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gers n'ont pas à redouter une rigueur exagérée en Belgique, car notre code est l'un des plus indulgents. Nous avons vu que l'étranger co-auteur ou complice d'un crime commis par un belge en dehors du territoire du royaume, peut être puni en Belgique s'il y a été trouvé.

Cette considération exclut les poursuites par contumace ou par défaut il ne faut cependant pas prendre ce principe trop à la lettre. Il suffit que le coupable soit trouvé au milieu de nous au moment des poursuites, pour que l'action publique suive régulièrement son cours. Il ne dépendrait pas du prévenu de l'enrayer en quittant brusquement le pays, soit qu'en raison de la nature du délit il n'eût pas été arrêté préventivement, soit, qu'après son arrestation, il fût parvenu à s'échapper. Au jour du jugement, la justice prononcera, même en l'absence du prévenu, et la sentence rendue par défaut sera tout aussi régulière que si le débat avait été contradictoire.

Quel peut être le sens de ces mots « s'il est trouvé » ?

En déférant l'étranger aux tribunaux, par cela seul qu'il est trouvé en Belgique, la loi de 1878 n'a pas pu entendre violer le droit des gens ni les priviléges de l'infortune, en profitant par exemple d'un naufrage, d'un accident. « On aime, dit MANGIN, à se rappeler comme de l'aurore de meilleurs jours, le bel arrêté des consuls du 18 frimaire an VIII, en faveur des émigrés naufragés à Calais : « considérant qu'il est hors du droit des nations policées de profiter de l'accident d'un naufrage pour livrer même au juste courroux des lois des malheureux échappés aux flots.

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De même la loi ne peut enrôler l'astuce au service de la répression, en souffrant qu'on attire un malheureux dans le royaume, par exemple sous le couvert d'une déposition en justice, et qu'alors, parce qu'on l'aurait trouvé dans le pays, on le traîne devant les tribunaux. Il y a des maximes de morale publique qui conservent leur inviolabilité devant le législateur lui-même, alors surtout que ce dernier se pose en défenseur de cette morale outragée.

Les poursuites dont les faits prévus par les articles 10 et 11 auraient déjà été l'objet en pays étranger, élèveraient-elles une fin de non-recevoir à de nouvelles poursuites en Belgique?

La question, vivement controversée autrefois, est aujourd'hui décidée par la nouvelle loi.

Si l'inculpé, jugé en pays étranger du chef de la même infraction, a été acquitté, il ne pourra plus être poursuivi pour le même fait en Belgique.

Il en sera de même si l'inculpé, après avoir été condamné à l'étranger, a subi ou prescrit sa peine; ou s'il a été grâcié (art. 13). Le législateur ne s'est donc pas contenté d'une simple condamnation, quelles qu'en soient les conséquences, et il a sagement agi en effet, le condamné, lorsqu'il n'a pas subi sa peine, n'a pas le droit de prétendre qu'il a expié l'infraction et payé sa dette à la justice.

Cette disposition s'applique sans conteste à l'étranger : le mot « inculpé » de notre article a été précisément substitué au mot « belge » qui se trouvait dans le projet de loi, afin d'éviter toute incertitude. Il y avait d'ailleurs une raison majeure pour admettre la disposition ci-dessus en ce qui le concerne.

Lorsqu'un belge, en effet, a été condamné à l'étranger et se réfugie dans son pays, il est peu vraisemblable qu'il soit porté à retourner au lieu où il a consommé son méfait. Il en est autrement d'un étranger, qui a l'esprit de retour, parce que le lieu du délit est pour lui la terre natale, et que ses affections comme ses intérêts l'y attirent et l'y rappellent.

Qu'arriverait-il, si l'individu condamné en pays étranger, s'était évadé avant d'avoir subi intégralement sa peine?

Il ne pourra évidemment pas opposer l'exception de chose jugée; en s'échappant d'une prison étrangère, il commet en réalité une désobéissance à la loi : cette désobéissance ne peut naturellement pas lui procurer un avantage et, moins encore, un droit. La détention qu'il aura subie à l'étranger par suite de l'infraction qui donne lieu à la condamnation en Belgique, sera imputée sur la durée des peines emportant privation de la liberté (1). Et même s'il y a eu expiation suffisante, le ministère public ne poursuivrait généralement pas, sous prétexte que la peine n'aurait pas été complétement exécutée (2).

Un membre de la commission extraparlementaire, chargée de présenter un avant-projet, avait soulevé la question de savoir si l'étranger trouvé en Belgique peut être poursuivi lorsque son co-auteur belge est décédé ou fugitif. Une solution négative a été donnée à cette question. « L'État Belge, observe fort justement dans son rapport M. NYPELS, l'émi

(1) Art. 13.

(2) Annales parlementaires, séance du 4 déc. 1877.

nent professeur de droit criminel à l'Université de Liége, n'a d'intérêt à poursuivre l'étranger que parce que l'impunité serait une cause de scandale, si son co-auteur belge était puni ou poursuivi. Or cet intérêt disparaît complètement si le Belge coupable est mort, ou absent du territoire. Dans ce cas le gouvernement recourra probablement au droit d'expulser l'étranger dont la présence en Belgique pourrait compromettre la tranquillité publique; et cette mesure serait alors suffisante. »

Nous devons faire remarquer qu'un étranger ne pourrait pas être indistinctement poursuivi à raison de tous les faits qui rentrent dans la catégorie des crimes attentatoires à la sûreté de l'État : c'est ainsi que les actes d'hostilité commis en temps de guerre contre la Belgique et autorisés par le droit international, ne pourraient donner lieu à aucune poursuite ultérieure en Belgique.

Quelle est la position de l'étranger victime d'une infraction commise par un belge en dehors de notre territoire?

La matière est également réglée par la loi du 17 avril 1878 qui est venue remplacer les dispositions de la loi du 30 décembre 1836.

Pour que l'infraction puisse être poursuivie, il faut :

10 Que le fait imputé soit un des crimes ou délits prévus par la loi d'extradition, c'est-à-dire de ceux que le droit des gens ne permet pas de laisser impunis. Sont assimilés à ces infractions les délits prévus par les art. 426, § 1er, 427, 428, 429 et 430 du code pénal, tous relatifs au duel. Les individus visés par

ces dispositions sont ceux qui dans un duel auraient fait usage de leurs armes, soit qu'il y ait eu mort d'hommes, soit qu'il y ait eu blessures quelconques, soit que le combat n'ait eu aucun résultat. Les témoins d'un duel ne tombent pas sous l'application de cet article.

Le crime ou le délit doit être prévu par la loi d'extradition, dit l'art. 8. Il ne faut pas donner à cette rédaction un sens restrictif, et prétendre qu'il ne s'agit que de faits prévus par la loi actuelle d'extradition. Il est évident que la pensée des auteurs de la loi est de renvoyer à la législation sur l'extradition: de telle sorte, que si la loi actuelle était modifiée et si les cas d'extradition venaient à être restreints ou étendus, c'est à la législation de l'époque où l'infraction aurait été commise qu'il faudrait s'en rapporter: loi d'extradition, est synonyme ici de «législation sur l'extradition. "

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20 Que l'inculpé soit trouvé en Belgique : sinon la poursuite serait sans cause;

3o Que la partie lésée ou sa famille ait porté plainte ou qu'il y ait un avis officiel donné à l'autorité belge par les autorités du pays où l'infraction a été commise. La répression, en effet, s'exerçant dans l'intérêt principalement du pays étranger ou de ses habitants, c'est à eux à la provoquér.

Le caractère distinctif des poursuites prévues par l'art. 8, c'est que le ministère public n'est pas maître de les intenter d'office : il doit attendre une plainte de la personne offensée. Pourquoi avoir enchaîné l'action publique dans ces circonstances? Parce que, a-t-on dit, l'on ne saurait « exposer un citoyen belge

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