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SCENE I V.

MORON, CHASSEURS.

MORON, monté sur un arbre, aux chasseurs.
HE! messieur, ayez pitié de moi.

(Les chasseurs combattant l'ours.) Bon, messieurs ! tuez-moi ce vilain animal-là! Ó ciel, daigne les assister! Bon! le voilà qui fuit. Le voilà qui s'arrête, et qui se jette sur eux. Bon! en voilà un qui vient de lui donner un coup dans la gueule. Les voilà tous à l'entour de lui. Courage, ferme, allons mes amis ! Bon! poussez fort! Encore! Ah! le voilà qui est à terre; c'en est fait, il est mort. Descendons maintenant pour lui donner cent coups.

(Moron descend de l'arbre.) Serviteur, messieurs; je vous rends grâce de m'avoir délivré de cette bête. Maintenant que vous l'avez tuée, je m'en vais l'achever, et en triompher avec vous.

(Moron donne mille coups à l'ours qui est mort.)

ENTRÉE DE BALLET.

Les chasseurs dansent pour témoigner leur joie d'avoir remporté la victoire.

FIN DU PREMIER INTERMÈDE.

SCÈNE I.

LA PRINCESSE, AGLANTE, CYNTHIE, PHILS.

LA PRINCESSE.

Oui, j'aime à demeurer dans ces paisibles lieux ;

On n'y découvre rien qui n'enchante les yeux,
Et de tous nos palais de savante structure
Cède aux simples beautés qu'y forme la nature.
Ces arbres, ces rochers, cette eau, gazons frais;
Ont pour moi des appas à ne lasser jamais.

AGLANTE.

Je chéris comme vous ces retraites tranquilles
Où l'on se vient sauver de l'embarras des villes :
De mille objets charmans ces lieux sont embellis ;
Et ce qui doit surprendre est qu'aux portes d'Elis
La douce passion de fuir la multitude
Rencontre une si belle et vaste solitude.
Mais, à vous dire vrai, dans ces jours éclatans
Vos retraites ici me semblent hors de temps;
Et c'est fort mal traiter l'appareil magnifique
Que chaque prince a fait pour la fête publique.
Ce spectacle pompeux de la course des chars
Devoit bien mériter l'honneur de vos regards.

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LA PRINCESSE.

Quel droit ont-ils chacun d'y vouloir ma présence?
Et que dois-je, apres tout, à leur magnificence?
Ce sont soins que produit l'ardeur de m'acquérir,
Et mon cœur est le prix qu'ils veulent tous courir.
Mais, quelque espoir qui flatte un projet de la sorte,
Je me tromperois fort, si pas un d'eux l'emporte.

CYNTHIE.

Jusques à quand ce cœur veut-il s'effaroucher
Des innocens dessins qu'on a de le toucher
El regarder les soins que pour vous on se donne
Comme autant d'attentats contre votre personne?
Je sais qu'en défendant le parti de l'amour
On s'expose chez vous à faire mal sa cour:
Mais ce que par le sang j'ai l'honneur de vous être
S'oppose aux duretés que vous faites paroître;
Et je ne puis nourir d'un flatteur entretien
Vos résolutions de n'aimer jamais rien.
Est-il rien de plus beau que l'innocente flamme
Qu'un mérite éclatant allume dans une ame?
Et seroit-ce un bonheur de réspirer le jour,
Si d'entre les mortels on bannissoit l'amour?
Non, non, tous les plaisirs se goûtent à le servir;
Et vivre sans aimer n'est pas proprement vivre.

Le dessein de l'auteur étoit de traiter toute la comédie en vers; mais un commandement du roi, qui pressa cette affaire, l'obligea d'achever le reste en prose, et de passer légèrement sur plusieurs scènes, qu'il auroit étendues davantage s'il avoit eu plus de loisir.

AGLANTE.

Pour moi, je tiens que cette passion est la plus agréable affaire de la vie ; qu'il est nécessaire d'aimer pour vivre heureusement ; et que tous les plaisirs sont fades, s'il ne s'y mêle un peu d'amour.

LA PRINCESSE.

Pouvez-vous bien toutes deux, étant ce que vous êtes, prononcer ces paroles? et ne devez-vous pas rougir d'a l'appuyer une passion qui n'est qu'erreur, que foiblesse et qu'emportement, et dont tous les désordres ont tant de répugnance avec la gloire de notre sexe? J'en prétends soutenir l'honneur jusqu'au derniers moment de ma vie, et ne veux point du tout me commettre à ces gens qui font les esclaves auprès de nous pour devenir un jour nos tyrans. Toutes ces larmes, tous ces soupirs, tous ces hommages, tous ces respects, sont des embûches qu'on tend à notre cœur, et qui souvent l'engagent à commettre des lâchetés. Pour moi, quand je regarde certains exemples et les bassesses épouvantables où cette passion ravale les personnes sur qui elle étend sa puissance, je sens tout mon cœur qui s'émeut; et je ne puis souffrir qu'une ame qui fait profession d'un peu de fierté ne trouve pas une honte horrible à de telles foiblesses.

CYNTHIE.

Hé! madame, il est de certaine foiblesse qui ne sont point honteuse, et qu'il est beau même d'avoir dans les plus hauts degrés de gloire. J'espère que vous changerea

un jour de pensée; et, s'il plaît au ciel, nous verrons votre coeur, avant qu'il soit peu....

LA PRINCESSE.

Arrêtez, n'achevez pas ce souhait étrange: j'ai une horreur trop invincible pour ces sortes d'abaissemens : et, si jamais j'étois capable d'y descendre, je serois personne, sans doute, à ne me le point pardonner.

AGLANTE.

Prenez garde, madame : l'Amour sais se venger des mépris que l'on fait de lui, et peut-être....

LA PRINSESSE.

Non, non: jebrave tous ces traits; et le grand pouvoir qu'on lui donne n'est rien qu'une chimère et qu'une excusedes foibles coeurs, qui le font invincible pour autoriser leur foiblesse,

CYNTHIE.

Mais enfin toute la terre reconnoit sa puissance et vous voyez que les dieux mêmes sont assujettis à son empire. On nous fait voir que Jupiter n'a pas aimé pour une fois, et que Diane même, dont vous affectez tant l'exemple, n'a pas rougi de pousser des soupirs

d'amour.

LA PRINCESSE.

Les croyances publiques sont toujours mêlées d'erreur. Les dieux ne sont point fais comme se les fait le vulgaire et c'est leur manquer de respect que de leur attribuer les foiblesses des hommes.

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