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ÉDIT DU ROY

CONTRE LES DUELS ET RENCONTRES,

DONNE A PARIS AU MOIS DE SEPTEMBRE 1651, VÉRIFIÉ AU PARLEMENT, LE ROY Y SÉANT AUDIT MOIS ET AN.

Louis, par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre : à tous présens et à venir, salut. Nous estimons ne pouvoir plus efficacement attirer les grâces et bénédictions du ciel sur nous et sur nos États qu'en commençant nos actions, à l'entrée de nostre majorité, par une forte et sévère opposition aux pernicieux désordres des duels et combats par rencontres, dont l'usage est non seulement contraire aux lois de la religion chrétienne et aux nostres, mais très préjudiciable à nos sujets, et spécialement à nostre noblesse, dont la conservation nous est aussi chère qu'elle est importante à l'État. Et, bien que nous ayons, à l'exemple des Rois nos prédécesseurs, fait notre possible depuis notre avenement à cette couronne, pour réprimer un mal dont les effets sont si funestes au général et aux principales familles de nostre royaume, ayant par divers édits, déclarations et réglemens, et sous de notables peines, prohibé tous les combats singuliers et autres entre nos sujets pour quelque cause, et sous quelque pretexte qu'ils puissent être entrepris; néanmoins, nos soins n'ont pas eu le succès que nous en espérions, voyant avec un extrême déplaisir que, par la longueur de la guerre que nous avons esté obligez de soûtenir contre la couronne d'Espagne, après avoir esté justement entreprise par le feu Roy nôtre très-honoré Seigneur et Pere de glorieuse mémoire, que Dieu absolve; ou par les mouvemens intestins arrivez depuis quelques années, que nous avons heureusement appaisez; et encore par la douceur qu'il a convenu pendant notre minorité, cette licence s'est accreuë à tel point qu'elle se rendroit irremediable, si nous ne pre

nions une ferme resolution, comme nous faisons presentement, d'empêcher avec une justice très sévère, et par toutes les voyes raisonnables, les contraventions faites à nos Édits et Ordonnances, en une matière de si grande consequence; A ces causes, et autres bonnes et grandes considérations à ce nous mouvans, de l'avis de nôtre Conseil, où estoient la Reine nôtre tres-honorée Dame et Mère, notre tres-cher et tres-amé Oncle le Duc d'Orléans, nos tres-chers et tres-amez Cousins les Princes de Condé et de Conty, et autres Princes, Ducs, Pairs et Officiers de nôtre Couronne et principaux de nostre dit Conseil; et après avoir examiné en iceluy ce que nos treschers et bien amez Cousins les Maréchaux de France, qui se sont assemblez plusieurs fois sur ce sujet par nostre exprés commandement, nous ont representé des causes de cette licence, et des moyens de la reprimer et faire cesser à l'avenir : Nous avons, en renouvelant les défenses portées par les Édits et Ordonnances des Rois nos prédecesseurs; et en y ayoûtant ce que nous avons jugé nécessaire, sans neanmoins les revoquer ni annuler: Dit, déclaré, statué, et ordonné: disons, déclarons, statuons, et ordonnons par notre présent Edit perpetuel et irrévocable, voulons et nous plaist, ce qui ensuit.

I.

Premierement, nous exhortons tous nos sujets, et leur enjoignons de vivre à l'avenir les uns avec les autres dans la paix, l'union et la concorde necessaire pour leur conservation, celle de leur famille et celle de l'Etat, à peine d'encourir nôtre indignation, et de châtiment exemplaire : nous leur ordonnons aussi de garder le respect convenable à chacun selon sa qualité, sa dignité et son rang, et d'apporter mutuellement les uns avec les autres tout ce qui dépendra d'eux pour prévenir tous différends, débat et querelles, notament celles qui peuvent estre suivies de voyes de fait; de se donner les uns aux autres sincerement de bonne foy tous les éclaircissemens nécessaires sur les plaintes et mauvaises satisfactions

qui pourront survenir entr'eux, et d'empêcher que l'on ne vienne aux mains en quelque manière que ce soit : Déclarons que nous reputerons ce procedé pour un effet de l'obeissance qui nous est duë, et que nous tenons plus conforme aux maximes du véritable honneur, aussi bien qu'à celles du christianisme; aucuns ne pouvans se dispenser de cette naturelle charité, sans contrevenir aux commandemens de Dieu aussi bien qu'aux nôtres.

II.

Et d'autant plus qu'il n'y a rien si honneste, ny qui gagne d'avantage les affections du public et des particuliers que d'arrêter le cours des querelles en leur source: Nous ordonnons à nos trez-chers et bien amez cousins les Maréchaux de France, et aux Gouverneurs et nos Lieutenans généraux en nos provinces, de s'employer eux-mêmes très-soigneusement et incessamment à terminer tous les différends qui naîtront entre nos sujets, par les voyes, et ainsi qu'il leur en est donné pouvoir par les Edits et Ordonnances des Rois nos prédécesseurs. Et en outre nous donnons pouvoir à nosdits Cousins de commettre en chacun des bailliages ou sénéchaussées de notre royaume un ou plusieurs gentilshommes selon l'étendue d'icelles, qui soient de qualité, d'age et capacité requises pour recevoir les avis des différends qui surviendront entre les gentils-hommes, gens de guerre, et autres nos sujets, les envoyer à nosdits Cousins les Maréchaux de France, ou au plus ancien d'eux; ou aux Gouverneurs, ou à nos Lieutenans généraux aux Gouvernements de nos provinces, lors qu'ils y seront présens: Et donnons pouvoir auxdits gentils-hommes qui seront ainsi commis, de faire venir par devant eux, en l'absence desdits Gouverneurs, et nosdits Lieutenans generaux, tous ceux qui auront quelque différend, pour les accorder, ou les renvoyer par devant nosdits Cousins les Maréchaux de France en cas que quelqu'une des parties se trouve lezée par l'accord desdits gentils-hommes. Et

pour cette fin nous enjoignons tres-expressement à tous Prévots des Maréchaux, Vice-Baillifs, Vice-Sénéchaux, leurs Lientenans, Exemts, Greffiers et Archers d'obéir promptement et fidellement, sur peine de suspension de leurs charges, et de privation de leurs gages, auxdits gentils-hommes commis sur le fait desdits différends, soit qu'il faille assigner ceux qui ont querellé, les constituer prisonniers, saisir et annotter leurs biens, ou faire tous autres actes nécessaires pour empêcher les voyes de fait, et pour l'execution des ordres desdits gentils-hommes ainsi commis; le tout aux frais et dépens des parties.

III.

Nous déclarons en outre que tous ceux qui assisteront ou se rencontreront quoyqu'inopinément, aux lieux où se commettront des offenses à l'honneur, soit par des rapports ou discours injurieux, soit par manquement de promesse ou parolles données, soit par démentis, coups de main, ou autres outrages, de quelque nature qu'ils soient, seront à l'avenir obbligez d'en avertir nos Cousins les Maréchaux de France, ou les Gouverneurs et Lieutenans généraux des provinces, ou les gentils-hommes commis par lesdits Maréchaux, sur peine d'estre reputez complices desdites offenses, et d'estre poursuivis comme y ayant tacitement contribué, pour ne s'estre pas mis en devoir d'en empêcher les mauvaises suites. Voulons pareillement et nous plaist que ceux qui auront connoissance de quelques commencemens de querelles et animositez, causées par des procés qui seraient sur le point d'estre intentez entre gentils-hommes, pour quelques intérests d'importance, soient obligez à l'avenir d'en avertir nosdits Cousins les Maréchaux de France, ou les Gouverneurs, ou nos Lieutenans généraux en nos provinces, ou en leur absence les gentilshommes commis dans les Bailliages, afin qu'ils empêchent de tout leur pouvoir, que les parties ne sortent des voyes civiles et ordinaires, pour venir à celles de fait.

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