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jamais vus, il prononcera des noms qui n'avaient jamais frappé ses oreilles: placé au milieu d'un territoire auquel il est étranger, et d'une population qui lui est inconnue, il connaîtra les besoins de chacune des communes; il choisira, avec un discernement exquis, les hommes les plus éclairés, les plus intègres du pays, pour prononcer sur le sort de leurs concitoyens, ou pour remplir des fonctions publiques.

Lorsque, dans l'avenir, on lira l'histoire de la nation française, on sera tenté de croire qu'une nation qui fut ainsi régie, si elle ne fut pas une nation de fous, fut une nation de demi-dieux.

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DEUXIÈME PARTIE.

OUVRAGES

SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES.

MONUMENS HISTORIQUES

Concernant les deux pragmatiques sanctions de France, avec des notes; suivis d'un catéchisme sur les concordats;

Par M. LLORENTE, auteur de l'Histoire critique de l'Inquisition d'Espagne (1).

LA religion est un sentiment de notre nature. L'homme est enclin à la religion comme il l'est à la pitié, comme il l'est à l'amour; et il lui suffit, pour éprouver ce sentiment comme pour les éprouver tous, de se trouver en présence d'objets propres à le faire naître. Il est vrai que le sentiment religieux a ceci de particulier, qu'il ne se réveille pas toujours en nous à la vue des mêmes objets comme nos autres

(1) Volume in-8°. de 200 pages. A Paris, chez Delaunay, libraire, au Palais-Royal.

sentimens. L'homme a toujours été ému de compassion à la vue d'un être souffrant ; l'aspect de ses enfans a toujours réveillé en lui la tendresse paternelle; les objets de sa croyance et de son culte, au contraire, ont perpétuellement changé. Tel phénomène qui excite un effroi superstitieux dans son âme, tant qu'il n'en pénètre pas la cause, ne lui paraît plus qu'un fait simple et naturel dès qu'il est parvenu à l'expliquer. A mesure que l'homme s'éclaire, le nombre des faits capables d'exciter son penchant à la religion diminue; mais il en reste toujours assez pour solliciter en lui ce sentiment; et, quand il parviendrait à comprendre et à embrasser dans sa pensée tous les phénomènes du monde moral et sensible, l'ensemble merveilleux de tous ces phénomènes en serait un dont la cause se déroberait éternellement à son intelligence, et qui, plus que tout autre, exciterait en lui le sentiment religieux.

L'effet du sentiment religieux est de nous faire attribuer à une puissance invisible les faits naturels qui nous frappent et que nous ne pou vons comprendre, les biens et les maux qui nous arrivent, et dont la source nous reste inconnue. Il ne nous dit pas quelle est cette puissance; il nous fait seulement supposer qu'elle

existe, et c'est de cette supposition que naissent ensuite toutes les croyances et tous les cultes. En même temps que l'homme suppose des dieux, il leur suppose une certaine manière d'être; il leur prête des sentimens et des volontés; il en déduit le culte qu'il doit leur rendre, et c'est ainsi que d'un sentiment vague et indéfini, il fait sortir les religions réelles et positives. La forme de ces religions se proportionne toujours à l'état de ses lumières. A mesure qu'il s'instruit et se civilise, ses croyances se simplifient et s'épurent ainsi que ses pratiques. Il commence par voir des dieux dans tous les objets de la nature; il finit par placer Dieu hors de tous les objets de la nature. Il commence par honorer ses dieux en les barbouillant de sang et de boue; il finit par n'adorer Dieu qu'en esprit et en vérité. Il s'élève, par degrés, du fétichisme le plus grossier jusqu'au plus pur spiritualisme.

Tel est le mouvement de l'esprit humain relativement à la religion. Il tend sans cesse à en modifier les formes, et il n'est pas d'objets. sur lesquels il sente plus impérieusement le besoin d'être libre. Il n'en est pas non plus sur lesquels il puisse réclamer la liberté avec plus de fondement. Le salut de chaque homme est

une affaire qui le regarde personnellement et qui ne regarde que lui. S'il se trompe sur les moyens de l'opérer, son erreur ne peut nuire qu'à lui seul. Quel homme, d'ailleurs, peut affirmer avec certitude qu'un autre s'égare dans ses persuasions religieuses? Les plus pures croyances, comme les plus grossières, n'ont d'autre fondement que la foi ; c'est dans les régions de l'inconnu que sont édifiés tous les systèmes religieux, et les sectes les plus éclairées n'ont que des conjectures à opposer à ce qu'elles appellent les erreurs des autres sectes.

Les croyances religieuses sont donc de toutes les choses du monde, celle qui devait être la plus libre. Cependant, il n'est rien qu'on ait voulu imposer plus impérieusement et plus violemment aux hommes, que les croyances religieuses. On a employé le fer et le feu, les supplices les plus cruels, et les tortures les plus épouvantables, pour les obliger à recevoir, ou pour les empêcher d'abandonner des idées à l'appui desquelles les plus fermes croyans n'avaient à citer que leur propre conviction. D'où est venu ce zèle absurde et barbare? De deux causes; du fanatisme des croyans, et de l'ambition des fourbes qui se sont avisés de spéculer sur les croyances. Toute religion crue

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