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Voilà qui est fait. Je veux te montrer que je me sais tuer quand je veux.

TIRCIS chante.

Ah! quelle douceur extême

De mourir pour ce qu'on aime!
MORON, à Tircis.

C'est un plaisir que vous aurez quand vous voudrez,
TIRCIS chante.

Courage, Moron ! meurs promptement ·
En généreux amant.

MORON, à Tircis.

Je vous prie de vous mêler de vos affaires, et de me laisser tuer à ma fantaisie. Allons, je vais faire honte à tous les amans (A Philis. ) Tiens, je ne suis pas homme à faire tant de façons. Vois ce poignard; prends bien garde comme je vais me percer le cœur... Je suis votre servitcur. Quelque niais...

PHILIS.

Allons, Tircis, viens-t-en me redire à l'écho ce que tu m'as chanté.

Tome III.

K

ACTE QUATRIÈME.

SCÈNE I.

LA PRINCESSE, EURYALE, MORON.

PRINCE,

LA PRINCESSE.

RINCE, comme jusqu'ici nous avons fait paroître une conformité de sentimens, et que le ciel a semblé mettre en nous mêmes attachemens pour notre liberté et même aversion pour l'amour, je suis bien aise de vous ouvrir mon cœur, et de vous faire confidence d'un changement dont vous serez surpris. J'ai toujours regardé l'hymen comme une chose affreuse; et j'avois fait serment d'abandonner plutôt la vie que de me résoudre jamais à perdre cette liberté pour qui j'avois des tendresses si grandes ; mais enfin un moment a dissipé toutes ces résolution. Le mérite d'un prince m'a frappé aujourd'hui les yeux ; et mon ame tout d'un coup, comme par un miracle, est devenue sensible aux traits de cette passion que j'avois toujours méprisée. J'ai trouvé d'abord des raisons pour autoriser ce changement, et je puisl'appuyer de ma volonté de répondre aux ardentes sollicitations d'un père et aux vœux de tout un Etat : mais, à vous dire vrai, je suis en peine du jugement que vous ferez de moi, et je voudrois savoir si vous con

LA PRINC. D'ÉLIDE. ACTE IV, SC. I. 111 damnerez ou non le dessein que j'ai de me donner un époux.

EURYALE.

Vous pourriez faire un tel choix, madame, que je l'approuverois sans doute.

LA PRINCESSE.

Qui croyez-vous, à votre avis, que je veuille choisir?

EURYALE.

Si j'étois dans votre cœur, je pourrois vous le dire; mais comme je n'y suis pas, je n'ai garde de vous répondre.

LA PRINCESSE.

Devinez, pour voir, et nommez quelqu'un.

EURYALE.

J'aurois trop peur de me tromper.

LA PRINCESSE.

Mais encore pour qui souhaiteriez-vous que je me déclarasse?

EURYALE.

Je sais bien, à vous dire vrai, pour qui je le souhiterois: mais, avant que de m'expliquer, je dois savoir votre pensée.

LA PRINCESSE.

Hé bien! prince, je veux bien vous la découvrir. Je suis sûre que vous allez approuver mon choix; et, pour ne vous point tenir en suspens davantage, le prince de Messène est celui de qui le mérite s'est attiré mes vœux.

O ciel !

EURYALE, à part.

LA PRINCESSE, bas, à Moron

Mon invention a réussi, Moron. Le voilà qui se trouble.

MORON, à la princesse.

Bon, madame. (Au prince.) Courage, seigneur. (A la princesse.) Il en tient. (Au prince) Ne vous défaites pas.

LA PRINCESSE, à Euryale.

Ne trouvez-vous pas que j'ai raison, et que ce prince a tout le mérite qu'on peut avoir ?

MORON, bas au prince.

Remettez-vous, et songez à répondre.

LA PRINCESSE.

D'où vient, prince, que vous ne dites mot, et semblez interdit?

EURYALE.

Je lesuis, à la vérité; et j'admire, madame, comme le ciel a pu former deux ames aussi semblables en tout que les nôtres, deux ames en qui l'on ait vu une plus grande conformité de sentimens, qui aient fait éclater dans le même temps une résolution à braver les traits de l'amour, et qui, dans le même moment, aient fait paroître une égale facilité à perdre le d'insensibles. Car enfin, madame, puisque votre exemple m'autorise, je ne feindrai point de vous dire que l'amour aujourd'hui s'est rendu maître de mon cœur, et qu'une des princesses vos cousines, l'aimable et belle

nom

Aglante, a renversé d'un coup-d'œil tout les projets de ma fierté. Je suis ravi, madame, que, par cette égalité de défaite, nous n'ayons rien à nous reprocher l'un et l'autre ; et je ne doute point que comme je vous loue infiniment de votre choix, vous n'approuviez aussi le mien. Il faut que ce miracle éclate aux yeux de tout le monde, et nous ne devons point différer à nous rendre tous deux contens. Pour moi, madame, je vous sollicite de vos suffrages pour obtenir celle que je souhaite, et vous trouverez bon qne j'aille de ce pas en faire la demande au prince votre père.

MORON, bas, à Euryale.

Ah! digne, ah! brave cœur !

SCENE II.

LA PRINCESSE, MORON.

LA PRINCESSE.

AH! Moron, je n'en puis plus; et ce coup, que je n'attendois pas, triomphe absolument de toute ma fermeté.

MORON.

Il est vrai que le coup est surprenant, et j'avois cru d'abord que votre stratagème avoit fait son effet.

LA PRINCESSE

Ah! ce m'est un dépit à me désespérer, qu'une autre ait l'avantage de soumettre ce cœur que je voulois soumettre.

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