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CE mariage doit être heureux; car il donne de la joie à tout le monde, et je fais rire tout ceux à qui j'en parle. Me voilà maintenant le plus content des hommes.

SCENE I V.

DORIMÈNE, SGANARELLE.

DORIMÈNE, dans le fond du théâtre, à un petit laquais qui la suit.

ALLONS, petit garçon, qu'on tienne bien ma queue, et qu'on ne s'amuse pas à badiner.

SGANARELLE, à part, apercevant Dorimène.

Voici ma maîtresse qui vient. Ah! quelle est agréable! Quel air et qu'elle taille ! Peut-il y avoir un homme qui n'ait, en la voyant, des démangeaisons de se marier? A Dorimène. ) Où allez-vous, belle mignonne, chère épouse future de votre époux fatur?

DORIMÈNE.

Je vais faire quelques emplettes.

SGANARELLE.

Hé bien ! ma belle, c'est maintenant que nous allons 'être heureux l'un et l'autre. Vous ne serez plus en droit de me rien refuser; et je pourrai faire avec vous tout ce

qu'il me plaira, sans que personne s'en scandalise. Vous allez être à moi depuis la tête jusqu'aux pieds: et je serai maître de tout, de vos petits yeux éveillés, de votre petit nez fripon, de vos lèvres appétissante, de vos oreilles amoureuses, de votre petit menton joli, de vos petits tétons rondelets, de votre.. Enfin toute votre personne sera à ma discrétion, et je serai à même pour vous caresser comme je voudrai. N'êtes-vous pas bien aise de ce mariage, mon aimable pouponne?

DORIMINE.

Tout à fait aise, je vous jure. Car enfin la sévérité de mon père m'a tenue jusques ici dans une sujétion la plus fâcheuse du monde. Il y a je ne sais combien que j'enrage du peu de liberté qu'il me donne, et j'ai cent fois souhaité qu'il ne mariat, pour sortir promptement de la contrainte où j'étois avec lui, et me voir en état de faire ce que je voudrai. Dieu merci, vous êtes venu heureusement pour cela; et je prépare désormais à me me donner du divertissement, et à réparer comme il faut le temps que j'ai perdu. Comme vous êtes un fort galant homme, et que vous savez comme il faut vivre, je crois que nous ferons le meilleur ménage du monde ensemble, et que vous ne serez point de ces maris incommodes qui veulent que leurs femmes vivent comme des loups-garoux. Je vous avoue que je ne m'accomoderois pas de cela, et que la solitude me désespère. J'aime le jeu, les visites, les assemblées, les cadeaux et les promenades, en un mot toutes choses de plaisirs ; et vous devez être ravi d'avoir une femme de mon humeur.

Nous n'aurons jamais aucun démêlé ensemble: et je ne vous contraindrai point dans vos actions, comme j'espère que, de votre côté, vous ne me contraindrez point dans les miennes; car, pour moi, je tiens qu'il faut avoir une complaisance mutuelle, et qu'on ne se doit point marier pour se faire enrager l'un l'autre. Enfin nous vivrons, etant mariés, comme deux qui savent leur monde : aucun soupçon jaloux troublera la cervelle; et c'est assez que vous serez assuré de ma fidélité, comme je serai persuadée de la vôtre. Mais qu'avez vous ? je vous vois tout changé de visage.

SGANARELLE.

personnes

ne nous

Ce sont quelques vapeurs qui me viennent de monter à la tête.

DORIMÈNE.

C'est un mal aujourd'hui qui attaque beaucoup de gens; mais notre mariage vous dissipera tout cela. Adieu : il me tarde déjà que je n'aie dcs habits raisonnables pour quitter vîte ces guenilles. Je m'en vais de ce pas achever d'acheter toutes les choses qu'il me faut, et je vous envoierai les marchands.

SCÈNE V.

GERONIMO, SGANARELLE.

GERONIMO.

Ah! seigneur Sganarelle, je suis ravi de vous trou→ ver encore ici ; et j'ai rencontré un orfèvre qui, sur le

bruit que vous cherchiez quelque beau diamant en bague pour faire un présent à votre épouse, m'a fort prié de vous venir parler pour lui, et de vous dire qu'il en a un à vendre, le plus parfait du monde.

SGANARELLE,

Mon dieu! cela n'est pas pressé.

GERONIMO.

Comment! que veut dire cela? Où est l'ardeur que vous montriez tout à l'heure?

SGANARELLE. ◄

Il m'est venu depuis un moment, de petits scrupules sur le mariage. Avant que de passer plus avant, je voudrois bien agiter à fond cette matière, et que l'on m'expliquât un songe que j'ai fait cette nuit, et qui vient tout à l'heure de me revenir dans l'esprit. Vous savez que les songes sont comme des miroirs où l'on découvre quelquefois tout ce qui nous doit arriver. Il me sembloit que j'étois dans un vaisseau, sur une mer bien agitée, et que.....

GERONIMO.

Seigneur Sganarelle, j'ai maintenant quelque petite affaire qui m'empêche de vous ouïr. Je n'entends rien du tout aux songes ; et, quant au raisonnement du mariage, vous avez deux savans, deux philosophes vos voisins, qui sont gens à vous débiter tout ce qu'on peut dire sur ce sujet. Comme ils sont de sectes différentes, vous pouvez examiner leurs diverses opinions la-dessus. Pour moi, je me contente de ce que je vous ai dit tantôt, et demeure votre serviteur.

Tome III.

N

SCANARELLE, seul.

Ila raison: il faut que je consulte un peu ces gens-là sur l'incertitude où je suis.

SCENE V I.

PANCRACE, SGANARELLE.

PANCRACE, se tournant du côté par où il est entré, et sans voir Sganarelle.

ALLEZ, vous êtes un impertinent, mon ami, un homme ignare de toute bonne discipline, bannissable de la république des lettres.

SGANARELLE.

Ah! bon. En voici un fort à propos.

PANCRACE, de même sans voir Sganarelle. Qui, je te soutiendrai par vives raisons, je te montrerai par Aristote, le philosophe des philosophes, que tu es un ignorant, un ignorantissime, ignorantifiant et ignorantifié, par tous les cas et modes imaginables.

SGANARELLE, à part

Il a pris querelle contre quelqu'un. (A Pancrace.) Seigneur...

PANCRACE, de même, sans voir Sganarelle.

Tu te veux mêler de raisonner, et tu ne sais pas seulement les élémens de la raison.

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