Images de page
PDF
ePub

du pharisien et du péager, du bon samaritain et à mille autres traits, on reconnaît le disciple de Paul. Il n'a pas sans doute retenu la dialectique rigoureuse de l'apôtre des gentils; mais il en a profondément subi l'inspiration. Il a modifié le récit de la sainte cène de Marc et de Matthieu d'après 1 Cor. XI, 23; il a justifié la mission de Paul et l'avènement des païens. Bref, l'Eglise a eu raison de voir dans le troisième évangile un écho de l'esprit paulinien comme elle voyait dans le second celui de la prédication de Pierre. Mais cette première vue, si juste soit-elle, n'est point complète. Luc autant par tempérament essentiellement pacifique, que dans l'intérêt apologétique qui lui faisait présenter le tableau de l'Eglise primitive au monde. païen, a d'instinct cherché à atténuer les conflits intérieurs ; il a insisté non sur ce qui divise, mais sur ce qui unit; il a relevé le fond commun entre Paul et les Douze, et l'on ne peut sérieusement l'en blamer: car il n'y a eu chez lui ni calcul ni mensonge mais seulement inspiration pieuse et vénération sincère. N'étant point exclusif, il a reçu des communications de toutes mains; il a oublié les disputes et n'a vu que la cause commune que tous ont servie. De là le caractère irénique et conciliateur qu'on relève dans ses deux écrits et dont on a voulu bien à tort lui faire un crime. La preuve de sa sincérité historique est encore sous nos yeux; elle est dans le soin qu'il a mis à rassembler et à fondre tant de documents de provenance diverse dans son propre récit. Les soudures n'ont pas été bien faites, ni les formes de style si bien changées qu'on ne puisse encore les signaler. Tantôt ce sont des documents venus de l'école de Paul, d'une langue correcte et souple comme la fin du livre des Actes, tantôt des documents araméens qui gardent la couleur hébraïque la plus prononcée comme les premiers chapitres de l'Evangile. A côté de la foi universaliste la plus nette, vous trouvez des parties d'un ébionitisme étonnant, comme les passages du troisième évangile sur les richesses, les pauvres, ou comme les premiers récits des Actes des apôtres, en sorte qu'on a pu tantôt présenter notre auteur comme un disciple de Paul et tantôt comme un judaïsant excessif. La vérité c'est que ces apparentes contradictions dans le sein de son œuvre ne tiennent pas à lui, mais à la nature des sources opposées où il a puisé, de sorte que si elles nuisent à l'unité du tableau, elles sont la preuve décisive de la naïveté sincère du peintre. Quant à la date où Luc écrivit, il est difficile de la préciser. Il a écrit certainement après l'an 70, en un temps où il existait déjà une première littérature évangélique assez riche et probablement avant l'an 100, en tout cas, avant le quatrième évangile dont l'auteur a connu le troisième. Un point non encore éclairci, c'est le vrai rapport entre lui et l'historien Josèphe son contemporain. De là peut-être, quand la critique aura mieux précisé ses premiers aperçus, viendra quelque lumière nouvelle. Pour les rapports entre le troisième évangile et les deux premiers, voyez l'article Synoptiques. Voyez aussi l'article Actes des apôtres. A. SABATIER.

LUC DE BRUGES (François), Lucas Brugensis, célèbre orientaliste, né à Bruges en 1549, mort à Saint-Omer en 1619. Archidiacre et

doyen de la cathédrale de Saint-Omer, il était profondément versé dans la connaissance des langues grecque, hébraïque, syriaque et chaldaïque, et prit part à toutes les entreprises bibliques de son temps, en particulier à la Polyglotte royale de Philippe II, publiée à Anvers. On a de lui, en outre: 1° No ationes in Biblia sacra, Anv., 1580, 1583, in-f°; 1584, in-4o; Leipz., 1657, in-f°; 2° Variæ Lectiones Veteris et Novi Testamenti, Vulgata latinæ editionis collectæ, 1580-83; 3° Romanæ correctionis in lat. Bibliis jussu Sixti V recognitis Loca insigniora, Anv., 1603; Venise, 1745; 4° Itinerarium Jesu Christi ex IV Evangeliis; 5° Commentarii in Evangelia, avec Notarum ad varias lectiones in IV Evangeliis occurentes libellus duplex, quorum uno græcæ, altero latinæ varietates explicantur, Anv., 1606, 4 vol.; 6o De usu chaldaicæ Bibliorum paraphraseos; 7° Conciones variæ; 8° Confessariorum instructio; 9° Sacr rum Bibliorum Vulgatæ editionis Concordantiæ, Anv., 1617; La Haye, 1712, 5 vol. in-f".

LUCAR. Voyez Cyrille Lucar.

LUC DE TUY. Lucas de Tuy, Tudensis, fut chanoine de l'église collégiale de Saint-Isidore à Léon, sa ville natale, diacre à Tuy, et de 1239 à 1250 évêque de cette ville. Un voyage en Terre sainte lui donna l'occasion d'étendre ses connaissances et d'entrer en relations avec le pape Grégoire IX et avec Elias, le successeur de saint François d'Assise. Contemporain de D. Rodrigo Jimenes, qui fut archevêque de Tolède de 1208 à 1245, il écrivit, comme ce dernier, une chronique d'Espagne. Ce livre, intitulé Chronicon de España, fut composé à la demande de D. Berenguela, mère de San Fernando III. Il est divisé en quatre parties, et amplifie et continue les chroniques d'Isidore de Séville, d'Ildefonse et de Julien, évêques de Tolède. La quatrième partie, qui traite du règne du roi San Fernando jusqu'à la prise de Cordoue en 1235, a été insérée dans les Actes des Saints à la date du 30 mai (4A. SS., Maii, VI), sous le titre de Vitæ brevioris pars prima. Ex Chronico Lucæ Tulensis coævi. L'œuvre complète a été publiée par And. Schott (Hispania illustrata, IV, Francf., 1608). Une autre œuvre du savant évêque a paru par les soins de Juan de Mariana, à Ingolstadt, en 1613, sous le titre de De altera vita, fileique controversiis adversus Albigensium errores; cf. Bibliotheca Patrum maxima, XXV, 488. On y trouve des notices intéressantes sur les doctrines de la secte des Albigeois et sur l'histoire de l'art chrétien. La première partie du manuscrit, dont Mariana s'était servi, contenait une vie de saint Isidore (Vita et historia translationis S. Isidori), qui fut imprimée dans les Actes des Saints, avec des notes de Nicolas Antonio AA. SS. Aprilis die IV, t. I). Une autre vie de saint Isidore parut, en langue espagnole, à Salamanque, en 1525 (Libro de los miraglos de san Isidoro, Salam., 1525), et servit de source au père Joseph Manzano, de l'ordre des dominicains, pour son livre intitulé: Vida y portentosos milagreos de el glorioso S. Isidro Arzobispo de Sevilla, Salam., 1732. Une étude attentive de ces diverses relations a amené D. Jos. Rodriguez de Castro (Biblioth. Españ., II, Madr., 1786, p. 567 ss.) à admettre que Luc, cédant à la prière du père provincial des domini

cains, Fr. Suero, et de l'abbé de Saint-Isidore, Juan Martin, inséra dans sa chronique des passages étendus sur la vie d'Isidore, qui de là passèrent, avec de nombreuses additions et diverses modifications, dans les études des auteurs postérieurs. Voyez sur Luc: Florez, Esp. sagr., III et XXII, p. 108 et 122; Nicol. Anton., Bibl. Vetus, II, 58. EUG. STERN.

LUCE I (Saint) occupa le siège de Rome, d'après M. Lipsius, de 253 au 5 mars 254, entre Corneille et Etienne Ier. La correspondance de Cyprien contient tout ce qui nous est parvenu de certain sur sa vie. Cyprien le félicite en un langage très élevé de son retour de l'exil qu'il avait subi en même temps qu'il était élu évêque : « L'évêque relégué et banni n'a pas manqué à son Eglise, mais est revenu à elle grandi par la persécution» (Ep. 61; cf. le Catal. philocalien). Une autre lettre de l'évêque de Carthage nous apprend que Luce a, comme Corneille, demandé le pardon des lapsi (Ep. 68). Les catalogues le font mourir le 25 août; la Depositio episcoporum, au contraire, le mentionne ainsi : III Non. Mar. Luci, in Calisto. L'Eglise le célèbre comme martyr, mais Cyprien n'emploie ce titre qu'au sens de confesseur. Son épitaphe s'est retrouvée au cimetière de Calliste (R. Sott., II, p. 62; Northcote-Allard, Rome souterraine; Northcote, Epitaphs, 1879); elle porte le nom de AOYKIΣ sans rien plus; il est vrai que la pierre est brisée. En tous cas, rien ne confirme les détails donnés par le Liber Pontificalis sur le martyre de saint Luce.

LUCE II (1444-1145). Gerhardo de Caccianemici, de Bologne, chancelier de l'Eglise sous Innocent II, régna entre Célestin II et Eugène III. Il mourut au couvent de Saint-Grégoire sur le Cælius, on ne sait si ce fut de douleur du triste état d'anarchie où il voyait Rome et de la défaite qu'il éprouva en voulant reprendre la ville, que lui disputait le Sénat, ou (la chose n'est racontée que par Geoffroy de Viterbe) d'un coup de pierre reçu à l'assaut du Vatican.

LUCE III (1181-1185). Ubaldo Allucingoli, cardinal-évêque d'Ostie, élu à Viterbe, fut pape après Alexandre III et avant Urbain III. Il se consuma dans la lutte contre les Romains. Il mourut à Vérone, où il était allé chercher un asile près de Frédéric Ier; il est enterré dans la cathédrale de cette ville. Le pape avait tenu à Bamberg, en 1184, un synode qui condamna les vaudois et les cathares: Catharos et Patarenos et eos qui se Humiliatos vel Pauperes de Lugduno falso nomine mentiuntur, Passaginos et Josephinos, Arnaldistas. Toutes les sources de l'histoire de ces deux papes sont dans Watterich, II. L'épitaphe de Lucius III décrit sa triste vie en quatre vers:

Luca dedit lucem tibi, Luci, pontificatum
Ostia, Papatum Roma, Verona mori.

Immo Verona dedit lucis tibi yaudia, Roma
Exilium, curas Ostia, Luca mori.

S. BERGER.

LUCERNE (Statistique ecclésiastique). Le canton de Lucerne, reçu dans la Confédération helvétique dès 1332, comptait, en 1870, 132,338 habitants. La grande majorité de la population est catho

lique; on compte seulement 3,902 protestants et 98 non chrétiens. L'Eglise catholique est considérée comme Eglise d'Etat, dans la mesure où le permet la constitution fédérale et jouit de toutes les faveurs du gouvernement lucernois. Pendant de longues années, le protestantisme a été poursuivi de toutes manières dans le pays; cependant, la pression des cantons protestants réussit enfin en 1826 à obtenir aux protestants lucernois l'autorisation de célébrer leur culte; mais cette tolérance ne fut accordée qu'à grand'peine après de longs débats dans le Grand Conseil, et pendant longtemps encore les autorités et le peuple ne perdirent pas une occasion de montrer à la jeune communauté combien elle était vue de mauvais œil. Cependant, en 1861, une petite église protestante fut inaugurée à Lucerne et depuis lors le culte y est paisiblement et régulièrement célébré. Dans la hiérarchie catholique, Lucerne fait partie du diocèse de Bâle-Soleure. Lors du conflit qui éclata entre l'évêque et les gouvernements à l'occasion de la proclamation de l'infaillibilité, Lucerne fut avec Zug, l'un des deux seuls cantons qui restèrent attachés à leur évêque. Celui-ci, M. Lachat, obligé de quitter Soleure, vint résider à Lucerne, où il est demeuré depuis lors et a vécu dans les meilleurs termes avec le gouvernement local qui est très dévoué à l'ultramontanisme. Le mouvement vieux-catholique suisse n'a pas trouvé d'écho dans le peuple des campagnes. Dans la ville de Lucerne il est arrivé à recruter quelques adhérents, mais en nombre insuffisant pour constituer une paroisse. Le clergé de l'Eglise catholique se compose d'un commissaire épiscopal, de 4 chapitres (sortes de petits diocèses comptant ensemble 76 paroisses desservies par 165 prêtres réguliers), de 2 chapitres de chanoines à Lucerne et à Bersmünster. Le seul ordre religieux d'hommes qui ait des établissements dans le canton est celui des capucins qui possède 3 couvents avec 49 moines. Comme ordres de femmes nous remarquons des capucines, des cisterciennes et des sœurs des hôpitaux. Les biens de ces communautés sont évalués (1877) à 1,600,000 fr. environ. Les couvents de femmes reçoivent une petite subvention de l'Etat. La législation lucernoise s'efforce d'être aussi favorable que possible à l'ultramontanisme. La constitution de 1863 déclare (art. 3) que « la religion chrétienne, catholique, apostolique et romaine est la religion du peuple lucernois; comme telle elle a droit non pas seulement à la garantie, mais encore à toute la protection de l'Etat. Les autres confessions chrétiennes peuvent librement pratiquer leur culte. «En 1869 et 1875, des revisions de la constitution s'exprimèrent d'une manière plus libérale et mirent ainsi la législation lucernoise mieux d'accord avec le texte et l'esprit des lois fédérales. D'après les lois actuelles la paroisse légale se compose de tous les électeurs politiques du ressort. A sa tête est un conseil de quatre à huit membres élu pour quatre ans et présidé par le curé ou, le cas échéant, le pasteur. La paroisse peut tenir des assemblées générales présidées par le curé (ou le pasteur) pour l'élection de son conseil, pour voter des impositions ecclésiastiques, pour approuver les comptes de la paroisse, etc. Le conseil d'Eglise, présidé par le

curé, administre les biens de la paroisse et de ses annexes, veille à l'entretien des bâtiments, du mobilier, etc., mais n'a aucune part à la direction spirituellé donnée à la communauté. Les curés sont nommés soit par les paroisses, soit plus souvent par le gouvernement considéré comme patron de la plupart des paroisses. Mais l'évêque reste le maître d'écarter les candidats qui ne lui paraissent pas bien qualifiés. L'esprit qui règne dans l'Eglise catholique lucernoise est, dans le clergé, l'ultramontanisme pur, chez les laïques pieux, un ultramontanisme tempéré de velléités libérales qui ne les empêchent pas d'être profondément attachés à leur foi. La communauté protestante de Lucerne dont le culte est autorisé depuis 1826 appartient au type réformé ; ses institutions et son culte se rapprochent de ceux de l'Eglise de Zürich. Bibliographie: Gareis u. Zorn, Staal u. Kirche in der Schweiz, 1877, t. I, p. 191-203; G. Finsler, Kirchliche Statis ik der ref. Schweiz, 1856, p. 128-131; A. Riggenbach, Taschenbuch für schweizerische Geistliche, 1876-1879; Staatskalender d. Cant. Luzern, 1879, etc. E. VAUCHER.

LUCIDE, Lucidus, prêtre français du cinquième siècle, que l'on croit originaire de la Provence. Il défendit la doctrine prédestinatienne de saint Augustin contre le semipélagianisme. C'est à ce titre que Fauste, évêque de Riez, l'accusa au huitième concile d'Arles, tenu en 475. Selon le témoignage de son adversaire, Lucide, condamné dans ce concile, y signa une rétractation complète dont le texte se trouve dans la Bibl. PP. Max., IV, p. 875 (Lucidi errorem emendantis libellus ad episcopos), avec l'écrit de son accusateur (Fauste Rejensis epistola ad Lucidum), qui a peut-être manqué de l'impartialité nécessaire pour présenter avec exactitude les opinions de sa victime. Le traité Prædestinatus, qui circulait alors sous le nom de Lucidus, est très certainement l'œuvre d'un semipélagien, intéressé à donner de la doctrine rivale une caricature plutôt qu'un portrait fidèle. On a beaucoup discuté au dix-septième siècle sur l'existence d'une secte particulière de prédestinatiens au cinquième siècle : les jésuites et les luthériens l'affirmaient, tandis que les jansénistes, les dominicains et les réformés la niaient. La science moderne a donné raison à ces derniers. Voyez Pagi, In Baron., VIII, 522 ss.; Hist. littér, de la France, II, 454 ss.; Gieseler, Kirchengesch., I, 648 ss.; Wiggers, August. u. Pelag., II, 225, 329, 346.

LUCIE (Sainte), vierge et martyre, naquit à Syracuse vers l'an 281. Dès sa jeunesse, elle se donna à Jésus et lui voua sa virginité à l'insu de ses parents, qui la fiancèrent à un jeune et riche païen. La légende raconte que Lucie, s'étant rendue à Catane pour visiter le tombeau de sainte Agathe, martyre de la persécution de Décius, la sainte lui apparut, lui promettant une mort glorieuse et une sainteté égale à la sienne. Remplie d'amour pour Jésus, Lucie lui sacrifia toute sa dot en la distribuant aux pauvres; mais son fiancé, irrité des refus de la jeune vierge et de la perte de tous ses biens, l'accusa de christianisme auprès de Paschase, gouverneur de Syracuse. Lucie est amenée devant lui, elle confesse hardiment sa foi et son vœu de virginité; le

« PrécédentContinuer »