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DU PROJET DE LOI

Sur les journaux et écrits périodiques.

Il y a peu d'observations à faire sur ce projet. Les précautions prises pour faciliter les moyens de répression en cas d'abus, sont, en général, peu contraires à une entière liberté. Il n'en est qu'une qui semble avoir été faite, moins pour donner des garanties à la société ou aux personnes qui pourraient être lésées, que pour empêcher qu'on puisse facilement élever des journaux; c'est celle qui soumet les proprié taires ou éditeurs à fournir un cautionnement de dix mille francs de rentes pour un journal de tous les jours, et de cinq mille francs de rente pour tout autre écrit périodique, qui pa-, raîtrait moins souvent, mais plus d'une fois par mois.

L'article 8 de la Charte déclare, d'une manière générale, que les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté. Si l'on voulait mettre cet article en harmonie avec le projet de loi sur

les journaux, on devrait dire : Tout Français jouissant de dix mille francs de rentes, quittes de toute hypothèque, aura le droit de publier ses opinions une fois tous les jours; tout Français jouissant seulement de cinq mille francs de rentes, quittes de toute hypothèque, ne pourra publier les siennes qu'une fois par semaine ; il est interdit à tout Français qui ne se trouve dans l'un des deux cas précédens, de publier les siennes plus d'une fois par mois, sous peine d'être condamné à un emprisonnement de six mois à un an, et à une amende de mille francs à trois mille francs.

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Il faudrait même, dans cette supposition, modifier le titre sous lequel l'article 8 de la Charte se trouve placé, du faire un titre spécial pour les droits publics des Français qui jouissent de dix mille francs de rentes. Après avoir sou mis à un cautionnement les personnes qui veulent mettre en usage le droit de publier leurs opinions, on pourrait imposer les mêmes con ditions à ceux qui veulent jouir de la liberté individuelle, et dire, par exemple, qu'il n'y aura de sûreté que pour ceux qui posséderont mille écus de rente. Ce système pourrait ensuite être étendu à ceux qui veulent faire usage de leurs membres, on exercer quelque indus→

trie, car il est possible de nuire même sans être journaliste. On aurait ainsi un moyen faillible de faire monter les rentes.

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Mais ne soyons pas trop exigeans : si nous voulons que la liberté s'établisse, consentons de bonne grâce aux conditions qui peuvent rassurer les gens timides; prenons garde seule ment que ces conditions ne deviennent pas des moyens d'oppression, et qu'elles ne réduisent pas la liberté en monopole. Les journaux sont des armes terribles, cela est incontestable ; les rédacteurs peuvent s'en servir pour faire beaucoup de mal; qu'ils soient donc tenus de présenter des garanties. Mais quelles bases prendra-t-on pour évaluer les garanties qu'ils doivent donner? On prendra pour bases les amendes ét les dommages auxquels ils peuvent être condamnés.ste a brot boh silki.

...Le maximum des amendes qui peuvent être prononcées suivant le projet de loi est de dix mille francs; mais, comme ces amendes pourront être doublées à l'égard des journaux, il faut les porter à vingt mille. Admettons qu'une somme égale puisse être nécessaire pour les dommages-intérêts, cela ne fera encore que quarante mille francs; et, si nous ajoutons à cette somme dix mille francs pour les dépens,

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ce qui est certainement exagéré, nous aurons un capital de cinquante mille francs, ce qui est bien loin de dix mille francs de rente...

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Ce n'est pas tout les personnes lésées n'auront pas seulement pour garantie le cautiounement fourni ; ils auront en outre les biens des deux propriétaires, ou éditeurs responsables, et, ce qui est plus sur encore, la propriété du journal. Suivant le projet de loi, le cautionnement devra toujours être complet, pour que le journal puisse paraître; les parties lésées pourront le saisir à mesure que les propriétaires le completteront; il faudra donc que ceux-ci satisfassent à toutes les condamnations ou que le journal soit supprimé. Ainsi, quand même le cautionnement fourni ne serait que que de quarante mille francs, le gouvernement et le blic auraient pour garantie quatre fois plus de valeurs qu'il n'en faudrait pour satisfaire aux condamnations.

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Ces cautionnemens, au reste, ne sont pas aussi nécessaires qu'on se l'imagine; c'est un sacrifice que nous devons à la peur, mais ce sacrifice ne sera pas moins infructueux que ceux que les Romains offraient à tous leurs autres! dieux. Depuis assez long-temps, il se publie des écrits qui ne sont soumis à aucune condition,

et qui à l'avenir devront fournir un cautionnement : la Minerve, la Bibliothéque historique, les Lettres normandes, le Conservateur, et beaucoup d'autres ont paru sans que personne en ait beaucoup souffert. Plusieurs écrivains, qui n'avaient donné aucune garantie pécuniairé, ont été condamnés, et certes on ne dira pas qu'ils aient été traités avec trop d'indulgence; cependant combien en citerait-on qui n'aient pas satisfait aux condamnations qui ont été prononcées contre eux?

Il s'est glissé dans le projet de loi une erreur et une omission, que les ministres ont, dit-on déjà recomites l'article qui impose l'obligation d'un cautionnement ne renferme aucune exception, tandis que tous les journaux des départemens doivent être exceptés. L'article 7 interdit aux journalistes de rendre compte des séances secrètes des chambres sans leur autorisation; tandis qu'au contraire ce n'est qu'en cas de défense que l'interdiction aura lieu. Ainsi, ce qui, dans le projet, est la règle, ne sera plus que l'exception.

Depuis le décret impérial du 5 février 1810, l'art typographique ne s'exerce plus en France que par privilége; un homme ne peut embrasser la profession d'imprimeur, s'il ne plaît au

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