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et avec la plus entière liberté d'action, l'alimentation de leurs départements. Les moyens furent différents, mais partout la charité privée fut admirable. Quand la crise fut conjurée, l'empereur étudia les moyens de conjurer les crises futures. Son idée était celle-ci accorder à une compagnie montée par actions le privilège de fournir le blé qui se consomme à Paris, moyennant un prix constant du pain et grâce à une réserve pour une année. Les évènements qui surgirent ne permirent pas à Napoléon de veiller à l'organisation de ce système, ni même au fonctionnement du régime des magasins de réserve la reconstitution de ces derniers coûta 24 millions.

M. Pillon a communiqué un travail sur Bayle, historien de la philosophie et les remarques critiques sur le dualisme d'Anaxagore.

III

L'Académie a perdu M. le duc d'Aumale, élu le 30 mars 1889 à la place laissée vacante dans la section d'histoire générale et philosophique par le décès de M. Rosseuw Saint-Hilaire.

A la séance du 3 avril, il a été procédé au remplacement de M. Albert Desjardins, décédé, membre libre élu le 21 mai 1887 à l'une des quatre places créées par le décret du 20 janvier 1887. La commission spéciale présentait la liste suivante: en première ligne, M. Louis Passy, député, secrétaire perpétuel de la Société centrale d'agriculture de France; en deuxième ligne ex æquo MM. du Bled et des Cilleuls. Au premier tour de scrutin, M. Louis Passy a été élu par 31 suffrages sur 38 votants.

J. LEFORT.

COMMERCE EXTÉRIEUR

ET

FLUCTUATIONS DU CHANGE

(Aussenhandel und Valutaschwankungen, par K. HELLFERICH.)

Dans la littérature monétaire, qui représente aujourd'hui des monceaux de papier imprimé et dont la plus grande partie n'a qu'une valeur absolument éphémère, une place spéciale a été donnée à la question du change. Avec leur habitude de verser dans les extrêmes et de tout travestir, les bimétallistes ont adopté des formules dans le genre de celle de M. Allard: « Le change fossoyeur du libre-échange »; ils ont parlé de la crise des changes et attribué à la dépréciation du signe monétaire dans les pays étrangers une influence magique pour stimuler les exportations et rendre plus intense encore la concurrence des pays nouveaux. Successivement, ils ont fait parader la roupie, le rouble, le peso argentin, devant les yeux ébahis des agriculteurs. Avec une souplesse inouïe, ils modifient leur argumentation sans trop s'inquiéter des contradictions qui se glissent dans leurs écrits ou dans leurs discours et sans se soucier des démentis que leur infligent les faits.

Les relations qui existent entre le commerce extérieur et les fluctuations du change, l'influence réciproque qu'ils exercent l'un sur l'autre, sont un sujet fort intéressant d'étude exigeant beaucoup de finesse et une bonne méthode scientifique, afin de dégager des éléments très complexes.

M. Hellferich, qui s'est déjà fait connaître par plusieurs publications,est d'avis que l'on a négligé jusqu'ici d'examiner suffisamment l'influence exercée sur le change par les modifications du commerce étranger. Mais dans les pays à étalon métallique, les fluctuations du change sont,comme l'on sait, de peu d'étendue; elles tournent autour du « gold point ». Il

n'en est pas de même dans les pays à cours forcé où les oscillations du papier-monnaie prennent parfois d'étranges amplitudes. Dans la République Argentine, il y a une quinzaine d'années, le papier-monnaie ne valait plus que 1/30 de sa valeur métallique originale. En Autriche, la frappe libre de l'argent a été suspendue en 1879 et le florin, après le divorce prononcé entre lui et le métal blanc, a pu s'élever au-dessus de la valeur de l'argent.Depuis 1893, dans l'Inde, la frappe pour compte des particuliers n'existe plus : quinze roupies ont été proclamées l'équivalent d'une livre sterling en or, et la conséquence en a été que peu à peu le cours de la roupie s'est rapproché de sa nouvelle parité, qui est de 16 pence.

Le signe monétaire dans tous ces pays a été indépendant de sa valeur nominale, et les fluctuations sont ici bien autrement intenses que dans les pays à étalon métallique.

Nous n'avons pas besoin de rappeler quels sont les facteurs principaux qui agissent sur le cours du change ceux d'un ordre moral comme l'opinion qu'on a du crédit de l'Etat, de la vraisemblance de la reprise des paiements en espèces, etc.; ensuite ceux d'un ordre plus matériel et plus tangible que déterminent l'offre et la demande du signe monétaire, c'est-à-dire la balance du commerce, la balance des paiements, l'accroissement ou la diminution de la circulation fiduciaire. Une augmentation de l'exportation a pour conséquence de faire rechercher les signes monétaires avec lesquels on peut payer les marchandises exportées; it en résulte une amélioration du change. Avec une diminution de l'exportation, les phénomènes sont renversés. La discussion relativement à l'influence du change sur le commerce extérieur a commencé lorsqu'au cours de la dépréciation croissante du métal blanc, on enregistra une augmentation de l'exportation des céréales de l'Inde; la discussion a continué plus tard et elle s'est appliquée à la concurrence russe et argentine. C'est au même phénomène qu'on a attribué l'essor de la filature du coton dans l'Inde et le développement industriel du Japon. Au fond de la théorie bimétallique se trouve l'idée que, dans les pays à change variable, la valeur de la monnaie intérieure reste fixe ou qu'en tout cas, elle ne suit que de très loin les variations qui se font jour sur le marché extérieur. C'est de là qu'est sortie l'idée extraordinaire de la cristallisation par la Russie, l'Autriche, le Japon, l'Inde, d'une prime d'exportation équivalente à l'écart entre la valeur du jour et la valeur nominale de la monnaie. Substituer le rapport de 24 à celui de 13 1/2, ce serait fixer irrévocablement à 35 p. 100 la prime d'exportation ou l'entrave à l'importation. Ceux qui soutiennent cette théorie affirment par là même que les évènements survenus depuis vingt-cinq ans n'ont modifié en rien la valeur

de la monnaie à l'intérieur des pays et que la différence dans la valeur se trouve éternisée.

Personne ne peut songer à nier que les oscillations brusques et rapides exercent une certaine influence sur la marche du commerce. Les exportations peuvent en tirer un profit très passager; mais ce sont des phénomènes d'un ordre tout à fait transitoire et qui sont loin d'avoir l'importance et la puissance qu'on leur attribue. Il faut tenir compte en effet du nombre considérable d'autres éléments parmi lesquels la question des transports joue un rôle principal. Plus un pays s'approvisionne à l'étranger pour les besoins de sa consommation et plus, d'autre part, il vend à l'étranger, et moins la détermination des prix à l'intérieur peut échapper à la répercussion des prix sur le marché universel. Il est facile d'appuyer cette thèse d'exemples tirés du Brésil, de la République Argentine. Il faut tenir compte du prix de revient des marchandises, notamment de celles qui s'exportent. La question prend un autre aspect lorsqu'une grande partie des salaires est payée en nature.

Au bout de quelques années, les gens qui habitent un pays à monnaie avariée s'aperçoivent qu'il serait de leur avantage de stabiliser le change, car c'est à la parité de l'or qu'il leur faut payer un outillage, que les salaires se modifient. Si l'on prend, par exemple, l'industrie du coton dans l'Inde, qu'on examine les conditions de production. l'on s'aperçoit qu'avec une dépréciation de la roupie qui s'élève à 10 p. 100, la diminution du prix de revient pour le cultivateur indigène ne dépasse pas 1,25 p. 100. De 1870 à 1894, le change indien s'est déprécié de 45 p. 100, et, en admettant que les prix et les salaires fussent restés fixes, toute la diminution dans le prix de revient du fil et le coton n'aurait pas dépassé 5 1/2 p. 100. C'est compter étrangement sur l'absence de réflexion des gens que de vouloir leur faire admettre qu'une baisse de 10 p. 100 sur la roupie ait réduit également de 10 p. 100 le prix de revient des marchandises dans l'Inde. Les fluctuations et la baisse du change ont l'inconvénient de rendre plus onéreux le recours au crédit, de paralyser le développement du pays. On s'est suffisamment plaint de l'arrêt dans l'extension du réseau indien, et ce n'est que depuis la réforme de 1893 que les capitaux ont perdu leur timidité. Le stimulant qui pourrait résulter de la dépréciation monétaire ne pourrait guère fonctionner que là où un accroissement immédiat et soudain de la production est possible. Cela devrait être le cas plus pour l'industrie que pour l'agriculture; filatures, tissages, métalJurgie peuvent augmenter les quantités produites plus aisément que l'agriculture. Le fait important pour l'exportation des produits agricoles, c'est la récolte.

M. Hellferich croit que le nombre de gens convaincus de la relation entre le développement de l'exportation et la baisse du change a diminué. Pour les pays agricoles, comme nous l'avons déjà dit, c'est l'importance de la récolte, l'excédent de la production sur la consommation. qui est le grand élément de l'exportation.

L'influence que le change exerce sur l'accroissement de la production est des plus limitées, et tout homme impartial qui examinera avec impartialité le mouvement d'exportation de l'Inde, de la Russie et de l'Argentine n'y découvrira pas la moindre dépendance des fluctuations du change. Tout au contraire, il verra souvent coïncider un accroissement d'exportation et une amélioration du change.

Les exportations d'Angleterre et d'Allemagne vers les pays à étalon d'argent se sont développées malgré la baisse du métal blanc. Le grand inconvénient des oscillations du change, c'est de donner un caractère d'incertitude et de spéculation aux affaires de marchandises. Le producteur ou l'exportateur de marchandises européennes, qui vend à un pays à change malade, doit bien courir des risques d'être payé dans une monnaie inférieure ou doit se débarrasser de ce risque sur l'acheteur, en exigeant d'être payé en bonne monnaie. Cet aléa est une entrave à des transactions légitimes et profitables. Pour y obvier, le commerce a organisé tout un rouage de couverture du change.

La conclusion à laquelle arrive M. Hellferich, c'est que la fluctuation du change ne saurait donner d'une façon durable des avantages à la production et au commerce d'exportation. De brusques fluctuations peuvent donner des avantages passagers aux exportateurs.

En ce qui touche le métal blanc, on s'était figuré que sa dépréciation, entraînant celle de la roupie, stimulerait l'exportation des produits indiens, qu'à son tour l'accroissement des exportations de l'Inde créerait une demande de remise sur l'Inde, une hausse de l'argent; ces prévisions ne se sont pas accomplies.

L'exportation de l'Inde n'a pas grandi dans la proportion attendue. De 1868 à 1873, il y a eu un accroissement de 233 millions, de 1873 å 1879 seulement de 218 millions, et néanmoins dans la seconde période l'once d'argent a baissé de 60 à 50 pence; de 1880 à 1890, l'exportation progresse considérablement, et cependant le prix du métal blanc baisse de près de 10 pence. L'Inde absorbe davantage de l'argent, mais la production du métal blanc grandit dans des proportions bien. plus vastes; l'Inde absorbe davantage, mais pas assez.

La dépréciation du signe monétaire ne peut influer sur le commerce des céréales que si elle permet à lexportateur de vendre meilleur marché que dans d'autres conditions et, dans ce cas, de peser sur les prix au dehors. L'exportation des céréales n'est qu'une partie de

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