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S'il falloit que mon bras, dans une telle quête,

Ne pût pas triompher d'une chétive bête!

Du moins, si, pour prétendre à de sensibles coups,
Le commun de mon sexe est trop mal avec vous,
D'un étage plus haut accordez-moi la gloire,
Et me faites tous deux cette grâce de croire,
Seigneurs, que, quel que fût le sanglier d'aujourd'hui,
J'en ai mis bas, sans vous, de plus méchans que lui.
THÉOCLE.

Mais, madame...

LA PRINCESSE.

Hé bien! soit. Je vois que votre envie.

Est de persuader que je vous dois la vie ;

J'y consens. Oui, sans vous c'étoit fait de mes jours. Je rends de tout mon coeur grâce à ce grand secours Et je vais de ce pas au prince pour lui, dire

Les bontés que pour moi votre amour vous inspire.

SCÈNE

IV.

EURYALE, ARBATE, MORON.

MORON.

En! a-t-on jamais vu de plus farouche esprit ?
De ce vilain sanglier l'heureux trépas l'aigrit.
Oh! comme volontiers l'aurois d'un beau salaire
Récompensé tantôt qui m'en eût su défaire !

ARBATE, à Euryale.

Je vous avois tout pensif, seigneur, de ses dédains; Mais ils n'ont rien qui doivent empêcher ses desseins.

,

Son heure doit venir; et c'est à vous possible, Qu'est réservé 'honneur de la rendre sensible.

MORON.

Il faut qu'avant la course elle apprenne vos feux :
Et je...

EURYALE.

Non. Ce n'est plus, Moron, ce que je veux; Garde-toi de rien dire, et me laisse un peu faire : J'ai résolu de prendre un chemin tout contraire. Je vois trop que son cœur s'obstine à dédaigner, Tout ces profonds respects qui pense la gagner; Et le dieu quim'engage à soupirer pour elle M'inspire pour la vaincre une adresse nouvelle. Oui, c'est lui d'où me vient ce soudain mouvement; Et j'en attends de lui l'heureux événement.

ARBATE.

Peut-on savoir, seigneur, par où votre espérance...?

EURYALE.

Tu le vas voir. Allons, et garde le silence.

Jusqu'au revoir,

MORON.

FIN DU PREMIER ACTE.

SCÈNE I.

MORON.

Pour moi je reste ici, et j'ai une petite conversation à

OUR

faire avec ces arbres et ces rochers.

Bois, prés, fontaines, fleurs, qui voyez mon teint blême,
Si vous ne le savez, je vous apprends que j'aime.
Philis est l'objet charmant

Qui tient mon coeur à l'attache;

Et je deviens son amant,

La voyant traire une vache.

Ses doigts, tout pleins de lait, et plus blancs mille fois, Pressoient les bouts du pis d'une grâce admirable. Ouf! cette idée est capable

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MORON.

Hu.

L'ÉCHO.

Hu.

MORON.

Voilà un écho qui est bouffon.

SCENE III.

MORON, apercevant un ours qui vient à lui. AH! monsieur l'ours, je suis votre serviteur de tout mon coeur. De grâce, épargnez-moi; je vous assure que je ne vaux rien du tout à manger, je n'ai que la peau et les os,et je vois certaines gens là bas qui seroient bien mieux votre affaire. Hé, bé, hé monseigneur, tout doux, s'il vous plaît.

(Il caresse l'ours, et tremble de frayeur.) La, la, la, la. Ah! monseigneur, que votre altesse est jolie et bien faite ! Elle a tout à fait l'air galant et la taille la plus mignone du monde. Ah! beau poil! belle têté! beaux yeux brillans et bien fendus! Ah! beau petit nez! belle petite bouche ! petite quenottes jolies! Ah! belle gorge ! belles petite menottes ! petits ongles bien faits!

(L'ours se lève sur ses pattes de derrière.)

A laide! au secours ! je suis mort! miséricorde ! Pauvre Moron! Ah! mon dieu! Hé! vite! à moi! je suis perdu! (Moron monte sur un arbre.)

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