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MORON, demande au satyre une chanson plus passionnée, et le prie de lui dire celle qu'il lui avoit oui chanter quelques jours auparavant.

LE SATYRE chante.

Dans vos chants si doux
Chantez à ma belle,
Oiseaux, chantez tous

Ma peine mortelle :
Mais si la cruelle

Se met en courroux

Au récit fidèle

Des maux que je sens pour elle,
Oiseaux, taisez-vous.

MORON.

Ah! qu'elle est belle ! Apprends-la moi.

LE SATYRE.

La, la, la, la.

MORON.

La, la, la, la.

LA SATYRE.

Fa, fa, fa, fa.

MORON.

Fat toi-même.

ENTRÉE DE BALLET.

Le satyre en colère menace Moron, et plusieurs șatyres dansent une entrée plaisante.

BIN DU SECOND INTERMEDE.

SCENE I.

LA PRINCESSE, AGLANTE, CYNTHIE, PHILIS.

CYNTHIE.

Il est vrai, madame, que ce jeune prince a fait voir

une adresse non commune, et que l'air dont il a paru a été quelque chose de surprenant. Il sort vainquer de cette course : mais je doute fort qu'il en sorte avec le même cœur qu'il y a porté ; car enfin vous lui avez tiré des traits dont il est difficile de se défendre; et, sans parler de tout le resté, la grâce de votre danse et la douceur de votre voix ont eu des charmes aujourd'hui à toucher les plus insensibles

LA PRINCESSE.

Le voici qui s'entretient avec Moron; nous saurons un peu de quoi il lui parle. Ne rompons point encore leur entretien, el prenons cette route pour revenir à leur

rencontre.

SCÈNE II.

EURYALE, ARBATE, MORON,

EURYALE.

AH! Moron, je te l'avoue! j'ai été enchanté, et jamais tant de charmes n'ont frappé tout ensemble mes yeux et mes oreilles. Elle est adorable en tout temps, il est vrai; mais ce moment l'a emporté sur tous les autres, et des grâces nouvelles ont redoublé l'éclat de ses beautés. Jamais son visage ne s'est paré de plus vives couleurs, ni ses yeux ne se sont armés de traits plus vifs et plus perçans. La douceur de sa voix a voulu se faire paroître dans un air tout charmant qu'elle a daigné chanter; et les sous merveilleux qu'elle formoit passoient jusqu'au fond de mon ame, et tenoient tous mes sens dans un ravissement à ne pouvoir en revenir. Elle a fait éclater ensuite une disposition toute divine; et ses pieds amoureux sur l'émail d'un tendre gazon traçoient d'aimables caractères qui m'enlevoient hors de moi-même, et m'attachoient par des noeuds invincibles aux doux et justes mouvemens dont tout son corps suivoit les mouvemens de l'harmonie. Enfin jamais ame n'a eu de plus puissantes émotions que la mienne; et j'ai pensé plus de vingt fois oublier ma résolution pour me jetter à ses pieds, et lai faire un aveu sincère de l'ardeur que je sens pour elle.

MORON.

Donnez-vous en bien de garde, siegneur, si vous

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m'en voulez croire. Vous avez trouvé la meilleure invention du monde; et je me trompe fort si elle ne vous réussit. Les femmes sont des animaux d'un naturel bizarre; nous les gâtons par nos douceurs; et je crois tout de bon que nous les verrions nous courir; sans tous ces respects et ces soumissions où les hommes les acoquinent.

ARBATE.

Seigneur, voici la princesse qui s'est un peu éloignée de sa suite.

MORON.

Demeurez ferme, au moins dans le chemin que vous avez pris; je m'en vais voir ce qu'elle me dira. Cependant, promenez-vous ici dans ces petites routes sans faire aucun semblant d'avoir envie de la joindre; et, vous l'abordez, demeurez avec elle le moins qu'il vous séra possible.

Tu as

SCÈNE III.

LA PRINCESSE, MORON.

LA PRINCESSE.

donc familiarité, Moron, avec le prince d'Ithaque ?

MORON.

Ah ! madame, il y a long-temps que nous nous connoissons.

Tome III.

LA PRINCESSE.

D'où vient qu'il n'est pas venu jusqu'ici, et qu'il a pris cette autre route quand il m'a vue?

MORON.

C'est un homme bizarre, qui ne se plaît qu'à entretenir ses pensées.

LA PRINCESSE.

Etois-tu tantôt au compliment qu'il m'a fait ?

MORON.

Oui, madame, j'y étois ; et je l'ai trouvé un peu impertinent, n'en déplaise à sa principauté

LA PRINCESSE.

Pour moi, je le confesse, Moron, cette fuitem'a choquée; et j'ai toutes les envies du monde de l'engager, pour rabattre un peu son orgueil.

MORON.

Ma foi, madame, vous ne feriez pas mal ; il le méri teroit bien mais, à vous dire vrai, je doute fort que que vous y puissiez réussir.

Comment!

LA PRINCESSE.

MORON.

Comment! c'est le plus orgueilleux petit vilain que vous ayez jamais vu. Il lui semble qu'il n'y a personne au monde qui la mérite, et que la terre n'est pas digne de le porter.

LA PRINCESSE.

Mais, encore, ne t'a-t-il point parlé de moi?

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