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Représentée à Versailles le 14 octobre; et à Paris sur le théâtre du Palais-Royal, le 4 novembre 1663.

REMERCIMENT

V

AU ROI.

OTRE paresse enfin me scandalise,
Ma muse, obéissez-moi :

Il faut ce matin, sans remise

Aller au lever du roi:

Vous savez bien pourquoi;
Et ce vous est une honte

De n'avoir pas été plus prompte
A le remercier de ses fameux bienfaits.

Mais il vaut mieux tard que jamais.
Faites donc votre compte

D'aller au Louvre accomplir mes souhaits.
Gardez-vous bien d'être en muse bâtie;
Un air de muse est choquant dans ces lieux :
On y veut des objets à réjouir les yeux;
Vous en devez être avertie;

Et vous ferez votre cour beaucoup mieux Lorsqu'en marquis vous serez travestie. Vous savez ce qu'il faut pour paroître marquis; N'oubliez rien de l'air ni des habits; Arborez un chapeau chargé de trente plumes Sur une perruque de prix ;

Que le rabat soit des plus grands volumes, Et le pourpoint des plus petits: Mais surtout je vous recommande Le manteau d'un ruban sur le dos retroussé,

La galanterie en est grande;

Et parmi les marquis de la plus haute bande
C'est pour être placé.

Avec vos brillantes hardes

Et votre ajustement,

Faites tout le trajet de la salle des gardes :
Et, vous peignant galamment,
Portez de tous côtés vos regards brusquement;
Et ceux que vous pourrez connoître,
Ne manquez pas, d'un haut ton,
De les saluer par leur nom,

De quelque rang qu'ils puissent être.

Cette familiarité

Donne à quiconque en use un air de qualité.
Grattez du peigne à la porte

De la chambre du roi ;

Ou si, comme je prévoi,
La presse s'y trouve forte,
Montrez de loin votre chapeau,
Ou montez sur quelque chose
Pour faire voir votre museau;
Et criez, sans aucune pause,

D'un ton rien moins que naturel :

Monsieur l'huissier, pour le marquis un tel. Jetez-vous dans la foule, et tranchez du notable; Coudoyez un chacun, point du tout de quartier, Pressez, poussez, faites le diable Pour vous mettre le premier;

Et quand même l'huissier,

A vos désirs inexorable,

Vous trouveroit en face un marquis repoussable,
Ne démordez point pour cela,

Tenez toujours ferme là :

A déboucher la porte il iroit trop du vôtre;
Faites qu'aucun n'y puisse pénétrer,

Et qu'on soit obligé de vous laisser entrer
Pour faire entrer quelque autre.

Quand vous serez entré, ne vous relâchez pas;
Pour assiéger la chaise il faut d'autres combats:
Tâchez d'en être des plus proches,

En y gagnant le terrein pas à pas;
Et, si des assiégeans le prévenant amas
En bouche toutes les approches,
Prenez le parti doucement
D'attendre le prince au passage;
Il connoîtra votre visage
Malgré votre déguisement;
Et lors, sans tarder davantage,
Faites-lui votre compliment.

Vous pourriez aisément l'étendre,
Et parler des transports qu'en vous font éclater,
Les surprenans bienfaits que, sans les mériter,
Sa libérale main sur vous daigne répandre,
Et des nouveaux efforts où s'en va vous porter
L'excès de cet honneur où vous n'osiez prétendre:
Lui dire comme vos désirs.

Sont, après ses bontés, qui n'ont point de pareilles,
D'employer à sa gloire, ainsi qu'à ses plaisirs,

Tout votre art et toutes vos veilles,

Et là-dessus lui promettre merveilles,

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