet égard un arrêt de la cour d'appel de Turin.

Deux mineurs avaient assisté, comme témoins, à l'acte de suscription d'un testament mystique par lequel le sieur Pellolio était institué héritier universel; et les héritiers légitimes du testateur partaient de là pour soutenir que le testament était nul.

Le sieur Pellolio offrait de prouver que ces deux témoins avaient déclaré aux autres témoins et au notaire qu'ils avaient atteint leur majorité ; et il prétendait que, cette preuve faite, la maxime error communis jus facit, s'appliquait d'elle-même à la cause.

Un système aussi absurde ne pouvait pas être accueilli. Les premiers juges l'avaient proscrit sans hésiter; et sur l'appel, arrêt est intervenu, le 17 février 1806, par lequel la cour d'appel de Turin a mis l'appellation au néant, « attendu que l'appelant n'offre pas d'é» tayer la preuve de l'erreur commune, con» cernant l'âge des témoins testamentaires, sur des actes publics multipliés, mais scu» lement sur ce que lesdits témoins disaient » qu'ils étaient majeurs en présence d'autres » témoins qu'il veut faire entendre (1)

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IV. Voyons maintenant ce que les Témoins testamentaires ont à faire dans la disposition à laquelle ils interviennent.

1o. Les lois 9 et 12, C. de testamentis, portent qu'ils doivent être en la présence du testateur.

2o. La loi 21, §. 2, et la loi dernière du même titre exigent qu'ils le voient et qu'ils entendent ses dispositions; c'est aussi ce que porte l'art. 5 de l'ordonnance de 1735.

[[Le Code civil est muet là-dessus; mais on ne peut douter que tel ne soit également son esprit, et l'on en verra la preuve dans un instant. ]]

3o. Si c'est un testament mystique, il faut qu'ils entendent la déclaration du testateur, que le papier qu'il présente, contient ses dernières volontés. C'est ce que décident le commencement de la loi 25, déjà citée, l'art. 9 de l'ordonnance de 1735 [[et l'art. 976 du Code civil. ]]

[[ 4°. Lorsqu'il s'agit d'un testament nun

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 6, partie 2, page 98.

cupatif, ou, pour me servir des termes du code civil, d'un testament par acte public, est-il nécessaire que les témoins soient présens à la confection entière de cet acte?

Qu'ils doivent être présens à la lecture qu'en fait le notaire après l'avoir écrit, c'est c'est ce que l'art. 972 du code porte textuellement.

Mais leur présence est-elle également requise, sous peine de nullité, tant à la dictée des dispositions du testateur qu'à la rédaction par écrit qu'en fait le notaire?

L'affirmative ne peut éprouver aucun doute raisonnable. Voici cependant une espèce dans laquelle on l'a contestée trèssérieusement.

Le 19 mai 1814, le sieur Lavary fait, devant un notaire et quatre témoins, un testament dans lequel il est littéralement exprimé que les dispositions en ont été dictées par le testateur et écrites par le notaire en présence des quatre témoins désignés par leurs noms, prénoms, qualités et domiciles.

Après la mort du testateur, ses héritiers ab intestat demandent à s'inscrire en faux contre cette énonciation, et soutiennent que les témoins n'ont été présens qu'à la lecture de l'acte.

A cette demande les légataires opposent l'insignifiance du fait allégué. Fût-il vrai, disent-ils, que les témoins n'ont été présens qu'à la lecture, le testament n'en serait pas moins valable; car le code civil n'exige leur présence, ni à la dictée, ni à l'écriture.

Jugement du tribunal de première instance de Nivelle qui rejette la demande en inscription de faux,

« Attendu 10 que l'art. 972 du code civil s'occupe du détail de la confection de l'acte, et renferme les formalités substantielles dont il faut faire mention expressément, à peine de nullité; que le législateur n'y parle point de la présence des témoins à la dictée;

» 20 Que, dans la supposition contraire, après avoir prescrit la dictée que doit faire le testateur au notaire, il eût parlé textuellement de la présence des témoins à la dictée, comme il l'a fait en parlant de la lecture; » 3o Qu'à la vérité, l'acte doit contenir la preuve que deux notaires et deux témoins, ou un notaire et quatre témoins y ont concouru; mais qu'il en est autrement de la présence des témoins à la dictée ».

Mais sur l'appel, arrêt de la cour supéricure de justice de Bruxelles, du 19 avril 1815, qui réforme ce jugement et admet la demande en inscription de faux,

«Attendu que la formalité de la dictée et de l'écriture en présence des témoins, est inséparable de celle qui, de l'aveu même des légataires, ne peut être remplie que lorsque les témoins sont présens;

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Que cela résulte du texte même de l'art. 971, suivant lequel le testament par acte public doit être reçu par deux notaires, en présence de deux témoins, ou par un notaire en présence de quatre témoins ;

» Que recevoir un testament, ce n'est pas seulement assister à la signature du testateur et des témoins au bas d'un acte rédigé; c'est écrire les intentions du testateur sous sa dictée, et les relire; que, par conséquent, il faut que les témoins se trouvent présens à la dictée, comme à la lecture du testament, puisque l'une et l'autre font également partie intégrante de sa réception »

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Les héritiers ab intestat se pourvoient en cassation contre cet arrêt, dans la forme provisoirement établie dans le royaume des Pays-Bas, c'est-à-dire, devant les deux chambres de la même cour qui n'ont pas encore pris connaissance de l'affaire.

Là, M. le procureur général Daniels conclud au rejet de leur demande; et voici la substance de ses raisons :

:

« Le notaire reçoit un acte en présence des témoins, lorsqu'il fait devant eux tout ce qui est nécessaire à la validité de l'acte. D'après l'art. 971, il ne peut le recevoir qu'en présence des témoins. La dictée du testateur et l'écriture du notaire font partie substantielle de l'acte donc il est indispensable que la dictée et l'écriture se fassent en présence des témoins. Dans la supposition contraire, on ne pourrait plus dire que le testament a été reçu en présence des témoins. Le testament est la déclaration de la dernière volonté du testateur : testatio mentis, ultima voluntatis nostræ sententia de eo quod quis post mortem suam fieri vult. Le notaire reçoit cette déclaration, lorsqu'en sa qualité de fonctionnaire public, il est présent à tout ce qui constitue la substance de l'acte, et que, de son côté, il fait les devoirs nécessaires pour en constater la vérité. Le témoin le signe, pour attester également que tout ce qui est contenu dans l'acte, est véritable et passé en sa présence. On ne lui demande pas de certifier par sa signature, un fait dont il n'a aucune connaissance; ce serait lui proposer de se rendre coupable du crime de faux. Or, il appartient à la substance du testament par acte public, que le testateur déclare sa dernière volonté, qu'il la dicte et que le no

taire l'écrive. Il est indispensable qu'il en soit fait mention expresse dans l'acte même; le témoin doit y apposer sa signature; de même que le notaire déclare que le testateur lui a dicté le testament, qu'il l'a écrit soussa dictée, le témoin doit attester que cela est exact; c'est à cet effet qu'il doit y aproser sa signature; il faut donc qu'il ait été présent à la dictée et à l'écriture; autrement, il ne pourrait en rendre témoignage.

» Pour entendre la loi dans le sens des demandeurs, il faudrait, ou que la mention de la dictée et de l'écriture ne fût pas nécessaire, ou que le testament pût être divisé en deux parties, dont l'une serait attestée par le notaire seul, et l'autre par le notaire et les témoins.

» Le notaire devrait déclarer en termes formels, que le testateur est comparu devant lui seul; que c'est là qu'il a dicté son testament, et que lui, notaire, l'a écrit; qu'ensuite, on a fait entrer les témoins, que le testament a été lu au testateur en leur présence, et que le testateur a dit que telle était en effet sa dernière volonté. Mais comment voudrait-on prouver alors que le testament a été dicté par le testateur et écrit, sous sa dictée, par le notaire?

» On ne peut raisonner par analogie des actes entre-vifs, parceque la loi n'exige point qu'ils soient dictés par les parties (qui ne peuvent parler à la fois), ni que le notaire les écrive; il n'est donc pas nécessaire cela se fasse en présence des témoins.

que

» Mais, dit-on, il a été décidé plusieurs fois qu'un testament est valable, quand même les témoins n'entendent pas la langue dans laquelle il a été dicté et écrit ; donc leur présence y paraît inutile.

» Cette objection, pour prouver trop, ne prouve rien. N'arrive-t-il pas souvent que les témoins ne comprennent pas la teneur de l'acte dans lequel ils interviennent? Pour le comprendre, il faut avoir plus ou moins de notions de jurisprudence, et presque toujours plus de connaissances que n'en ont ordinairement les personnes qu'on employe comme témoins. Les témoins ne sont appelés que pour attester l'observation de toutes les formes extérieures. Leur mémoire ne suffirait pas d'ailleurs pour retenir par cœur, pendant une longue suite d'années, toutes les dispositions dictées par le testateur, bien qu'ils entendissent parfaitement l'idiome. C'est au testateur à voir si ses intentions ont été bien exprimées; c'est à lui de prendre lecture de ce qui est écrit, s'il n'a point con

fiance en celle qui lui est donnée par le notaire. On a jugé par cette raison, qu'un testament dicté en flamand peut être écrit et lu dans les deux langues, flamande et française, quand même les témoins n'entendraient pas le français (1); mais les témoins sont appelés à constater l'observation de toutes les formalités; il faut donc aussi qu'ils y soient présens ».

Sur ces conclusions, arrêt du 16 février 1816, qui rejette la demande en cassation,

« Attendu que le testament par acte public est celui qui est reçu par deux notaires en présence de deux témoins, cu par un notaire en présence de quatre témoins (art. 971);

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Que, pour que le notaire puisse recevoir le testament, il faut que le testateur lui communique ses dispositions;

» Que cette communication consiste dans la dictée suivie de rédaction par écrit (art. 972); d'où il suit que la présence des témoins à la dictée et à l'écriture est indispensable;

D

Que, si la loi exige cette présence à la lecture, qui n'est qu'un récolement du testament par acte public, ce ne peut être évidemment que pour rendre cette présence permanente du commencement jusqu'à la fin, mais nullement pour la borner à la seule lecture, puisqu'elle était déjà textuellement requise comme formalité substantielle par l'art. 972 (2) ».

5o. La loi 22, §. 2, D. qui testamenta facere possint, et le chap. 3 de la novelle 90, exigent qu'avant tout, les Témoins soient convoqués de la part du testateur, pour être présens à son testament; car, disent ces lois, il ne suffit pas que les Témoins se trouvent par hasard dans le lieu où le testament se fait. Mais cette disposition a été abrogée en ces termes, par l'art. 6 de l'ordonnance de 1735 : « Il suffira que les Témoins qui assissteront au testament nuncupatif écrit, y » aient été présens tous ensemble, sans qu'il * soit nécessaire de faire mention qu'ils aient » été priés et convoqués à cet effet; ce qui » aura lieu pareillement à l'égard de tous » les testamens et autres actes de dernière

(1) Cette manière de juger, est-elle même à l'abri de toate critique? V. mon Recueil de Questions de droits, au mot Testament, §. 17.

(2) Jurisprudence de la cour supérieure de justice de Bruxelles, année 1816, tome 1er, page 28.

» volonté, où la présence des Témoins est » nécessaire ».

6o. Les lois 12 et 21, C. de testamentis, et le §. 5 de la loi 22, D. qui testamenta facere possint, veulent que les Témoins apposent leur sceau ou cachet au testament. Mais cette formalité; et sa disposition, constamla novelle 42 de l'empereur Léon a abrogé ment suivie en France, approuvée même par un arrêt du parlement de Paris, du 20 juin 1669, que rapporte Ricard, Traité des Donations, chap. 5, sect. 2, a été érigée en loi nationale par l'art. 9 de l'ordonnance de 1735.

[[V. La mention faite à la fin d'un testament, de la présence des Témoins, suffit-elle pour établir que les Témoins ont été présens à la dictée que le testateur et à la lecture que le notaire en ont faites?

Cette question s'est présentée sous l'ordonnarce de 1735, dans l'espèce suivante.

Le premier mai 1779, le sieur Petrequin, notaire, rédige en ces termes le testament d'Humbert Gilibert :

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« Par-devant moi, notaire royal, cejourd'hui 1er mai 1779, fut présent Humbert » Gilibert, granger à Chouas, lequel, indisposé, détenu dans son lit, libre cependant d'esprit, ouïe et entendement, de gré m'a » fait et dicté son présent testament nuncupatif et ordonnance de dernière volonté » nuncupative ainsi qu'il suit........ révoque >> tous autres testamens qu'il pourrait avoir >> ci-devant faits; duquel présent testament j'ai fait lecture d'un mot à l'autre au tes» tateur il y a persisté et m'en a requis » acte, que je lui ai octroyé audit Chouas, en présence de..... Témoins requis........ ». Le 9 juillet suivant, décès du testateur. Ses héritiers institués se mettent en possession de l'hérédité.

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En 1801, les héritiers ab intestat demandent la nullité du testament, et soutiennent qu'elle doit être prononcée, parce que de la manière dont y est relatée la présence des Témoins, il ne résulte pas que ceux-ci aient assisté à la prononciation que le testateur a dû faire de ses dispositions, ni à la lecture qui a dû lui en être faite par le notaire.

Les héritiers institués répondent qu'à la vérité, les mots par-devant moi, notaire royal, fut présent Humbert Gilibert....., lequel m'a fait et dicté en entier son présent testament, n'indiquent pas que les Témoins ont été présens à la prononciation du testament par le

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