ORGON. Oui, c'est bien dit. Allons à ses pieds avec joie FIN DU TARTUFE. La scène est à Thèbes, devant la maison d'Amphitryon. PROLOGUE. MERCURE, sur un nuage; LA NUIT, dans un char traîné dans l'air par deux chevaux. MERCURE. Tout beau! charmante Nuit, daignez vous arréter. Il est certain secours que de vous on désire, Et j'ai deux mots à vous dire De la part de Jupiter. LA NUIT. Ah! ah! c'est vous, seigneur Mercure! Qui vous eût deviné, là, dans cette posture? MERCURE. Ma foi, me trouvant las, pour ne pouvoir fournir Je me suis doucement assis sur ce nuage, Pour vous attendre venir. LA NUIT. Vous vous moquez, Mercure, et vous n'y songez pas: MERCURE. Les dieux sont-ils de fer? LA NUIT. Non; mais il faut sans cesse Garder le decorum de la divinité. Il est de certains mots dont l'usage rabaisse Et que, pour leur indignité, Il est bon qu'aux hommes on laisse. MERCURE. A votre aise vous en parlez; Et vous avez, la belle, une chaise roulante Où, par deux bons chevaux, en dame nonchalante, Et je ne puis vouloir, dans mon destin fatal, De leur impertinence extrême, Comme un messager de village; Moi qui suis, comme on sait, en terre et dans les cieux, Le fameux messager du souverain des dieux; Et qui, sans rien exagérer, Par tous les emplois qu'il me donne, LA NUIT. Que voulez-vous faire à cela? Les poêles font à leur guise. Ce n'est pas la seule sottise Qu'on voit faire à ces messieurs-là. Mais contre eux toutefois votre âme à tort s'irrite, MERCURE. Oui; mais, pour aller plus vite, Est-ce qu'on s'en lasse moins? LA NUIT. Laissons cela, seigneur Mercure, MERCURE. C'est Jupiter, comme je vous l'ai dit, Qui de votre manteau veut la faveur obscure, Pour certaine douce aventure Qu'un nouvel amoùr lui fournit. Ses pratiques, je crois, ne vous sont pas nouvelles : Et sait cent tours ingénieux Pour mettre à bout les plus cruelles. Des yeux d'Alcmène il a senti les coups; Et tandis qu'au milieu des béotiques plaines Amphitryon, son époux, Commande aux troupes thébaines, Il en a pris la forme', et reçoit là-dessous Dans la possession des plaisirs les plus doux. L'hymen ne les a joints que depuis quelques jours; S'est avisé d'avoir recours. Son stratagème ici se trouve salutaire : Pareil déguisement serait pour ne rien faire ; LA NUIT. J'admire Jupiter, et je ne comprends pas MERCURE. Il veut goûter par là toutes sortes d'états; S'il ne quittait jamais sa mine redoutable, LA NUIT. Passe encor de le voir, de ce sublime étage, Prendre tous les transports que leur cœur peut fournir, Si, dans les changements où son humeur l'engage, Mais de voir Jupiter taureau, Serpent, cygne, ou quelque autre chose, Et ne m'étonne pas si parfois on en cause. MERCURE. Laissons dire tous les censeurs : Tels changements ont leurs douceurs Qui passent leur intelligence. Ce dieu sait ce qu'il fait aussi bien là qu'ailleurs ; Et, dans les mouvements de leurs tendres ardeurs, Les bêtes ne sont pas si bêtes que l'on pense. LA NUIT. Revenons à l'objet dont il a les faveurs. Si, par son stratagème, il voit sa flamme heureuse, Que peut-il souhaiter, et qu'est-ce que je puis? MERCURE. Que vos chevaux par vous au petit pas réduits Pour satisfaire aux vœux de son âme amoureuse, D'une nuit si délicieuse Fassent la plus longue des nuits; Qu'à ses transports vous donniez plus d'espace, Qui doit avancer le retour LA NUIT. Voilà sans doute un bel emploi MERCURE. Pour une jeune déesse, Vous êtes bien du bon temps! Que chez les petites gens. Lorsque dans un haut rang on a l'heur de paraitre LA NUIT. Sur de pareilles matières Vous en savez plus que moi; Et, pour accepter l'emploi, J'en veux croire vos lumières. MERCURE. Hé! là, là, madame la Nuit, Un peu doucement, je vous prie; Vous avez dans le monde un bruit (1) De n'être pas si renchérie. On vous fait confidente, en cent climats divers, Et je crois, à parler à sentiments ouverts, (1) Bruit pour reputation. |