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PREMIÈRE PARTIE.

DU DUEL.

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PREMIÈRE PARTIE.

TOUT a concouru à donner aux arrêts' que la Cour de cassation a rendus dans ces derniers temps au sujet du duel un retentissement profond d'abord, la question en elle-même, cette question qui touche de si près à nos moeurs et à nos usages, à laquelle se rattachent tant de souvenirs, dans laquelle surtout se trouvent engagés ces sentiments d'honneur si chers à tous les coeurs français; puis la portée de ces arrêts, auxquels la Cour de cassation, usant du pouvoir dont l'a investie la loi d'interprétation du 1er avril 1837 *,

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22 juin et 15 décembre 1837.

D'après cette loi, en effet, lorsque deux arrêts successifs de Cours royales, dans une même affaire, ont été cassés, la Cour suprême, en renvoyant à la troisième Cour royale, lui fixe le sens du point de droit ainsi, au lieu qu'autrefois les arrêts de la Cour de cassation n'étaient que de simples jugements auxquels sa haute sagesse donnait une grande autorité, mais dont néanmoins les Cours royales pouvaient s'écarter, aujourd'hui elle peut imposer aux Cours royales ses décisions. Ainsi, elle a par le fait le pouvoir de législation interprétative; et ce qui a transpiré de ses délibérations et les prescriptions faites aux procureurs généraux, tout annonce qu'elle veut user contre le duel de toute l'étendue de ce pouvoir.

semble décidée à attribuer l'autorité de véritables lois interprétatives; enfin, le changement que ces arrêts ont introduit, changement immense, car au principe de la tolérance pour le duel ils ont fait succéder celui d'une excessive rigueur.

Jusqu'alors, en effet, quand tout s'était passé loyalement, le duel n'était pas puni, quelles que fussent d'ailleurs ses conséquences; d'après la nouvelle jurisprudence de ces arrêts, tout homme qui, même dans un duel loyal, aura tué son adversaire, devra être regardé comme meurtrier, et poursuivi et puni comme tel; tout homme qui aura fait à son adversaire des blessures plus ou moins graves devra être poursuivi comme coupable d'un crime emportant les galères ou d'autres peines afflictives et infamantes.

Il s'agit maintenant de savoir laquelle, de l'ancienne jurisprudence ou de la nouvelle, est fondée sur le véritable sens du Code pénal.

Il s'agit de savoir si l'on doit conclure du silence que ce Code a gardé au sujet du duel que le législateur n'a pas voulu le punir, ou qu'il l'a regardé au contraire comme compris dans les dispositions générales relatives au meurtre et aux autres actes de violence contre les personnes'; il s'agit enfin de savoir (et c'est sous cette dernière forme que la question s'est pré

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Art. 295, 296, 297, 302, 309 et 310 du Code pénal.

sentée) si, lorsque dans un duel un des combattants a tué ou blessé son adversaire, les Cours royales peuvent, néanmoins, le relaxer de la plainte en se fondant sur la loyauté du duel, ou si elles doivent le renvoyer toujours devant les Cours d'assises.

Le premier de ces deux systèmes avait été admis depuis le Code pénal : c'était la Cour de cassation elle-même qui l'avait établi en 1819, puis consacré en 1828 par l'arrêt le plus solennel; aujourd'hui elle revient sur cette jurisprudence pour adopter le système contraire.

Nous allons examiner les motifs qui ont déterminé ce changement et les conséquences qui en résultent: c'est là, comme on l'a vu, l'objet de la première partie de cet Essai.

Et d'abord, quels sont les motifs de la nouvelle jurisprudence? Nous les trouverons dans les considérants de l'arrêt de la Cour de cassation, et surtout, et avec plus de développements, dans le réquisitoire de M. le procureur général Dupin, qui a apporté, ainsi qu'il le déclare lui-même, un soin tout particulier à cette question du duel '. Après avoir énoncé le système qu'il proposait

Quoique j'aie reproduit toutes les parties de l'arrêt et du réquisitoire nécessaires à mon sujet, j'ai cru devoir les donner en entier pour les personnes qui désireraient les lire et qui n'auraient pas sous la main un recueil de jurisprudence. On les trouvera ci-après, p. 41.

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