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gouvernement de le lui permettre; de sorte qu'il pourrait arriver avec le temps que tous les imprimeurs de France ne fussent que des agens ou des commis de l'autorité, et que la fabrication des livres éprouvât le même sort que la fabrication des poudres et des tabacs. Un ha'bile régisseur prouverait très-bien que nous n'avons pas d'autre moyen d'être bien approvisionnés; que ce système n'est pas plus contraire à la liberté de la presse, que le monopole des salpêtres, des poudres et des tabacs n'est contraire à la liberté de l'industrie ou au respect dû aux propriétés.

Nous n'en sommes pas encore arrivés à ce point; mais, si nous ne voulons pas y arriver, il faut repousser toutes les dispositions qui pourraient nous y conduire. Il est donc nécessaire, d'abord d'effacer de l'article 1er du projet, les mots dûment autorisée, qu'on applique à toute imprimerie dans laquelle un jonrnal doit être imprimé, et ensuite d'abroger les dispositions de la loi du 21 octobre 1814 qui font un monopole de l'imprimerie. La Charte, en déclarant les Français égaux devant la loi, a proscrit tous les priviléges ne rendons pas cette proscription purement nominale par de continuelles exceptions.

C'est surtout dans l'intérêt des départemens qu'il importe de rendre libre la profession d'imprimeur. En général, il n'y a aujourd'hui dans chaque département que deux imprimeurs, celui du préfet et celui de l'évêque ; ce n'est ni chez l'un ni chez l'autre que peut se réfugier la liberté. !

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DU PROJET DE LOI

Sur le monopole du tabac.

Il y a, dans la manière dont on fait en IL уа,. France la plupart des lois, quelque chose de bizarre qui heurte le bon sens, et dont on ne peut se rendre compte qu'avec difficulté. On voit, dans ce pays des lumières, des assemblées délibérantes qui ne délibèrent pas, qui votent sur ce qu'elles ne connaissent pas', et qui acceptent ou rejettent des dispositions qu'elles n'ont jamais lues ni entendues.

En 1816, une assemblée législative, dans 'une immense loi sur les contributions publiques et sur les dépenses du gouvernement, établit, dans un titre spécial, le monopole des tabacs. Cette assemblée est dissoute; il s'en forme une autre composée d'élémens tout-àfait différens; et, trois années plus tard, en 1819, un ministre vient proposer à celle-ci un projet de loi conçu en ces termes :

« Le titre 5 de la loi du 28 ayril 1816, qui >> attribue exclusivement à la régie des contri>>butions indirectes, jusqu'au 1er. janvier 1821,

» l'achat, la fabrication et la vente des tabacs, » dans toute l'étendue du royaume, continuera >> d'avoir son effet jusqu'au 1er janvier 1826. »

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Que fera, sur cette proposition, l'assemblée à laquelle elle est soumise? Elle ne sait pas ce que c'est que ce titre 5 de la loi du 28 avril 1816, car il ne lui 'a jamais été présenté, jamais il n'a été discuté dans son sein. L'adoptera-t-elle sans examen, sans discussion? Elle agira sans savoir ce qu'elle fait. Voudra-t-elle qu'il soit éxaminé et discuté article par article? Mais alors elle délibérera, non sur le projet en six lignes que lui a apporté le ministre des finances, mais sur un projet de loi qui ne lui est pas présenté. Le projet ministériel devra donc être mis de côté, et c'est le titre 5 de la loi du 28 avril 1816 qui sera le véritable projet.

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N'est-ce pas en effet ce titre auquel il s'agit de donner force de loi à compter de 1821 jusqu'au rer. janvier 1826? Si c'est ce titre qu'il s'agit d'adopter, c'est celui-là seul qu'il s'agit de discuter; mais il est impossible de le discuter s'il n'est pas soumis à la discussion, et si les chambres ne votent pas sur les dispositions qu'il renferme article par article. Les six lignes du ministre ne forment évidemment que l'intitulé du projet qu'il s'agit de convertir en loi;

or, on n'a jamais vu une assemblée composée d'hommes de bon sens adopter un projet sur le vu de l'intitulé.

Le projet présenté par le ministère devrait donc être rejeté par la seule raison qu'il ne soumet à la discussion des chambres aucune disposition législative, et qu'il n'y a pas moyen de délibérer là où la discussion est interdite. Si, pour sanctionner le monopole, les chambres pouvaient n'examiner et n'adopter que l'intitulé des dispositions dont l'objet est de le conserver, il n'y aurait pas de raison pour qu'elles n'adoptassent pas de la même manière tous les projets qui lui seraient ainsi soumis.

On peut dire, il est vrai, que le titre 5 de la loi du 28 avril a été discuté par la chambre des députés de 1815; mais quelles sont les lumières qu'a tirées de cette discussion la chambre des députés de 1819; comment d'ailleurs la dis cussion qui aurait lieu dans une législature pourrait-elle dispenser la législature suivante d'examiner les projets qui lui seraient soumis? S'il en était ainsi, les impôts pour raient être votés à perpétuité par une assem blée; les assemblées suivantes n'auraient qu'à adopter le titre d'un budjet. Le ministre des finances pourrait se borner, par exemple, à Cens. Europ. TOM. XII. 16

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