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MADEMOISELLE DE BRIE.

« Le langage n'est rien: mais il censure tous nos at>>tachemens, quelque innocens qu'ils puissent être ; et, » de la façon qu'il en parle, c'est être criminelle que » d'avoir du mérite. »

MADEMOISELLE DU CROISY.

<< Cela est insupportable. Il n'y a pas une femme qui » puisse plus rien faire. Que ne laisse-t-il en repos nos >> maris, sans leur ouvrir les yeux, et leur faire pren» dre garde à des choses dont ils ne s'avisent pas? >>

MADEMOISELLE BEART.

« Passe pour tout cela; mais il satirise même les » femmes de bien, et ce méchant plaisant leur donne >> le titre d'honnêtes diablesses. >>

MADEMOISELLE MOLIÈRE.

« C'est un inpertinent. Il faut qu'il en ait tout le >> soûl. >>>

DU CROISY.

« La représentation de cette comédie, madame, >> aura besoin d'être appuyée; et les comédiens de >> l'hôtel... >>

MADEMOISELLE DU PARC.

<< Mon dieu ! qu'ils n'appréhendent rien ; je leur >> garantis le succès de leur pièce, corps pour corps. » MADEMOISELLE MOLIÈRE.

<< Vous avez raison, madame. Trop de gens sont >> intéressés à la trouver belle. Je vous laisse à penser >> si tout ceux qui se croient satirisés par Molière, ne

>> prendront point l'occasion de se venger de lui en >> applaudissant à cette comédie. »

BRÉCOURT, ironiquement.

« Sans doute; et pour moi je réponds de douze > marquis, de six précieuses, de vingt coquettes, et » de trente cocus, qui ne manqueront pas d'y battre » des mains. >>

MADEMOISELLE MOLIÈRE.

«En effet, pourquoi aller offenser toutes ces per>>sonnes-là, et particulièrement les cocus, qui sont >> les meilleures gens du monde? »

MOLIÈRE.

<< Par la sang-bleu ! on m'a dit qu'on va le dauber! » lui et toutes ses comédies, de la belle manière, et les comédiens et les auteurs, depuis le cèdre > jusqu'à l'hyssope, sont diablement animés contre » lui. >>

que

MADEMOISELLE MOLIÈRE.

« Cela lui sied fort bien. Pourquoi fait-il de mé> chantes pièces que tout Paris va voir, et où il peint » si bien les gens, que chacun s'y connoît. Que ne > fait-il des comédies, comme celle de monsieur Ly» sidas? Il n'auroit personne contre lui, et tous les >> auteurs en diroient du bien. Il est vrai que de sem> blables comédies n'ont pas ce grand concours de > monde : mais en revanche, elles sont toujours bien » écrites; personne n'écrit contre elles, et tous ceux >> qui les voient meurent d'envie de les trouver belles. »

DU CROISY.

« Il est vrai que j'ai l'avantage de ne me point faire » d'ennemis, et que tous mes ouvrages ont l'approba>>tion des savans. »

MADEMOISELLE MOLIÈRE.

« Vous faites bien d'être content de vous: cela vaut » mieux que tous les applaudissemens du public, et >> que tout l'argent qu'on sauroit gagner aux pièces de » Molière. Que vous importe qu'il vienne du monde à >> vos comédies, pourvu qu'elles soient approuvées par >> messieurs vos confrères ? >>

LA GRANGE.

<< Mais quand jouera-t-on le Portrait du peintre? »

DU CROISY.

« Je ne sais ; mais je me prépare fort à paroître des >> premiers sur les rangs, pour crier Voilà qui est

beau. >>

MOLIÈRE.

« Et moi de même, parbleu. »

LA GRANGE.

<< Et moi aussi, dieu me sauve ! »

MADEMOISELLE DU PARC.

« Pour moi, j'y paierai de ma personne comme il » faut; et je réponds d'une bravoure d'approbation » qui mettra en déroute tous les jugemens ennemis. » C'est bien la moindte chose que nous devions faire, » que d'épauler de nos louanges le vengeur de nos in» térêts. >>

MADEMOISELLE MOLIÈRE.

« C'est fort bien dit. >>

MADEMOISELLE DE BRIE.

« Et ce qu'il nous faut faire toutes. »

MADEMOISELLE BÉJART.

« Assurément. >>>

MADEMOISELLE DU CROISY.

<< Sans doute. >>

MADEMOISELLE HERVÉ.

« Point de quartier à ce contrefaiseur de gens. »

MOLIÈRE.

<< Ma foi, chevalier mon ami, il faudra que ton Mo«lière se cache. >>

BRÉCOURT.

« Qui ? lui ? Je te promets, marquis, qu'il fait des>> sein d'aller sur le théâtre rire, avec tous les autres, > du portrait qu'on a fait de lui. »

MOLIÈRE.

>> Parbleu! ce sera donc du bout des dents qu'il y >> rira. >>

BRÉCOURT.

« Va, va peut-être qu'il y trouvera plus de sujets de >> rire que tu ne penses. On ma montré la piè; et » comme tout ce qu'il y a d'agréable sont effectivement >> les idées qui ont été pris de Molière, la joie que cela » pourra donner n'aura pas lieu de lui déplaire, sans >> doute; car pour l'endroit où l'on s'efforce de le noircir, » je suis le plus trompé du monde, si cela est approuvé

>> de Et quant personne. à tous les gens qu'ils ont tâ>> ché d'animer contre lui, sur ce qu'il fait, dit-on, des >> portraits trop ressemblans, outre que cela est de fort >> mauvaise grâce, je ne vois rien de plus ridicule et de >> plus mal pris, et je n'avois pas cru jusqu'ici que ce » fût un sujet de blame pour un comédien, que de >> peindre trop bien les hommes. »

LA GRANGE.

<< Les comédiens m'ont dit qu'ils l'attendoient sur la >> réponse, et que..... »

BRÉCOURT.

« Sur la réponse, ma foi, je le trouverois un grand >> fou s'il se mettoit en peine de répondre à leurs invec>>tives. Tout le monde sait assez de quel motif elle » peuvent partir; et la meilleure réponse qu'il leur » puisse faire, c'est une comédie qui réussisse comme » toutes ses autres; voilà le vrai moyen de se venger >> d'eux comme il faut. Et de l'humeur dont je les con»nois, je suis fort assuré qu'une pièce nouvelle qui » leur enlèvera du monde les fàchera bien plus que. » toutes les satires qu'on pourroit faire de leurs per

» sonnes. >>

MOLIERE.

Mais, chevalier.... >>

MADEMOISELLE BÉJART.

Souffrez que j'interrompe pour un peu la répétition. (à Molière.) Voulez-vous que je vous die! Si j'avois été en votre place, j'aurois poussé les choses autrement. Tout le monde attend de vous une réponse vi

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