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vigoureux qu'on nourrit, pour off dans une arène, le fpectacle de le combats.

CONSTITUTIONS

DES

PRINCIPAUX ETATS

DE L'EUROPE.

XXIXe DISCOURS.

DE la Confédération des XIII Cantons, & de la Conftitution de quelques Cantons de la Suiffe.

DANS le tableau que j'ai présenté des principales

conftitutions de l'europe, je n'ai point encore offert celle de ce peuple qui femble fixé au-deffus des nations qui l'environnent, pour qu'elles puiffent découvrir de plus loin l'aspect de la liberté.

Le féjour qu'elle habite, femblable aux temples dont un caractère particulier d'architecture indiquoit la divinité à laquelle on devoit rendre hommage, donne une idée de tous les obftacles qu'il faut franchir, de tous les dangers qu'il faut braver, de toutes les privations qu'il faut favoir

s'imposer pour arriver à une noble indépendance

d

Oui, c'est à ces roches ftériles, à ces abîme qui effrayent l'œil du voyageur, à ces gorges montagne, d'où la mort menace l'ennemi témé raire, que les cantons de la Suiffe doivent le bon heur d'avoir brifé pour jamais le joug d'une puif fance héréditaire, d'être devenus les alliés, les amis de leurs anciens maîtres; enfin, de n'être plus enlacés dans un des cercles de l'empire.

Si la nature les eût placés fur un fol fécond d'un accès facile; fi elle ne leur eût donné pour perfpectives que de riches côteaux, pour fources d'abondance que des champs fertiles & de vaftes plaines coupées par des fleuves réguliers dans leur courfe, ces hommes, qui font aujourd'hui des fouverains, ne feroient que des fujets. Mais elle leur a accordé pour rempart, contre la tyrannie, ces maffes énormes de glace, dont les éternelles bases défient toutes les puiffances humaines ; elle les a environnés de torrens & de précipices que nulle armée ne peut franchir; les habitans qu'elle paroît avoir le plus mal partagés, font ceux qu'elle a le plus particulièrement défendus des atteintes du defpotifme. Oui, quand bien même, dans un accès de délire, tous les potentats de l'europe confpireroient contre la Suiffe, pour en arracher la liberté, elle pourroit rendre leurs efforts inu

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tiles, & fe refugiant à des hauteurs inacceffibles, elle y demeureroit inviolable.

Pendant le cours de ce long interrègne, qui laiffa l'Allemagne fans chef, & permit à tant de villes de fe fouftraire à l'esclavage, quelques cantons de la Suiffe ne voyant plus dans les feigneurs, qui appefantiffoient fur la tête des habitans le joug de la domination féodale, que des individus ifolés & fans appui, conçurent le projet de brifer des liens qui n'avoient plus d'impofant qu'une longue habitude de les fupporter. Quelqu'antique qu'elle foit, cette habitude fervile, elle ne peut effacer la loi gravée au fond du cœur de l'homme, qui lui dit toutes les fois qu'il l'interroge, « tu n'as » pour maître que la nature, tu ne dépends que » de tes propres conventions; nul n'a fur les fruits » de ton travail, fur ta propriété, que les droits » que tu lui a cédés, pour ton avantage personnel; » tu ne dois de tributs à la force publique qu'en » raison de la protection que tu en reçois, & non » de l'oppreffion qui te bleffe ».

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Trois petits cantons qui font Schwits, Uri & Underwal, donnèrent, en 1315, à toute la Suiffe, l'exemple de cette juftice que les habitans d'un pays doivent fe rendre à eux-mêmes, lorfqu'ils ne peuvent plus efpérer de l'obtenir du dominateur qui croit de fon intérêt de la leur refufer.

Nous ignorons fi cette révolution fut yérital ment précédée de ces excès de tyrannie, de ces p tentions infenfées que l'hiftoire attribue à Grif s'il exifta jamais un gouverneur, d'un orgu affez stupide, pour exiger que des hommes f chiffent le genou devant un chapeau fixé au ha d'une perche, fi, irrité du refus que fit le jeune Te de s'abaiffer à ce degré d'humiliation, il eut férocité de placer ce brave citoyen entre la v d'une mort certaine & le danger de la donner fon fils. M. de Voltaire révoque en doute ce tra hiftorique, & penfe qu'on a voulu orner d'un fable le berceau de la liberté helvétique.

Quoi qu'il en foit, ne nous arrêtons qu'aux fait démontrés. Il eft certain que les trois premiers cantons, après avoir banni la tyrannie de leu enceinte, fe fentant trop foibles pour la repouffer ifolément, lorsqu'elle viendroit à reparoître, unirent leurs forces & s'obligèrent à fe prêter un fecours mutuel, toutes les fois qu'ils feroient menacés par des ennemis de leur liberté.

Ces petites confédérations, dédaignées à leur naiffance, par les fouverains, ou coníidérées comme des actes de rébellion, ont quelque chofe de plus attachant que ces fuperbes traités d'alliance, qui n'ont pour objet que de déployer des forces impofantes, que de confolider ou d'étendre des conquêtes par la terreur.

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