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législatif. Les marbres des Tuileries ont péri et on ne les connaît que par des moulages conservés au Musée de Versailles Kléber, Caffarelli, Masséna sont des œuvres honorables, un peu lourdes et froides. Cependant un exemplaire du bronze de Masséna (vu à l'Exposition rétrospective de la Guerre, en 1900) est très supérieur au marbre. Les bustes en marbre d'Augereau (Musée de Versailles, signé : l'an x1), de Pichegru surtout (également à Versailles), sont des portraits vivants et puissants qui rappellent la manière de l'auteur du Perronet, avec plus de largeur même. dans le modelé. Une épreuve en plâtre du Pichegru conservée au musée d'Yverdon (en Suisse) est particulièrement remarquable. Si la statue couchée du Maréchal Vauban exécutée pour le tombeau élevé aux Invalides à l'illustre ingénieur militaire (1806) paraît médiocre quand l'on songe à ce qu'eût été pareil monument taillé par un artiste du xviie siècle, un Coysevox, un Desjardins, un Coustou, l'on trouve du mérite aux statues du général Caffarelli enveloppé dans son grand manteau de guerre (à Versailles, Salon posthume de 1808) - l'artiste étant mort le 14 décembre 1807, et surtout à celle de Le Brun, duc de Plaisance, dans son riche uniforme d'archi-trésorier de l'Empire (1) (également à Versailles, exposition posthume de 1810). Cependant la comparaison avec les statues voisines et contemporaines de Tronchet et de Cambacérès par Roland permet de sentir l'infériorité du talent de François Masson; ses personnages paraissent gauches et guindés à côté de ceux de Roland qui charment par leurs qualités de naturel et de vie. François Masson néanmoins a le droit d'être rangé parmi ces artistes comme Roland, Corbet ou Chinard qui,à travers la Révolution et l'Empire, malgré l'esthétique desséchante et l'« antiquomanie » néfaste surent conserver les qualités d'élégance et de réalisme qu'ils avaient reçues de leurs maîtres du XVIIIe siècle et gardèrent ainsi intactes les belles traditions de la sculpture française.

G. BRIÈRE.

1. Le marbre fut terminé par Roland.

TROIS PORTRAITS DE PERRONET.

M. Gaston Brière, conservateur du Musée du Louvre, dont on vient de lire la si remarquable étude sur le buste de Perronet par Masson, et à l'amabilité duquel nous devons d'en pouvoir donner ici la reproduction, nous avait signalé l'existence au musée du Louvre d'un pastel représentant Perronet et au musée de Besançon d'un autre portrait à l'huile de l'illustre ingénieur, par Frédon. Grâce au bienveillant concours de M. Gaston Brière d'une part, et de M. Chudant, Conservateur du musée de Besançon, de l'autre, nous avons pu faire reproduire ces deux portraits. Nous y avons joint celui de Van Loo, qui est à l'école des Ponts et Chaussées, non pas que nous ayons la prétention de donner ici une iconographie complète du constructeur de notre pont de Neuilly, mais afin de permettre à ceux que cette grande figure intéresse de suivre sur ses traits la marche inexorable des années aux diverses étapes de sa glorieuse carrière.

Voici d'abord le pastel du musée du Louvre. On ne connaît pas le nom de l'artiste ; on sait seulement, par une inscription fixée sur le cadre, que Perronet le légua par testament à M. de Prony, son élève préféré et son successeur à la direction de l'Ecole des Ponts et Chaussées, en même temps que son étui de mathématiques (dont les pièces sont en or et que possède encore actuellement l'Ecole des Ponts et Chaussées).

Dans ce portrait Perronet avait quarante ans ; il venait d'obtenir le titre de premier ingénieur des Ponts et Chaussées de France; il venait de fonder l'école, sa réputation était déjà immense. Le chatoiement de son habit de soie, la blancheur de sa perruque poudrée, le velouté du pastel adoucissent ce qu'il y a d'un peu rigide dans ses grands traits très jeunes encore. Son nez, qu'il avait long, paraît plus long que dans ses autres portraits; les lèvres sont minces et la ligne droite de la bouche se termine par deux petits plis de volonté à chaque coin. Le menton, court et rond, les joues pleines pas encore affaissées comme elles le seront plus tard, émergent des blancheurs d'un col de mousseline. L'arcade sourcillière décrit une fine courbe ; l'ovale du visage est assez régulier; c'est l'homme dans toute la force gracieuse de la maturité.

Le second portrait par ordre de date est celui de l'Ecole des Ponts et Chaussées. L'auteur est Louis Michel Van Loo, fils et élève de Jean-Baptiste, le grand Van Loo. Cet artiste, membre de l'Académie des Beaux-Arts, premier peintre du roi d'Espagne Philippe V, a fait de nombreux portraits de ses contemporains,

notamment celui de Louis XV, qui est à Versailles, et celui de son oncle Carl Van Loo, qui fut exposé en 1765. Il avait au plus haut point le don de la ressemblance. On peut donc se faire une idée très exacte de la physionomie de Perronet d'après l'œuvre de Van Loo. Elle date de 1764. Perronet avait cinquante-six ans. Il les porte à peine bien que l'ovale du visage se soit lègérement empâté déjà, qu'un double menton commence à s'étager et que les plis de la bouche soient plus accentués que dans le pastel. En revanche, un léger froncement des sourcils revèle les préoccupations du grand constructeur de ponts qui va bientôt entreprendre la construction du pont de Neuilly et de tant d'autres en France.

Dix ans après, c'est le portrait du musée de Besançon, œuvre d'un peintre nommé Frédon, élève de Greuze. Combien dix années, à l'âge qu'avait alors Perronet - soixante-six ans, ont imprimé profondément leur empreinte sur son visage ! Il suffit, pour s'en rendre compte, de constater que les rides aux deux ailes du nez, à peine perceptibles dans les autres portraits, donnent maintenant au masque un air de bonhomie grimaçante, que les lévres épaissies rendent la ligne de la bouche moins sévère et plus molle, que les arcades sourcillières se sont creusées et qu'au coin des paupières s'étale la patte d'oie caractéristique des vieux visages, tandis que ce ne sont plus des joues, mais des bajoues dans lesquelles se noie la rondeur imprécise du menton. Nous sommes, cette fois, en présence d'un homme déjà vieux, pour ne pas dire d'un vieil homme. Le portrait en question fait partie de la collection que le peintre Jean Gigoux a léguée en mourant à Besançon, sa ville natale.

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Le vrai vieillard nous apparaît, par exemple, dans le dernier portrait de Perronet exécuté par Cochin et gravé par St Aubin, qui figure en tête de ses œuvres, alors que le directeur de l'Ecole des Ponts et Chaussées était entré dans sa soixante-quinzième année. Là vraiment, les rides très profondes au coin des yeux, du nez, de la bouche, le creusement des tempes, l'affaissement définitif des chairs vers le bas du visage dénoncent les approches de la sénilité, bien que le maintien ferme et droit du personnage le révèlent encore plein de vigueur et d'énergie pour se défendre contre les infirmités de l'âge.

Le portrait de Cochin ayant été donné en 1905 dans la troisième année du Bulletin de notre Commission historique, nous ne le reproduisons pas à nouveau ici.

Maintenant il me reste à signaler une remarque que j'ai faite en étudiant les divers portraits de Perronet, à quarante, à cinquante, à soixante et à soixante-quatorze ans même ; c'est qu'il y a dans

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PORTRAIT INÉDIT DE JEAN-RODOLPHE PERRONET A L'AGE DE 40 ANS (Pastel anonyme) Musée du Louvre

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