Images de page
PDF
ePub

1179. le concile de Latran avait anathématisé les albigeois. En 1203, Innocent III confère le droit des procédures à des moines qui, sans contact avec la société laïque, ne subissent pas son empreinte comme le clergé séculier; leurs excès amènent d'abord la mort tragique de Pierre Castelnau, le légat extraordinaire au moment où il allait traverser le Rhône (15 janvier 1208). Plus tard, leurs successeurs soulèvent tellement encore la haine des populations que les consuls même de Toulouse les bloquent dans leur couvent et publient à son de trompe défense de leur « rien apporter, rien donner, rien vendre». Raymond VI, comte de Toulouse, les supplie de suspendre leurs procédures; ils redoublent, s'acharnent contre les cadavres, déterrent des ossements qu'ils jettent au vent; la soif de la vengeance s'allume dans les âmes. Bailli d'Avignonnet, Raymond d'Alfaro donne rendez-vous au chevalier Wilhem de Planha dans le bois de Gaïac, près du Mas-Saintes-Puelles; lui confie, sous le sceau du secret, la conjuration qui doit aboutir au meurtre des inquisiteurs; le charge d'invoquer l'appui de Pierre Roger, seigneur de Mirepoix, dans la dépendance duquel se trouve le château de Montségur, refuge des proscrits. Au milieu de la nuit, pendant que les inquisiteurs dorment dans le palais comtal qui domine Avignonnet, le bailli revêtu de son pourpoint blanc, suivi des chevaliers de Mirepoix, de sergents et de bourgeois armés de haches et de bâtons, s'approche des portes du palais, les brise, égorge les inquisiteurs et livre tout au pillage, 28 mai 1242. Périssent, dans cette nuit, les quatre inquisiteurs: Guillaume Arnaud de l'ordre des frères prêcheurs, Etienne de Narbonne, de l'ordre des frères mineurs, Raymond, chanoine régulier de la cathédrale de Toulouse, le prieur d'Avignonnet religieux bénédictin; et avec eux, une troupe de clercs, de greffiers, d'appariteurs, de moines. qui les assistaient dans leurs sinistres fonctions (Collection Doat, t. XXIV, f° 163; Le Poème de la croisade contre les Albigeois, par George Guibal). La croisade qui se déchaîne sur ces belles contrées, après l'assassinat de Pierre de Castelnau, conduite par Simon de Montfort et composée de deux cent mille combattants, réduit le Languedoc en un monceau de ruines. Le Lauragais en a sa large part. C'est en vain qu'on invoque l'unité nationale pour en atténuer les horreurs; au fanatisme, à l'amour du butin, à l'antipathie des races du Nord et du Midi, en revient toute l'inspiration. C'est ainsi que succombe sous le fer et le feu cette tentative d'une réforme dans la doctrine, dans le culte et surtout dans les mœurs du clergé. Mais les victoires de la force brutale ne sont pas éternelles. Cette noble terre d'indépendance, après un sommeil de plusieurs siècles, se réveille aux premiers appels d'une nouvelle réformation; les vieilles traditions de liberté locale, intellectuelle, religieuse, ecclésiastique; l'auréole du martyre brillant sur le front de l'albigéisme; la sourde et constante opposition de ses partisans secrets, puis des cagots, puis des vaudois; l'analogie de l'albigéisme et la réforme sur l'usage du Nouveau Testament, la simplicité de l'adoration et le désir de ressusciter la vie pure de la primitive Eglise; la sympathie naturelle des esprits méridio

[ocr errors]

--

naux pour les nouveautés; tout cela, se surajoutant à la vertu inté-
rieure du principe réformé, suffit à expliquer la soudaine apparition
et les étonnants succès de l'Evangile dans toutes ces contrées. Pres-
que partout où existaient des communautés cathares apparurent des
communautés évangéliques, comme si celles-ci étaient filles de celles-
là. Toulouse, Albi, Castres, ardents foyers de la Réforme, après avoir
été d'ardents foyers de l'albigéisme, forment autour du Lauragais
un cercle d'où la vérité rayonne dans l'intérieur. « La grâce de Dieu
s'étendit au long et au large des villes circonvoisines » (Th. de Bèze).
Le Lauragais subit le contre-coup des événements qui agitent ces
cités et se trouve associé soit à leurs triomphes, soit à leurs mal-
heurs; on le voit sans cesse figurer, par ses représentants, dans les
conseils politiques, militaires et ecclésiastiques du Languedoc. S'il
est difficile de ressaisir la trace des premières Eglises réformées du
Lauragais, on surpend au moins, dès 1561, dans un rapport du Procu-
reur général à la reine mère la mention « de Castres, Lavaur, Puy-
laurens, Mazamet, Chateauneuf-d'Arri, Revel, Villefranche de Lau-
ragais, Rabastens, Gaillac, Réalmont, Tholose et presque toutes les
autres villes de ce pays de Languedoc », comme désertant la vieille
foi. On retrouve aussi, à la même date, la nomenclature de presque
toutes les villes du Lauragais participant, par leurs délégués, à une
assemblée tenue à Castres pour une supplique au roi en faveur de la
liberté du culte : « Supplions les laisser uiure selon la pureté du sainct
Evangile, tenir temples dans lesquels ils ont fait depuis trois ou
quatre mois prescher icelluy Evangile et dans iceux faire administrer
les saincts sacrements » (Archives du comte de Bouffard). Nous sa-
vons encore qu'en 1560, le pasteur Luman annonce l'Evangile à Re-
vel où « Dieu réveille les âmes par un grand coup de fouet » et qu'en
1562 ont lieu d'affreux massacres dans la plupart des Eglises très flo-
rissantes du Lauragais; entr'autres sont massacrés : Giscart, pasteur
de Castelnaudary, et cinquante de ses fidèles, dans un moulin à pas-
tel où ils s'édifient; on pousse la férocité jusqu'à éventrer Giscart et à
brûler ses entrailles. Cette même année, le Lauragais envoie un se-
cours de troupes, de concert avec Castres et Lavaur, aux protestants
de Toulouse, ce qui n'empêche pas le massacre, par trahison, de
quatre mille de ces coreligionnaires. Sorèze, Puylaurens, Mas-Saintes-
Puelles subissent de continuels assauts; et, en 1566, Deyme, gou-
verneur du Lauragais, a toujours les armes à la main pour la dé-
fense de la liberté. « 28 septembre 1568, sont arrivés dans Castres
beaucoup d'hommes à pied et à cheval du régiment de Lauragais
commandés par Antoine de la Tour, seigneur de Juses, colonel. Ils
amènent leurs femmes, fils et filles, portant leurs bagages, craignant
la furie de l'ennemy. C'était pitié de voir ces pauvres personnes avoir
laissé et quitté leurs villes, maisons et biens » (Mémoires de Faurin,
édités par Ch. Pradel). Le Lauragais, en 1573, entre avec l'Albigeois
et le haut Languedoc dans le traité d'alliance des Réformés et des
Politiques ou Mal-Contents; en 1574, il contribue à la prise de Castres
et nous voyons (1580) Turenne lieutenant-général, pour le Béar-

nais, de l'Albigeois, du Lauragais et du haut Languedoc. Le plus ancien vestige d'organisation ecclésiastique dans le Lauragais est le colloque tenu dans le Lauragais même (1600) comprenant huit Eglises et réglant le « despartement des sommes que les Eglises du Lauragais ont à fournir pour les affaires ecclésiastiques, faict et tiré sur l'aliurement de 324 liv. que monte le tout Puylaurens, 98 liv., 3 sols, 10 deniers; Revel, 66 liv., 1 sol; Sorèze, 24 liv., 13 sols, 8 deniers; Saint-Paul, 19 liv., 13 sols, 10 deniers; Cuq, 28 liv., 11 sols, 9 deniers; Hautpoul et Mazamet, 37 liv., 2 deniers; Carmaing (Caraman), 38 liv., 7 sols, 6 deniers. » La liste n'est pas complète ; Castelnaudary et Mas-Saintes-Puelles manquent entre autres, mais existaient comme Eglises, puisqu'en 1603 Ambriot est nommé au synode de Gap, comme ministre de Saintes-Puelles. Un peu plus tard (1637) l'Albigeois et le Lauragais comptent 50 Eglises et 25 pasteurs, parmi lesquels, pour le Lauragais : l'Espinasse à Saint-Amans, Moïse de Beaux à Mazamet, Hautpoul et Pont-de-l'Arn, Abel Viala à Aussillon et Aiguefonde, J. Bonnafous à Puylaurens et Péchaudier, Paul Gaillard à Revel, Casail à Sorèze, Lavaisse à Carmaing, Desaigne à Cuq, J. Villemur à Saint-Paul et Damiatte, Guérin à Mas-Saintes-Puelles. Et, jusqu'à la fin du dix-septième siècle, les Eglises du Lauragais continuent à être englobées dans la pratique régulière d'un ferme régime synodal qui fut leur salut. Servant, par sa position, de passage entre le bas Languedoc, le Montalbanais et l'Albigeois, le Lauragais fut naturellement un des pays les plus éprouvés par les guerres religieuses. L'année même du dernier synode national de Loudun. (1659), eut lieu le transfert de l'académie de Montauban à Puylaurens, dernière étape vers sa ruine: Bayle, Dacier, Rapin de Thoyras, Abbadie en sont les plus célèbres disciples. Le 1er octobre 1670 se fit aussi le transfert de la chambre mi-partie de Castres à Castelnaudary, sur les instances du clergé, qui espérait pouvoir l'y mieux étouffer. Mais n'importent les vexations et les guerres incessantes, la nouvelle hérésie ne peut être déracinée du Lauragais; elle s'y maintient jusqu'à la révocation de l'Edit de Nantes. Et lorsqu'en 1685 se lève ce vent de mort qui, pour la troisième fois, vient désoler <«< ce plus beau pays du monde », on s'assure, par l'importance des ruines, de l'étendue et de la vitalité du principe réformé: 1684, démolition des temples de Mazamet, de Saint-Amans, de Puylaurens; 15 novembre 1685, des temples de Revel, de Sorèze, de tous les autres du district; aussi, fin novembre 1685, il ne reste plus que ceux d'Anglès et de quelques villages de la haute montagne. On décrète les pasteurs de prise de corps et on les envoie prisonniers à Toulouse dans la conciergerie des Hauts-Murets. Les bergers absents, les troupeaux se dispersent; sous la terreur des garnisaires, abjurations en masse, exils ou incarcérations. A Revel, notamment, 15 novembre 1685, installation de quatre compagnies du régiment de Konismark-Allemand chez les non convertis et de quatre docteurs de Sorbonne chargés de l'instruction; mars 1687, arrivée de l'évêque de Lavaur, obligeant tous les non

convertis à recevoir de lui la communion; « trois cents le premier jour, le reste le lendemain et le surlendemain. » Figurent, en 1685, sur la liste des pasteurs passés à l'étranger: Elie Rivals et Antoine Pèrez, min. à Puylaurens; Pierre Caussé, min. de Sorèze; Barthélemy Balaguier, min. d'Aiguefonde; Martel, min. de Puylaurens; Th. Arbussy, ex-min. à Puylaurens, et Etienne Arbussy, proposant; Darnatigues, min. à Caraman; Ant. Couget, proposant à Puylaurens; Jean Cabibel, min. à Mazamet; Guillaume Quinquiry, ex-min. à Revel; Isaac Lavergne, min. à Revel. La révocation est particulièrement funeste au Lauragais, où la fuite d'une foule d'industriels, de propriétaires riches, d'artisans et de laboureurs, laisse de grandes terres en friche et ferme quantité d'usines et d'ateliers, d'autant qu'à cette même époque la création du canal du Midi par Riquet met à sec plusieurs cours d'eau et ruine nombre de tanneries -et de teintureries (manuscrit Barrau). Pendant le dix-huitième siècle, le Lauragais subit le sort commun: la vie du Désert. Quelques pasteurs restent; plusieurs des émigrés reviennent; ils visitent alternativement les Eglises de la région et se réunissent périodiquement en colloques et synodes, pour pourvoir au plus pressé. Voici, pour le Lauragais, la liste de ces héroïques pasteurs du Désert, de 1733 à 1788, par ordre chronologique Michel Viala, Pierre Corteiz, Jean Bétrine, Barthélemy Claris, Loire Olivier, Jean Sicard dit Déjean, Pierre Sicard dit Duval, François Rochette, Crebessac dit Vernet, Bonifas dit Laroque, Fosse dit Richard, Gardes, Jeanhon dit SaintAndré, Faure dit Gerson, Durand, Marc Lanthois, Jacques Mingaud, Salvetat, Job, Nazon, Marc-David Alba dit Lasource, Grach. — Ils s'intitulent « ministres sous la croix » et leurs noms se retrouvent dans tous les registres religieux conservés dans la région (archives du tribunal civil de Castres et de la mairie de Mazamet). Au premier rang brillent: Rochette, martyr; Jeanbon Saint-André, membre du comité de salut public et ministre de la marine; Alba Lasource, girondin éminent. Malgré la dispersion et le péril, ces serviteurs de JésusChrist ne manquent pas plus à leurs devoirs ecclésiastiques qu'à leurs devoirs religieux. Le fonctionnement synodal ne subit presque pas d'interruption. Le colloque, tenu en septembre 1744, divise, pour faire face aux besoins du temps, le haut Languedoc en six arrondissements, dans lesquels tous les pasteurs se succèdent à tour de rôle. Les deux premiers comprennent le Lauragais; le premier embrasse Puylaurens, Saint-Paul Damiatte, Revel, Caraman; le deuxième, Mazamet, Hautpoulois, Pont-de-l'Arn, les deux SaintAmans, Labastide, Lacabarède. Ces arrondissemeuts, suivant l'abondance ou la rareté des pasteurs, sont réduits de 'six à cinq, à quatre, à trois; et il est interdit aux pasteurs qui les desservent « de prêcher plus dans l'un que dans l'autre » ; leurs honoraires sont de cinq cents livres. C'est dans des lieux déserts, « sous le regard de Dieu » que se réunissent les synodes et les colloques. C'est ainsi que Puylaurens et Revel sont chargés en 1782 de la convocation du prochain synode provincial à la Virbale, recoin perdu à 30 kil. de Castres, au cœur de

la montagne. Ces assemblées s'occupent des abjurations, des cultes, des requêtes au roi, de l'entretien des proposants, des consécrations, des traitements, de la retraite des vieux pasteurs (Acles des syn, prov. et des coll, dans le haut Languedoc, manuscrit de la Bibl. du prot. fr.). Depuis l'édit de tolérance (1787), la plupart de ces Eglises sont sorties de leurs cendres; sauf quelques-unes qui manquent à l'appel, les autres prospèrent et se groupent actuellement ainsi : le plus grand nombre forment le consistoire de Mazamet; Revel, Sorèze, Carcassonne font partie de celui de Toulouse; Puylaurens, Cuq et SaintPaul Damiatte dépendent de celui de Castres. C. RABAUD.

LAURE, du grec apa, place, rue, hameau, lieu où les moines demeuraient autrefois. Les laures étaient des espèces de villages dont chaque maison, séparée des autres, était habitée par un ou deux moines. Ils ne se rassemblaient qu'une fois la semaine pour faire l'office en commun. Du reste, ce mot ne s'emploie qu'en parlant des anciens monastères d'Orient et d'Egypte. Voyez Hélyot, Hist. des ordres relig., I, 16; Tillemont, Mémoires, IV, 684.

[ocr errors]

LAURENT (Saint), diacre et martyr. Le plus ancien calendrier de l'Eglise de Rome, la Depositio martyrum, qui date peut-être de 310, porte ces mots : IIII idus Aug. Laurenti in Tiburtina. Idus Aug. Ypoliti in Tiburtina. Le martyre de saint Laurent date de 258; sa Passio nous a été conservée par Adon (10 août) dans une rédaction qui paraît du quatrième siècle, et Prudence l'a paraphrasée dans une hymne longue et verbeuse (Perist., II). Sixte II, se rendant au martyre, confia les trésors de l'Eglise à l'archidiacre Laurentius. Celui-ci, sommé de représenter ces richesses, conduit au palais la foule des infirmes et des pauvres : « Voici, dit-il, les trésors éternels. » On mêle à son histoire les noms de la veuve Cyriaca, qui recueillit les trésors dans sa maison située sur le Cælius; de l'aveugle Crescentio, que saint Laurent guérit, d'Hippolyte qui l'avait en sa garde dans sa maison (que l'on place à San-Lorenzo in Fonte) et qui devint chrétien, du soldat saint Romain et du prêtre Justin. Afdligé de tous les supplices, saint Laurent mourut sur le gril aux Thermes (d'Olympias ?), sur le Viminal, près du palais de Salluste. Hippolyte et Justin enterrèrent son corps sur la voie Tiburtine, dans le bien de Cyriaque, dans l'Ager Veranus. Quel est cet Hippolyte ? Ce n'est pas le lieu d'en décider, mais nous devons rappeler que la célèbre statue de l'auteur ecclésiastique de ce nom fut trouvée en 1551 au Campo Verano. Saint Laurent était-il Espagnol? Le texte d'Adon l'affirme; les Espagnols (Bayer, Damasus et Laurentius Hispanis asserti, R., 1756, in-4", dans Migne, LXXIV) le réclament, les Romains entendent conserver sa patrie (Mem. della Vita, etc., di S. Lorenzo mart. e cittadino romano, R., 1756). Après la fin des persécutions, on éleva au saint diacre, dans l'Ager Veranus, la basilique de Saint-Laurent fuori le Mura, qui n'était d'abord qu'une crypte (His quondam latebris...) et que la Vie de Silvestre, dans le Liber Pontificalis, attribue à Constantin. Pélage II, qui avait rapporté de Constantinople les reliques de saint Etienne, le premier diacre; les déposa dans le tombeau de saint Laurent, et une

« PrécédentContinuer »