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Le protectionnisme prend les formes les plus variées. A Marseille, lisons-nous dans le Journal des Débats, des conseillers généraux ingénieux ont imaginé d'établir un droit différentiel en faveur du travail « qui n'emploie pas l'outillage moderne ».

En 1848, des socialistes ont démoli des locomotives et détruit des travaux de chemins de fer. Les socialistes, encore, parlent volontiers du machinisme, comme enlevant l'ouvrage aux ouvriers. On leur objecte en vain, que la grande industrie est due au machinisme et qu'elle n'a pas diminué la main-d'œuvre employée Malgré l'évidence des faits, ils affirmeraient encore qu'il y avait plus de rouliers et de postillons, il y a soixante ans, qu'il n'y a d'employés et d'ouvriers de chemins de fer. Ils continuent à charger le machinisme de toutes leurs exécrations. Mais ils ne sont pas les seuls. Voici deux conseillers généraux de Marseille qui regrettent le bon temps, pas encore très éloigné, où tout le blé qui y arrivait était déchargé à dos d'homme par les portefaix. A l'aide d'une primitive poulie, un matelot hissait un sac de blé que chargeait sur ses épaules «< un roubi » au « calot rouge ». Celui-ci s'engageait, courbé sous son fardeau, sur une planche tremblante et vidait son sac d'un mouvement de bascule savant. Sur le quai, d'autres hommes criblaient le blé dans un van suspendu à trois pieux. Ces deux conseillers généraux demandent qu' <<< on diminue de 1 franc par 100 kilogrammes les droits de douanes sur les blés manipulés sur les quais de Marseille, sans employer l'outillage moderne. » Cette manière d'assurer de l'ouvrage aux ouvriers n'a rien à voir avec le progrès.

*

En Allemagne, les agrariens poussent la haine du machinisme plus loin encore que les conseillers généraux de Marseille. Ce n'est pas seulement aux machines à décharger le blé qu'ils s'en prennent, c'est à celles qui servent à le transporter qu'ils ont déclaré la guerre.

Nous avions cru jusqu'à présent, dit le correspondant de l'Indépendance belge à Berlin, que la multiplication des canaux et des chemins de fer était un bienfait. Les agrariens prétendent maintenant le contraire et ne voient plus dans la facilité des communications qu'un funeste moyen de faire baisser et toujours baisser les prix de leurs moissons.

Ils ont donc déclaré la guerre, en premier lieu, au grand canal de Dortmund-Emden, dont la construction a été décidée, il y a quelques dix ans, pour mettre les pays westphaliens en communication directe

avec la mer. La mer, par où nous viennent les produits américains fait horreur aux agrariens. Ah! s'ils pouvaient la supprimer! Mais, s'ils ne disposent pas de l'Océan, ils ont leur mot à dire touchant les canaux, et ils sont en train de forcer le gouvernement à établir sur le canal de Dortmund, dès son achèvement, de tels droits de passage qu'on n'y pourra pas transporter un sac de blé.

Le nouveau mouvement dans lequel le paysan paraît donner en plein, a pris, au sud de l'Allemagne surtout, de si grandes proportions que le prince Louis de Bavière a cru devoir intervenir publiquement en faveur des voies de transport, dont il a chaleureusement plaidé la cause. Vains efforts! Les agrariens ont découvert que les routes internationales leur sont préjudiciables, et nous allons les voir mettre tous leurs moyens en œuvre pour en empêcher le développe

ment.

Après tout, n'est-il pas plus simple et moins coûteux de ne pas construire des routes et des canaux que de payer des douaniers pour les rendre inutiles.

Nous trouvons encore dans une correspondance de l'Indépendance belge un aperçu des pertes d'hommes, sans parler des pertes des capitaux, qu'a coûtée jusqu'à présent à l'Espagne la répression des révoltes de Cuba et des Philippines, avec une esquisse des fusillades et des transportations destinées à faire renaître dans le cœur des colons l'amour de la métropole.

Une feuille ministérielle, el Nacional, donne les statistiques des sacrifices en hommes faits durant les deux premières années de la guerre de Cuba et durant les six premiers mois de la guerre aux îles Philippines. Du 1er mars 1895 au 28 février 1897 on a envoyé à Cuba 10 généraux, 675 officiers supérieurs, 6.222 officiers subalternes, 180.345 soldats. Ces 187.282 hommes ont été ajoutés aux 12.500 hommes que le général Calleja avait à sa disposition comme effectifs quand l'insurrection éclata. Sur ce total d'environ 210.000 hommes, il faut déduire 1.314 morts sur le champ de bataille, 704 morts de blessures, 13.004 morts de fièvre jaune et au bas mot 10.000 hommes morts de maladies ordinaires. Il faut enfin déduire les blessés et les malades renvoyés en Espagne, et on dit qu'il y a eu déjà près de 22.000 hommes ainsi rapatriés. Tout compte fait, il y aurait ainsi à déduire 46.000 hommes de 210.000 pour se faire une idée de l'effectif actuel de l'armée espagnole dans la grande Antille; sur les 164.000 restante, il y avait 16.000 hommes dans les hôpitaux le 28 février. En fait d'officiers, on a eu à déplorer la mort de 6 généraux, 3 tués ou morts de

blessures et 3 de maladies; officiers supérieurs, 13 tués ou morts de blessures, 30 de fièvre jaune, 25 de maladies ordinaires; officiers subalternes, 108 tués ou morts de blessures, 287 de fièvre jaune, 96 de maladies.

Aux Philippines, l'Espagne a envoyé, en six mois, 6 généraux, 99 officiers supérieurs, 735 officiers subalternes et 25.784 soldats. Sur ce chiffre, 26 officiers et 234 soldats sont morts, 39 officiers et 868 soldats furent blessés avant les combats décisifs de la province de Cavite.

En face de ces chiffres, les statistiques espagnoles assurent que les rebelles auraient perdu 21.962 hommes dans l'île de Cuba et 8.210 aux iles Philippines. Mais ce n'est là qu'une mince consolation. Et l'on ne peut en vouloir aux gens qui pensent qu'après tout la politique coloniale nous coûte cher.

... Jusqu'ici la répression ne s'est pas ralentie. Chaque vapeur qui arrive de Cuba dans nos ports, amène de nombreux condamnés destinés aux bagnes de la côte du Maroc et des déportés, blancs, noirs et mulâtres qui vont grossir le chiffre de Cubains ainsi exilés sans jugement et simplement par ordre des autorités coloniales. Ces déportés sont distribués entre Ceuta, Mélilla, les îles Chaffarines, l'île de Fernando-Pò dans le golfe de Guinée, et les forteresses de la Péninsule. Il y a parmi eux des gens de toute condition, et bon nombre de médecins, d'avocats, de planteurs, de négociants, de marchands qui passaient pour membres de la fraction la plus avancée du parti autonomiste de Cuba. On a déporté des suspects aussi à l'ile des Pins, située sur la côte sud de Cuba où l'on a établi des dépôts de détenus politiques. Les conseils de guerre qui fonctionnent dans toutes les provinces de la colonie se montrent sévères pour les chefs cubains faits prisonniers et pour les rebelles accusés d'incendie ou de pillage. Ils sont en général fusillés.

Pendant que le gouvernement espagnol dépense sans compter le sang et l'argent de la nation pour réduire à l'obéissance les colonies que son vieux et inique système d'exploitation politique et économique a poussées à la révolte, voici, d'après une autre correspondance, à quelle situation misérable se trouve réduite. une des plus belles et des plus fertiles provinces de l'Espagne :

La crise ouvrière qui sévit en Andalousie est, vous le savez, la conséquence de la perte des deux dernières récoltes de céréales et d'olives et de la grande sécheresse qui désole cette région depuis quelque temps et qui menace de détruire une troisième récolte. La situation, au lieu de s'améliorer, s'est aggravée. Une émeute a eu lieu ces jours passés à Osuno; les bureaux de l'octroi ont été brûlés par des groupes

d'ouvriers sans travail; ils ont pris les fonds qui s'y trouvaient. De plus, une foule affamée a enlevée les denrées qui étaient au marché et pillé une propriété. On a été obligé de concentrer dans cette localité la garde civile qui a arrêté 52 individus que l'on suppose être les instigateurs du tumulte. L'excitation des esprits y est encore très grande et l'on craint de nouveaux désordres. A Prado del Rey, des femmes affamées ont engagé une lutte avec des boulangers qui portaient du pain elles sont parvenues à le leur enlever et l'ont immédiatement distribué à leurs enfants. Un tumulte a été causé à Herrera par des ouvriers sans travail et n'a pu être arrêté que par la garde civile. A Puebla de Castilla, des gens criant famine ont pillé un moulin. Je pourrais multiplier ces exemples et citer un grand nombre de localités où des groupes d'ouvriers parcourent les rues dans une attitude menaçante. Le plus souvent, ils pillent les boulangeries ou s'emparent de vive force du pain que l'on envoie chez les particuliers et dans les fermes du voisinage, où les vols sont aussi très fréquents. Ces vols se commettent sans que les autorités aient, dans la plupart des cas, les moyens de les réprimer. Les habitants des petites localités et des campagnes de l'Andalousie vivent donc dans un état constant d'alarme.

On attribue la crise que traverse l'Andalousie à la constitution spéciale de la propriété et aux conditions déplorables dans lesquelles se trouve l'agriculture dans cette région. Elle est aggravée par le manque de réserves en grains, de capital, d'institutions de prévoyance et de crédit agricole.

Le système colonial de Charles Quint a commencé la décadence de l'Espagne. Il pourrait bien être en train aujourd'hui de

l'achever.

On sait que les boers du Transvaal plument à outrance la poule aux œufs d'or des exploitations minières, et qu'ils sont demeurés sourds à toutes les réclamations des propriétaires de cet intéressant volatile. Désespérant d'obtenir une réduction des frais énormes que leur infligent les monopoles de la dynamite, des transports par chemins de fer et les droits exorbitants du tarif des douanes, les compagnies viennent de trouver une combinaison ingénieuse, sinon honnête, pour en reporter le fardeau sur leurs travailleurs indigènes.

L'union de toutes les sections de l'industrie en vue des réformes, lisons-nous dans une correspondance de Johannesburg est aujourd'hui un fait accompli; un de ses premiers effets a été la résolution de réduire de 30 p. 100 les salaires des indigènes, à partir du

1er juin les Compagnies ont signé un contrat qui les lie à cet égard les unes vis-à-vis des autres, et des inspecteurs spéciaux recevront la mission d'examiner les feuilles de paye, afin de vérifier si les réductions sont opérées.

En d'autres termes « l'union de toutes les sections de l'industrie en faveur des réformes » a abouti à la constitution d'un syndicat ayant pour objet spécial d'abaisser les salaires des travailleurs indigènes au-dessous du taux naturel de la concurrence. Comment pourrons-nous encore après cela dénoncer la tyrannie des syndicats ouvriers? G. DE M.

Paris 14 mai 1897.

Bien que la France compte aujourd'hui parmi ses sujets un nombre considérable de Mahométans, le public français est en général peu ou mal renseigné sur l'islamisme.

C'est pourquoi la Revue de l'Islam s'attache à faire connaître le monde musulman: mœurs, religion, traditions, arts, institutions, etc., en publiant des voyages, des chroniques, des études, etc. Cette publication (illustrée, mensuelle), paraît depuis 1895 16 pages gr. in-8°.

France, 6 francs par an. Etranger, 9 francs. Paris, 59, rue de Grenelle.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Les conséquences de l'antisémitisme en Russie par N. CHMERKINE, professeur à l'Institut Rudy. Préface de M. G. DE MOLINARI, Correspondant de l'Institut. 1 vol in-18 de 188 p. Paris, Guillaumin et Cie.

Histoire financière de l'Assemblée constituante, par CHARLES Gomel. Tome II, 1790-1791. 1 vol. in-8° de 586 p. Paris, Guillaumin et Cie.

A quoi tient la supériorité des Anglo-Saxons par E. DEMOLINS. I vol. in-18 de 412 p. Paris, Firmin-Didot et Cie.

Philosophie de l'Anarchie 1888-1897 par CHARLES MALATO. 1 vol. in-18 de 292 p. Paris, P. V. Stock.

LES ÉTAPES D'UN TOURISTE EN FRANCE: De Paris au Tréport par Amiens. 1 vol. in-18 de 254 p.

Promenades et excursions dans les environs de Paris. Région du Sud III, par Alexis Martin. 1 vol. in-18. Paris, Hennuyer.

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Maladies des Plantes agricoles et des arbres fruitiers et forestiers causées par les parasites végétaux par ED. CRILLIEUX. Tome second 1 vol. in-8° de 592 p. - Paris, Maison Didot.

Impressions d'Allemagne par HENRI RAMIN. 1 vol. in-18 de 248 p. Paris, Maison Didot.

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La crise de l'Etat moderne. De l'organisation du suffrage universel par CHARLES BENOIST. 1 vol. in-8o de 452 p. - Paris, Maison Didot.

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