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qu'une carte d'entrée, qu'un artifice ou une faiblesse de la politique, une tolérance en un mot, jusqu'au temps favorable où devaient s'accomplir d'audacieuses prophéties.

Ce n'était pas feulement dans des sociétés secrètes que la faction manifestait ses projets ét ses espérances : des actes multipliés et publics ne permettaient à personne de les ignorer. Ces actés, qui se multipliaient tous les jours, et qui devaient être couronnés, disait-on, par une nouvelle Saint-Barthélemi, furent les causes de l'accueil que reçut Bonaparte à son retour de l'île d'Elbe, et par conséquent de la défection qu'éprouva le gouvernement royal. A la seconde restauration ce parti ne garda plus de mesure.

«Il parut ouvertement, dit M. Lanjuinais,

comme une faction anarchique et furieuse; il s'annonça, dans le midi et dans l'ouest, par des attroupemens armés, par des pillages, des démolitions, des massacres; s'emparant des élections avec violence, maîtrisant ensuite les deux chambres; dominant dans les administrations, dans les tribunaux ; menaçant, épurant, exilant, proscrivant, persécutant de toutes manières l'immense majorité des Français; s'arrêtant parfois, reculant par nécessité dans sa trop vive allure, et toujours reprenant sa marche

rétrograde; conspirant saus cesse au dedans et au dehors, contre la patrie et sa nouvelle loi fondamentale..>>

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On s'est plu à croire généralement que ce n'a été qu'au moment où les armées étrangères ont dû quitter la France, que la faction des monarchiques a fait des efforts pour les retenir, Les notes secrètes adressées aux puissances coalisées pour les engager à tenir la nation française dans l'asservissement, ont paru une si grande infamie qu'on n'a pas soupçonné qu'elles eussent commencé au moment même de l'in vasion. M. Lanjuinais vient nous détromper à cet égard « J'ai vu, en 1815, dit-il, dans les mains d'un chef principal des armées étrangères, un recueil de lettres, ou, si l'on veut, de notes secrètes, à lui adressées par des nobles de Paris pour solliciter la permanence d'une garnison étrangère de cent cinquante mille hommes. Il ne les montrait qu'en gémissant de la bassesse de leurs auteurs. >>

Ainsi, dès 1815, la faction des hommes monarchiques travaillait à établir sa domination en France, à l'aide des soldats étrangers. Les mouvemens qui, depuis cette époque, se sont manifestés dans plusieurs lieux, et les conspirations supposées qui ont conduit à la mort tant

de malheureux, ont eu le même objet. Lorsque les hommes de la faction ont vu qu'il était impossible de produire en France des troubles capables d'alarmer les puissances de l'Europe, ils sont allés sur une terre étrangère ourdir de nouvelles conspirations. Ils ont voulu faire craindre à l'empereur Alexandre une conspiration contre sa personne de la part des bonapartistes. Les conspirateurs ont été arrêtés, et à l'exception d'un seul qui a été trompé, tous ont produit des pièces pour établir qu'ils n'étaient que des agens provocateurs, mouvement par des monarchiques de France (1).

mis en

(1) Voyez, à la fin du volume, une lettre datée de Gand.

THEATRE

DE

M.-J. DE CHÉNIER,

Précédé d'une notice et orné du portrait de l'auteur (1).

Le théâtre de Chénier a un caractère qui lui est particulier; c'est d'être composé de pièces qui tendent toutes vers un grand but moral ou politique. L'auteur fut entraîné vers la tragédie, non-seulement par un penchant irrésistible mais par un choix médité, par une persuasion intime que nulle espèce d'ouvrage ne peut avoir autant d'influence sur l'esprit. Échauffé, dès son enfance, par les écrits des grands hommes, pénétré des vérités sublimes qu'ils ont exprimées avec tant d'énergie, passionné pour l'indépendance, et révolté contre toute espèce de tyrannie; mais, par suite de ce

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(1) Trois volumes in-8°. d'environ 430 pages chacun. A Paris, chez Baudouin, frères, rue de Vaugirard, no. 36. Prix : 18 fr.

caractère, se sentant incapable de parvenir à la faveur, sous un gouvernement arbitraire, il s'était livré de bonne heure à la philosophie et aux belles-lettres : J'avais compris, dit-il, que dans un état où l'intrigue dispose de toutes les places, un bon livre, c'est-à-dire, un livre utile, devient la seule action publique permise. à un citoyen qui ne veut point descendre à des démarches humiliantes.

L'élévation et la fierté de son caractère lui fit voir le théâtre d'une grande hauteur. Dans le discours qui précède Charles IX, il nous expose l'idée qu'il se formait d'une bonne tragédie. « Si, pour composer une excellente tragédie, dit-il, le choix nécessaire d'un seul fait intéressant et vraisemblable n'est presque rien; s'il faut des caractères dessinés fortement, puisés dans la belle nature, et se faisant ressortir les uns et les autres par un contraste perpétuel ; si ce grand mérite n'est rien encore; si l'on doit écrire l'ouvrage en vers; si les vers doivent être toujours travaillés, sans que le travail se fasse sentir; toujours pleins de poésie, sans que le poëte s'étale ainsi dire ; forts sans dureté, majestueux sans enflure, simples sans familiarité, harmonieux sans que l'harmonie coûte rien au sens; s'il faut, par

pour

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