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SGANARELLE, à part.

La colère l'empêche de me voir. (A Pancrace.) Seigneur...

PANCRACE, de même, sans voir Sganarelle. C'est une proposition condamnable dans toutes les terres de la philosophie.

SGANARELLE, à part.

Il faut qu'on l'ait fort irrité. (A Pancrace.) Je...
PANCRACE, de même, sans voir Sganarelle.
Toto cœlo, totâ vid aberras.

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PANCRACE, se retournant vers l'endroit par où il .

est entré.

Sais-tu bien ce que tu as fait ? Un syllogisme in balordo.

Je vous...

SGANARELLE.

PANCRACE, de même.

La majeure en est inepte, la mineure impertinente, et la conclusion ridicule.

Je...

SCANARELLE.

PANCRACE, de même.

Je creverois plutôt que d'avouer ce que tu dis; et je soutiendrai mon opinion jusqu'à la dernière goutte de

mon encre.

SGANARELLE.

Puis-je...?

PANCRACE,

de même.

Oui, je défendrai cette proposition, pugnis et calcibus, unguibus et rostro.

SGANARELLE.

Seigneur Aristote, peut-on savoir ce qui vous met

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Un ignorant m'a voulu soutenir'une proposition erronée, une proposition épouvantable, effroyable, exécrable.

SGANARELLE.

Puis-je demander ce que c'est ?

PANCRACE.

Ah! seigneur Sganarelle, tout est renversé aujour'd'hui, et le monde est tombé dans une corruption générale : une licence épouvantable règne partout; et les magistrats qui sont établis pour maintenir l'ordre dans cet Etat devroient mourir de honte en souffrant

un scandale aussi intolérable que celui dont je veux parler.

SGANARELLE.

Quoi donc?

PANCRAGE.

N'est-ce pas une chose horrible, une chose qui crie vengeance au ciel, que d'endurer qu'on dise publiquement la forme d'un chapeau ?

Comment?

SGANARELLE.

PANCRACE.

Je soutiens qu'il faut dire la figure d'un chapeau, et non pas la forme : d'autant qu'il y a cette différence entre la forme et la figure, que la forme est la disposition exterieure des corps qui sont animés; et la figure, la disposition extérieure des corps qui sont inanimés : et puisque le chapeau est un corps inanimé, il faut dire la figure d'un chapeau, et non pas la forme. ( Se retournant encore du côté par où il est entré.) Oui, ignorant que vous êtes, c'est ainsi qu'il faut parler; et ce sont les termes exprès d'Aristote dans le chapitre de la qualité.

SGANARELLE, à part.

Je penseis que tout fût perdu.( A Pancrace.) Seigueur docteur, ne songez plus à tout cela. Je...

PANCRACE.

Je suis dans une colère, que je ne me sens pas.

SGANARELLE.

Laissez la forme et le chapeau en paix. J'ai quelque chose à vous communiquer. Je...

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Vous avez raison. (Se tournant du côté par où Pancrace est entré. ) Oui, vous êtes un sot et un impudent de vouloir disputer contre un docteur qui sait lire et écrire. Voilà qui est fait je vous prie de m'écouter. Je viens vous consulter sur une affaire qui m'embarrasse. J'ai dessein de prendre une femme pour

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me tenir compagnie dans mon ménage. La personne est belle et bien faite ; elle me plait beaucoup, et est ravie de m'épouser : son père me l'a accordée. Mais je crains un peu ce que vous savez, la disgrace dont on ne plaint personne; et je voudrois bien vous prier, comme philosophe, de me dire votre sentiment. Hé! quel est votre avis-là-dessus ?

PANCRACE.

Plutôt que d'accorder qu'il faille dire la forme d'un chapeau, j'accorderóis que datur vacuum in rerum natura, et que je ne suis qu'une bête.

SGANARELLE, à part.

La peste soit de l'homme. ( A Pancrace.) Hé! monsieur le docteur, écoutez un peu les

gens.

On vous

parle une heure durant, et vous ne répondez point à

ce qu'on vous dit.

PANCRACE.

Je vous demande pardon. Une juste colère m'occupe l'esprit.

SGANARELLE.

Hé ! laissez tout cela, et prenez la peine de m'é

couler.

PANCRACE.

Soit. Que voulez-vous me dire ?

SGANARELLE.

Je veux vous parler de quelque chose.

PANCRAGE.

Et de quelle langue voulez vous vous servir avec

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