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Moncontour sous les ordres de Montbrun, et n'échappa à la SaintBarthélemy que parce qu'une maladie de sa femme, Claudine de Béranger, le força de quitter Paris un peu avant le 24 août 1572. Quand Montbrun eut été décapité, Lesdiguières fut choisi pour le remplacer comme généralissime des forces protestantes en Dauphiné, et cette élection fut confirmée par Damville, puis par Condé et par Henri de Navarre. Sans cesse aux prises avec les catholiques, il leur enlevait par de hardis coups de main, mille fois répétés, des places et des forteresses que la paix l'obligeait invariablement à rendre, et qu'il fallait reprendre ensuite. A la paix de Poitiers, il refusa de jouer ce rôle de dupe, et réussit, en restant sous les armes, à obtenir un traité qui lui laissait presque toutes ses conquêtes. Cet homme d'action, toujours en mouvement, s'est peint dans le laconique billet qu'il adressait à sa femme, à la suite d'un grand triomphe remporté sur les Ligueurs, auxquels il avait pris dix-huit enseignes sur vingt-deux : «Ma mie, j'arrivai hier ici, j'en pars aujourd'hui ; les Provençaux ont été défaits. Adieu. » Après s'être emparé de Grenoble, où régnait la Ligue, il en fit demander le gouvernement à Henri IV. Le roi, naturellement jaloux, le trouvait déjà trop puissant dans ses montagnes et se défiait de lui; aussi le conseil répondit-il qu'on ne pouvait accorder à un huguenot un gouvernement de cette importance. « Puisque vous ne trouvez pas bon de le lui donner, répartit le secrétaire de Lesdiguières, avisez donc aux moyens de le lui ôter. » On le lui laissa. Tout en écrasant la Ligue en Provence et en Dauphiné, il sut châtier à plusieurs reprises le duc de Savoie qui soutenait les Guise, et fut, en 1597, nommé lieutenant général de l'armée qui conquit presque tout le Piémont. Cette campagne lui valut le brevet de lieutenant-général du Dauphiné, récompense dont le pape se montra furieux et indigné. Toujours en campagne, Lesdiguières n'avait eu, jusqu'en 1601, qu'une faible part à la direction des affaires huguenotes; après la prise d'Amiens par les Espagnols, il blama vivement les protestants qui exigeaient du roi autre chose que des promesses, avant de l'aider à reprendre cette ville. Quand Henri IV s'occupa des préparatifs de la guerre par laquelle il se proposait d'abaisser la maison d'Autriche, il appela Lesdiguières et le nomma. maréchal de France. Profondément attaché aux intérêts de la royauté aussi bien que Du Plessis-Mornay et Sully, le maréchal oubliait les droits des Eglises pour ne se souvenir que de ceux de la régente; il était tiède pour la cause protestante et les ardents le tenaient depuis longtemps pour apostat. Il se prononça contre La Rochelle qui lui offrait le commandement d'une armée de vingt mille hommes, et finit par abjurer, donnant l'un des premiers à la noblesse l'exemple d'une conversion dictée par l'ambition et où la conviction n'entrait pour rien. Comme il arriva plus tard pour Turenne, la défaillance religieuse commença pour lui par la défaillance morale. Lesdiguières vivait depuis de longues années dans un double adultère avec Marie Vignon, qu'il avait enlevée à son mari. Cette femme astucieuse et dévouée aux jésuites, se fit d'abord épouser (1617), puis ne laissa au

maréchal aucun repos qu'il n'eût fait le saut périlieux. Aussi quand, à la mort de Luynes, Louis XIII offrit au vieillard la charge de connétable, à condition de rentrer dans le giron de l'Eglise, la proposition fut-elle bien vite acceptée. « Je reconnaîs très bien, fit-il répondre au roi, qu'en l'état où sont les affaires, nul ne peut exercer cette charge, qu'il ne fasse profession de la religion catholique romaine, chose très dure à moi qui ai, toute ma vie, fait profession de la prétendue réformée... Si par-dessus toutes ces remontrances, Sa Majesté persiste, pour lui témoigner que je veux céder à toutes ses volontés, je supplie très humblement Sa Majesté de se contenter que pour lui plaire et obéir, je l'accompagne à la messe et vêpres, les entendrai avec lui, me dispenserai de faire ailleurs l'exercice de ma religion, attendant que Dieu et le temps y pourvoient par sa sainte grace. » Lesdiguières devint duc et pair, et eut le collier de l'ordre du Saint-Esprit. qui ne se donnait qu'aux catholiques. Un de ses contemporains, qui le connaissait bien, a porté de lui ce jugement trop véritable: «< Lesdiguières, vaillant et heureux, grand capitaine, père des soldats, puissant de sa personne; mais libertin, ami de son plaisir plus que de la cause, et d'ailleurs vieux. » Sa vie a été écrite par Videl, l'un de ses secrétaires. Voir aussi La France prot.; le Bulletin de l'hist. du prot. fr., I, 48; II, 299; V, 164; VII, 48; Anquez, I'n nouveau chapitre de l'hist. politique des Réformes de France, p. 371; Brantôme, Vie des grands capitaines. 0. DOUEN.

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LESLEY (John), évèque catholique écossais, né en 1527, mort en 1596. Il fit ses premières études à l'université d'Aberdeen, et, après avoir été pourvu d'un canonicat dès l'âge de vingt ans, visita les principales universités de France, Toulouse, Poitiers, Paris. Rappelé en Écosse en 1544 par la reine régente, il entra dans les ordres et devint vicaire général d'Aberdeen. Lors des troubles qui suivirent la mort de la régente, Lesley fut chargé par le parti catholique d'aller chercher en France Marie Stuart. Il rencontra la jeune reine à Vitry et la ramena en Ecosse en 1561. Marie Stuart le nomma conseiller de justice, membre du conseil privé et évèque de Ross. Pendant la captivité de cette princesse, il fit de grands efforts pour la délivrer; ses démarches n'ayant pas abouti, il essaya d'arriver au même but en ménageant un mariage entre la reine et le duc de Norfolk. Elisabeth irritée le fit emprisonner à la Tour. Il obtint sa mise en liberté en 1573 et se retira dans les Pays-Bas, d'où il continua d'intercéder en faveur de la royale captive. En 1579, il fut nommé suffragant du siège de Rouen, et dans une de ses tournées épiscopales faillit rester aux mains des huguenots qui lui extorquèrent trois mille pistoles. En 1593, il obtint l'évèché de Constance et finit ses jours dans le monastère de Guirtenbourg. On a de lui: Afflicti animi consolationes, Paris, 1574, in-8°; De origine, moribus et rebus gestis Scotarum, etc., Rome, 1578 Defence of the honour of Mary queen of Scotland, Liège, 1571, in-8°... LESLIE (Charles), çontroversiste anglais, fils du prélat écossais John Leslie, naquit en Irlande dans la première moitié du dix-septième siècle. Il fit d'abord des études juridiques, mais il les abandonna

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promptement pour se livrer à la théologie. Il entra dans les ordres vers 1680 et fut nommé chancelier de l'église cathédrale de Connor en 1688. Sous le règne de Jacques II, il lutta avec énergie contre les envahissements du catholicisme. Toutefois, obéissant à un scrupule de conscience, il crut de son devoir de rester fidèle à un prince qu'il n'aimait pas et le suivit à l'étranger. N'ayant pu le convertir au protestantisme et fatigué, d'ailleurs, de vivre en exil, il retourna en Angleterre en 1721 et mourut peu de temps après, le 13 avril 1722. Il a laissé un grand nombre d'écrits théologiques et politiques, dirigés contre la plupart des sectes religieuses ou philosophiques. On peut citer Etat des protestants en Irlande, 1692, in-4°; Methode courte et aisée pour combattre les Juifs, 1689; Etat présent du quakerisme en Angleterre, 1701, in-8°; Methode courte et aisée pour combattre les Deistes, 1694, in-8°; Le Socinianisme discuté, 1708. Tous ses écrits ont été réunis en deux volumes, Londres, 1721.

L'ESPINE (Jean de) appelé, dans des documents en latin, Spina ou Spinus, et dont les lettres portent la signature d'Espina et Despina, naquit vers 1506. Il fut d'abord moine, soit augustin, selon les uns, soil dominicain ou carme, selon les autres. On raconte (voir l'ouvrage de Ph. Vincent ci-dessous cité) qu'ayant souvent visité, en 1556, dans sa prison, Jean Rabec, dont Crespin (Hist. des Martyrs, édit. de 1608, p. 372 ss.) parle avec étendue, il s'efforça de le détourner de la religion réformée; mais la foi de Rabec et la constance avec laquelle il subit le dernier supplice, produisirent sur de l'Espine une impression profonde. « Demeurant pleinement résolu, à part soy, · que la doctrine dont il avoit tant disputé contre Rabec estoit néanmoins la vraye, il la prêcha, à Angers, l'espace d'un an (c'estoit toutesfois sans se descouvrir tout-à-fait et sans délaisser son habit); seulement, de temps en temps, il reprenait quelque abus, et surtout de se fier sur des indulgences, ou sur des pèlerinages, ou sur des suffrages après la mort; il exhortcit à se repentir de ses péchés et à embrasser la grâce de Dieu par Jésus-Christ. Veu qu'on n'estoit, du commencement, en aucune deffiance de luy, son sçavoir et son éloquence faisoient qu'on couroit à luy de tous les endroicts; mais, à la fin pourtant, il devint suspect, ce qui l'obligea de minuter sa retraite, et il se retira à Montargis, près Mme Renée de France, duchesse de Ferrare, qui estoit de la religion. » — Il fallait qu'en peu de temps, c'est-à-dire de 1560, date de la rentrée en France de Renée, au mois d'août 1561, date des préliminaires du colloque de. Poissy, de l'Espine eût été conquis sans réserve aux doctrines de la Réforme, et qu'il fût décidé à les professer désormais publiquement, puisqu'il <«< fut choisi » pour aller à Saint-Germain se joindre à la petite phalange des ministres et des docteurs qui allaient prendre part à la célèbre lutte de Poissy. D'Aubigné, sur ce point, se borne (Hist. univ., liv. II, ch. XXIII) à énoncer que ce fut lors du colloque de Poissy seulement que d'Espina se déclara. » Th. de Bèze est plus explicite; il écrit, le 12 septembre 1561, à Calvin (Baum, Beza, append., p. 60): Johannes à Spina totus noster est factus, confessionni nostræ subscripsit,

seque totum ecclesiæ judicio submisit. Nos illi vicissim non sine incredibili gaudio dextras præbuimus et plane judicavimus eum diem nobis felicissimum illuxisse.» - Après le colloque de Poissy, de l'Espine desservit l'Église de Fontenay-le-Comte, puis celle de La Rochelle. Il fut chargé, en 1564, d'établir le culte réformé à Montès, non loin de Provins, mais il quitta bientôt cette localité. Cl. Hatton (Mém., I, 385 à 389, parle avec son acrimonie et son exagération habituelles du séjour qu'y fit de l'Espine. Ce dernier, vers cette époque, publia à Lyon (in-8°, 1564), son Discours du vray sacrifice et du vray sacrificateur, « œuvre monstrant, par tesmoignages de la saincte Escripture, les abus de la messe et l'ignorance et superstions des prebstres. >> En la même année 1564, de l'Espine assista avec les ministres Pérussel et Laboissière, Éléonore de Roye, princesse de Condé, à son lit de mort. Une amie de cette pieuse princesse disait de lui, à ce sujet : « Environ sept heures du matin, dimanche, 23 de ce mois (juillet), M. de l'Espine poursuivit les exhortations et les prières; et, comme vous savez qu'il est riche et copieux en similitudes et comparaisons, il dict choses plus célestes qu'humaines. » Le pieux ministre, à quelques mois de là, consigna plusieurs choses de cette nature dans son Traité consolatoire contre toutes les afflictions qui adviennent ordinairement aux fidèles chrestiens (Lyon, 1565, in-8°), et, en 1566, il sut de nouveau remplir dignement l'office de consolateur chrétien auprès de Mme de Soubise, devenue veuve (voyez deux lettres de lui à cette dame. Bull. de la Soc. d'hist. du prot. fr., V, 18 à 21). Durant son séjour à Paris, dans le cours de la même année, il soutint avec Hugues Sureau, en présence du duc de Bouillon, une dispute publique contre deux théologiens catholiques (voir les actes de cette dispute publiés en 1566 à Strasbourg, in-8°, et en 1568 à Paris, in-8°), et il fit paraitre à Lyon son Traicté des tentations et moïens d'y résister (1566 in-8"). En 1567, il publia, à Genève, sa Défense et confirmation du Traicte du vray sacrifice et sacrificateur, à l'encontre des frivoles responses el argumens de M. René Benoist. En 1568, il devint pasteur à SaintQuentin (Bull. de la Soc. d'hist. du prot. fr., VIII, 454). La paix de Longjumeau, qui avait à peine le caractère d'une trève, allait être bientôt suivie d'une nouvelle prise d'armes, quand, le 24 juin de cette même année, de l'Espine adressa à la duchesse de Ferrare la lettre suivante que nous avons tout lieu de croire inédite et qui est intéressante à divers points de vue (Bibl. nat., mss. f. fr., vol. 3199, f54): «Madame, suivant la promesse que je vous fies, à mon partement, de vous escrire l'estat tant de nostre église que de mes affaires particulières, je vous envoye la présente pour vous advertir que, graces à Dieu, j'exerce ici ma charge paisiblement. Nous oyons beaucoup de menaces de divers endroits, mais nous espérons que Dieu nous maintiendra et qu'il dissipera les conseils de tous ceulx qui nous voudroient empescher de servir à sa gloire et à nostre vocation. Les affaires de la religion ont jusques icy heureusement succédé èspaïs-bas, et croy que Dieu nous donnera plus grande liberté, si nous continuons à l'invoquer, recognoissans que toutes nos prospérités

viennent de sa grâce; comme au rebours, je ne doubte point qu'il ne nous chastie encore et plus sévèrement qu'il n'ha fait jusques icy, si nous oublions ses grâces, comme nous avons accoustumé, et persévérons à l'offenser, ainsi que nous avons faict par cy-devant, car il n'y a rien qui l'irrite tant comme faict l'obstination des hommes quant les adversités et maulx qu'il leur envoye ne leur servent non plus à les réduire et amender que ses faveurs et bénédictions, ains qu'ils s'endurcissent, au battre, comme l'enclume et le fer. Ce qu'il nous convient faire de présent est que nous prions Dieu qu'il nous change par son esprit nos cueurs de pierre en cueurs de chair pour y escrire ses loix et sa saincte volunté, et qu'au surplus il modère la cholère et fureur de nos princes, les inclinant à suivre plutôt la raison en leurs conseils et délibérations, que leur cupidité et passions désordonnées. Il va un grand nombre de François en Flandres, comme l'on dict, sans que les gouverneurs qui sont sur la frontière les puissent aulcunement empescher. Dieu par sa grâce et sagesse pourvoira à tout, lequel je supplie, madame, vouloir garder vostre Excellence et vous donner en longue santé l'entière et parfaite félicité que je vous désire. De Môteurin, ce 24 de juin 1568... Ma femme vous remercie très-humblement du bien et de la souvenance que vous avez heu d'elle. Vostre très humble et très obéissant serviteur, D'Espina. » — En 1572, de l'Espine était à Paris; de Thou (Hist. univ., IV, 392) raconte, en ces termes, comment sans pouvoir réussir à sauver une mère de famille qu'il accompagnait, ce ministre, lors de la Saint-Barthélemy, échappa aux coups des assassins : « Madeleine de Briçonnet, veuve de Thibaud de Longuejoue, sieur d'Iverny, maître des requêtes, et nièce du cardinal Briçonnet, femme de mérite et qui avoit des lettres, se sauvoit, accompagnée de Jean d'Espina, ministre fort célèbre qui demeuroit chez elle, et tenant par la main Françoise de Longuejoue, sa fille, lorsqu'elle fut rencontrée par les meurtriers publics. Ceux-ci l'ayant reconnue sous un mauvais habit qui la déguisait, voulurent la forcer d'abjurer sa religion; mais n'ayant rien pu gagner, ils lui donnèrent plusieurs coups de javeline et la jettèrent à demi-morte dans la rivière. Des bateliers voyant qu'elle flottait sur l'eau, y coururent comme à un chien enragé, et lui donnèrent lentement et avec un plaisir barbare, cent coups de crocs pour la faire aller au fond. Pour le ministre, il ne fut pas reconnu et se sauva parmi la foule, et Marcel, survenant à propos, fit grâce à la fille à cause de sa jeunesse.»> En sortant de Paris, en 1572, de l'Espine s'était rendu à Montargis. Il quitta cette dernière ville après la mort de Renée de France, séjourna à Genève, et en juillet 1576 devint pasteur à Saumur. En 1578, il fut appelé à résider en la même qualité à Angers, dont il desservit l'Eglise pendant plusieurs années avec un zèle soutenu, qu'attesterait au besoin à elle scule une longue et belle lettre qu'il adressa de Saint-Jeand'Angély à cette Eglise, le 25 février 1586 (voyez Mémoires de la Ligue, Amst., 1758, in-4o, I, 293 et 299). De même que d'autres fidèles ministres, de l'Espine tenta de détourner Henri IV de tout projet

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