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produit, et même à le taxer lourdement. Le tarif de 1894 frappe le sucre d'un droit ad valorem de 40 p. 100, augmenté, pour les raffinés d'une surtaxe de 1/8 de cent par livre. Le Dingley bill remplace le droit ad valorem, qui donne lieu à des plaintes très vives, à cause des fraudes qui se commettent à son abri, par un droit spécifique, qui égalera 65 à 70 p. 100. Il conserve naturellement la protection spéciale accordée aux raffinés, et la surtaxe créée en 1890, maintenue en 1894, sur les sucres provenant des pays accordant des primes à l'industrie sucrière. Mais le taux de la surtaxe, au lieu d'ètre fixé d'une manière invariable par le tarif, comme il l'est actuellement, variera suivant le lieu d'origine des sucres importés, la surtaxe devant être égale à la prime étrangère obtenue par eux.

De même que le tarif de 1890, le nouveau projet contenait une clause de réciprocité, permettant au président de conclure des arrangements commerciaux avec les puissances étrangères. Mais, tandis que le tarif Mac Kinley avait en vue, en autorisant le Président à imposer des droits exceptionnels sur le sucre, le café, les peaux et le thé, les états de l'Amérique centrale et de l'Amérique du sud, le Dingley bill, en donnant au Président le droit d'autoriser temporairement l'admission en franchise des sucres, cognacs, vins mousseux, eaux minérales, dentelles et passementeries de soie provenant des pays avec lesquels des arrangements commerciaux pourraient être conclus, visait particulièrement la France et l'Allemagne. L'efficacité de cette clause était d'ailleurs presqu'entièrement détruite par l'exagération générale du tarif et l'étroitesse du terrain d'entente.

Enfin au cours des débats, M. Dingley, effrayé par le développement des importations, à la veille du vote d'un tarif aussi exagéré, proposa à la Chambre, pour y mettre un terme, une clause de rétroactivité, soumettant aux droits nouveaux les marchandises importées à partir du 1er avril, à quelque date que le tarif devint loi.

Le Dingley bill, qui a été voté à la Chambre par 205 voix contre 122, souleva, pendant la discussion même, de nombreuses protestations. Les industriels protestèrent contre les droits exagérés qu'il contenait, et la Chambre de commerce de New-York, dont la majorité cependant est républicaine et protectionniste, adopta une résolution déclarant le bill excessif et demandant « un tarif raisonnablement protecteur, qui puisse entin donner quelque assurance contre ces remaniements continuels. Les farmers de l'Ouest se plaignirent du peu d'avantages qui leur étaient accordés. Ils demandaient une augmentation des droits sur la laine, trouvant insuffisant le rétablissement des droits de 1890, et la création d'un droit sur les peaux.

Le projet voté par la Chambre a été complètement remanié par le T. XXX. JUIN 1897.

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Comité de Finances du Sénat, à l'examen duquel il avait été soumis. Ce Comité a fait droit, en partie, aux réclamations des farmers, en imposant un droit de 1 cent 1/2 par livre sur les peaux, et en élevant le droit sur les laines de qualité inférieure, qui servent principalement à la fabrication des tapis Les protectionnistes du Sénat espèrent ainsi se concilier les sénateurs de l'Ouest, dont le vote leur est nécessaire pour faire passer le projet. Le Comité a, par contre, réduitd'une manière sensible les droits d'un grand nombre de produits manufacturés

M. Dingley espérait obtenir de son tarif une augmentation de revenus de 50 à 60 millions de dollars. Le flot d'importations survenues dans ces derniers mois, pour échapper à l'élévation des droits annoncés, transformera, pendant quelque temps au moins, l'élévation de recettes prévue, en une diminution. Pour remédier à l'insuffisance de revenus qui en résulterait, le Comité de Finances du Sénat a créé des droits fiscaux temporaires : une taxe de 10 cents par livre sur le thé, et des taxes additionnelles sur la bière, le tabac, les cigares et les cigarettes. Ces taxes seront en vigueur jusqu'au 1er janvier 1900, époque où le nouveau tarif produira son plein effet.

Le Comité n'a reproduit dans son projet, ni la clause de rétroactivité, dont le caractère anti-constitutionnel était évident, ni la clause de réciprocité.

Qu'adviendra-t-il du Dingley bill ainsi modifié? Il est probable que, suivant la procédure ordinaire, on nommera un Comité de conférence, composé de membres des deux Chambres, qui s'efforceront de mettre d'accord sénateurs et représentants.

Nous ne croyons pas que les réclamations adressées à Washington par la France, l'Allemagne, l'Italie et le Japon, les puissances les plus menacées par le projet, aient quelque action efficace sur les législateurs américains. La population des Etats-Unis, accoutumée qu'elle est depuis plus de 35 ans à la politique protectionniste, regarde celleci comme la politique nationale par excellence, et se laisse tondre bénévolement par un petit clan d'individus intéressés à entretenir ses illusions.

La question monétaire, qui avait été la question prépondérante dans la campagne présidentielle de 1896, que les journalistes américains ont spirituellement baptisée the battle of standards, a été reléguée à l'arrière-plan par l'administration républicaine. La réforme monétaire promise, annoncée par M. Mac Kinley dans son adresse inaugurale, n'a pas encore été commencée, et le secrétaire du trésor, M. Lyman Gage, n'a rien dit qui puisse permettre de deviner quels peuvent être ses projets. On a cependant déclaré que la question serait soumise au

Congrès à l'ouverture de la session ordinaire, en décembre. M. Mac Kinley en diffère la discussion, dans l'espoir sans doute d'avoir obtenu à cette époque, l'adhésion des grandes puissances européennes, à la réunion d'une nouvelle conférence monétaire, à la possibilité et à l'efficacité de laquelle il s'obstine à croire. M. Volcott est rentré à Washington, enchanté du résultat de la mission officieuse dont le Président l'avait chargé auprès des financiers d'Europe; il a cru voir, dans l'accueil aimable qui lui a été fait, et dans quelques marques de bonne volonté individuelle,comme une approbation donnée à sa croyance de la réhabilitation possible du métal-argent. M. Mac Kinley s'est laissé volontiers convaincre par son ambassadeur, et il a nommé une commission monétaire qui va recommencer, avec plus d'autorité cette fois, et en vertu d'un mandat officiel du Président, les pérégrinations officieuses de M. Volcott. Tout naturellement, ce dernier fait partie de la commission. Il a pour collègues, M. Stevenson, le vice-président de la dernière administration démocrate, argentiste convaincu, et le général Paine, Bostonien, qui représentera l'opinion des financiers de l'Est, partisans du métal jaune. Les démarches de la commission seront sûrement infructueuses. Le parti républicain agirait beaucoup plus sagement, en réglant définitivement la question monétaire, qui peut causer encore de si graves embarras à l'Union. Le développement exagéré des importations, pendant ces derniers moiselles se sont élevées de 31 millions de dollars en janvier, à 59 en février et à 76 en mars, a eu pour effet la reprise des exportations d'or. Le marché américain étant en ce moment fortement débiteur de l'Europe, ces ordres de métal peuvent durer jusqu'au milieu de juillet, époque où les exportations de coton viendront renverser la situation. Jusqu'ici, le Trésor est dans une bonne situation. Au 1er mai, sa réserve d'or était de plus de 153 millions de dollars; mais si les exportations de métal jaune continuent, il pourrait voir de nouveau s'abaisser sa réserve au-dessous de la limite critique de 100 millions.

Un jugement rendu, en avril, par la Cour suprême fédérale, déclarant illégale la Trans-Missouri freight association, en vertu de la loi de 1890 contre les trusts, a soulevé une grande émotion dans le monde financier. Depuis quelques années, les compagnies de chemins de fer ont créé plusieurs associations dans le but d'assurer, sur les lignes associées, l'uniformité et la stabilité des taxes, et d'empêcher, entre compagnies rivales, le renouvellement de ces luttes qui ont amené la ruine d'un si grand nombre d'entre elles. La décision de la Cour suprême, prise seulement à une voix de majorité, a été très discutée par les juristes. Beaucoup la prétendent erronée, déclarant que la

loi de 1890 ne s'applique pas aux chemins de fer, qui sont régis uniquement par l'interstate-commerce act de 1887, et soutenant, qu'en tout cas, la loi de 1890 ne vise pas indifféremment toutes les ententes commerciales, bonnes ou mauvaises, mais qu'elle vise seulement celles conclues dans un but déraisonnable et préjudiciable à l'intérêt public, ce qui n'est pas le cas pour les associations des compagnies de chemins de fer. Il est probable qu'on fera juger à nouveau la question, pour essayer de modifier la majorité de la Cour. En attendant, la plupart des anciennes associations se sont dissoutes et se sont réorganisées d'une manière beaucoup plus lâche qu'auparavant, espérant éviter ainsi tout conflit avec les tribunaux. On annonce aussi qu'un bill, ayant pour objet d'autoriser les accords entre les compagnies de chemins de fer, en les plaçant sous le contrôle de l'interstate-commerce commission, a été déposé au Sénat, et que la discussion en sera commencée aussitôt après le vote du tarif.

ACHILLE VIALLATE.

PLUS CA CHANGE..... '

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La Révolution a fait une telle brèche dans notre histoire, elle a causé un tel bouleversement dans notre pays, qu'on s'étonne qu'elle n'ait pas provoqué un changement complet de la vie parisienne. Aussi n'est-ce pas sans une profonde surprise qu'on constate dans la relation de Nemeitz qu'une foule des habitudes qui existaient avant cette époque néfaste ont persisté jusqu'à maintenant. Assurément la physionomie de Paris s'est notablement transformée, mais les usages des Parisiens n'ont pas beaucoup changé. Si les splendeurs de la Cour ont disparu, la ville a gagné en beauté, en confort, en sécurité et c'est toujours par les mêmes agréments réunis en plus grand nombre exerce son attrait sur les étrangers.

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qu'elle

Au reste, laissons la parole (en l'abrégeant, bien entendu) à Nemeitz; nos lecteurs verront par eux-mêmes sur quels points les modifications se sont produites :

Le premier soin en arrivant à Paris, dit-il, doit être de se procurer une chambre, bonne et bien située sans trop se préoccuper de l'augmen

DES

1 LA VIE PRIVÉE D'AUTREFOIS. ARTS ET MÉTIERS. MODES, MOEURS, USAGES PARISIENS DU XII AU XVIII SIÈCLE D'APRÈS DES DOCUMENTS ORIGINAUX OU INÉDITS. LA VIE DE PARIS SOUS LA RÉGENCE, par ALFRED FRANKLIN, 1 vol. E. Plon, Nourrit et Cie, éditeurs. Paris 1897.

Pour ouvrir la seconde série de ses études sur la façon de vivre de nos ancêtres parisiens, M. Franklin ne pouvait faire un meilleur choix que celui de la narration de Nemeitz sur la vie à Paris sous la Régence. Nemeitz était un érudit allemand, conseiller du prince de Waldeck, auquel ses fonctions, purement honorifiques probablement, laissaient assez de loisirs pour s'être fait une spécialité d'accompagner de jeunes seigneurs qui complétaient leur éducation par des voyages ou des séjours souvent fort longs dans les grandes villes d'Europe. Nemeitz eut ainsi l'occasion de passer deux années à Paris; il publia pour la première fois en 1718 le résultat de ses observations, afin que son expérience put servir à guider ceux d'une fortune plus modeste qui voyageaient seuls.

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