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II, 13-15), ne font apparaître Marie qu'en quatre circonstances de la vie de Jésus 1° quand elle le chercha, à douze ans, dans le temple, au milieu des docteurs (Luc II, 41-51); 2o aux noces de Cana (Jean II, 1-12); 3° quand elle le demanda, avec ses frères, un jour qu'il parlait au peuple (Mat. XII, 46-50; Marc III, 34-35, et Luc VIII, 19-24; cf. XI, 27-28); 4° au pied de la croix (Jean XIX, 25-27). Ge dernier texte, où Jésus appelle sa mère yúval, fixe le sens du même mot dans le dialogue des noces de Cana: dans les deux textes, qúva: équivaut à « ma mère », comme traduit à bon droit M. Reuss, dont la liberté apparente en cela est plus exacte, et plus conforme au génie de la langue grecque, que le littéralisme des autres traducteurs (cf. Berger de Xivrey, Etude sur le texte et le style du N. T.). Mais si, à propos de Jean II, 4, l'exégèse protestante a pu se laisser entraîner quelquefois au delà du vrai par la réaction contre l'Eglise romaine, il ne résulte pas moins de ce passage et des autres que Jésus, fils d'ailleurs << soumis » (Luc II, 51) et tendre, et notre modèle en cela comme en tout le reste, mettait au-dessus de tout la « volonté » (Mat. XII, 50) et les « affaires » (Luc II, 49) de son père céleste. L'Evangile, et par son silence et par ses textes formels, répugne absolument à la mariolatrie: pour y trouver un mot qui la favorisât, il a fallu, dans la salutation angélique, traduire par gratia plena le xxαpitμév (Luc I, 28). De même on a détourné Mat. I, 25 (cf. 18) pour soutenir la virginité perpétuelle, mais les termes sont si précis que Bossuet lui-même s'en étonne, et s'écrie :« Pourquoi, saint évangéliste, avez-vous dit ces paroles?... Que ne disiez-vous plutôt... qu'elle fut vierge perpétuelle ? » (Elévat., XVI, 2.) Une question qui touche à celle-ci, sans toutefois se confondre avec elle, est celle si Jésus a eu des frères? Luc II, 7 (et peut-être aussi Mat. 1, 25, mais la leçon n'est pas sûre), l'appelle expressément fils premier-né de Marie. D'autre part, Mat. XIII, 55-56 et parall. (cf. Gal. I, 19; Jean VII, 3. 5. 10; Act. I, 14; 1 Cor. IX, 5) énumèrent les « frères et les sœurs de Jésus. » On a supposé, mais sans preuve, que ces frères et ces sœurs étaient issus d'un premier mariage de Joseph, dont il n'est plus question après la scène du temple, et qui dut mourir longtemps avant Marie. Quant à substituer, sous prétexte d'une identité partielle de noms (Jacques et Simon), les mots de « cousins» et de « cousines » à ceux de « frères» et de « sœurs », c'est faire, ici encore, trop de violence aux textes (voy. Godet, Comment. sur l'Ev. de saint Jean, 2° éd., II, 224-229). Nicéphore Calliste a recueilli, d'après Evode, etc., les légendes postérieures sur Marie, qui serait morte à cinquante-neuf ans (d'autres disent à soixante-douze), après avoir passé onze années dans la maison de saint Jean. Mais ces légendes, pour la plupart, ne méritent même pas d'être mentionnées. A peine les rares données des Evangiles suffisent-elles pour suggérer une idée du caractère de Marie, dont on peut dire cependant avec Elisabeth (Luc I, 42) qu'elle est « bénie entre les femmes, » et réellement pleine de grâce » au sens passif, non au sens actif des théologiens romains.Qui a plus reçu qu'elle, et qui a plus souffert? (II, 35.) Dieu,

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qui l'avait choisie pour être la mère de Jésus, l'avait sans doute choisie aussi pour exercer sur lui l'influence obscure, mais profonde, d'une telle mère sur un tel fils (II, 51. 52). L'art et la poésie n'auront jamais de plus gracieux ni de plus touchant idéal que celle qui fut mère avec l'innocence; et vierge avec l'amour. Voyez les Epoques et Caractères bibliques, par A. Bouvier, 1873.

II. CULTE DE MARIE. Trois causes ont préparé, jusqu'au cinquième siècle, le culte de Marie: la gloire de l'homme-Dieu, qui se reflétait sur sa mère, la haute estime où l'on tenait l'ascétisme et la virginité, enfin l'influence des cultes païens. On renchérit sur la virginité de Marie telle qu'elle est affirmée dans les Evangiles qui la limitent, comme on l'a vu, au temps qui précéda la naissance de Jésus. Epiphane combat l'hérésie de ceux qui n'admettaient pas la perpétuelle virginité de Marie, et l'évêque Bonose (voy. ce mot) fut déposé pour avoir soutenu que Jésus n'avait été que son fils « premier-né. » Mais comment concilier, quoi qu'il en soit, la virginité perpétuelle avec le fait même de l'enfantement de Jésus? Virgo, dit Tertullien, quantum a viro, non virgo quantum a partu. De même Origène (Hom. XIV in Luc). Mais Ambroise et Grégoire le Grand enseignèrent que Marie aurait enfanté clauso utero, comme Jésus ressuscité apparut à ses disciples januis clausis. Ces excroissances théologiques se développèrent dans une série de récits apocryphes qui ont pour source commune le protévangile de Jacques. L'Eglise, qui en a rejeté bon nombre, en a recueilli plus d'un trait dans sa tradition. Témoin le culte de sainte Anne, mère de Marie (voy. l'article). On était loin encore toutefois, notamment Epiphane (Hæres., LXXIX, Des Collyridiens), de vouer pour cela un culte à Marie, ou de lui adresser des prières. Il fallut l'influence des cultes païens, glorifiant les forces de la nature et les phénomènes de la génération, pour faire voir dans Marie le principe féminin coopérant à l'œuvre de la rédemption et de l'expiation. Elle fut la seconde Eve, comme le Christ était le second Adam. Quoique Epiphane déclare aux femmes qui se prétendaient prêtresses de Marie, et reproduisaient en son honneur les rites des Thesmophories, qu'elle n'est pas une déesse, l'Eglise, tout en les combattant, ne put toujours arrêter les empiètements du paganisme. Depuis le commencement du quatrième siècle, le nom antiscripturaire de « mère de Dieu,» Oεotóxos, fut employé de plus en plus, et devait mener loin. Nestorius y aurait voulu substituer celui plus exact de xprotoTÓKOS : <«< Abstenons-nous, disait-il, d'appeler Marie la mère de Dieu, afin de ne point tomber dans la tentation d'en faire une déesse, et de devenir des païens. » Sa défaite éclatante au concile d'Ephèse (431), qui combla le vœu populaire en décrétant la légitimité du Oɛotózos, consacra et précipita les progrès du culte de Marie et des saints. Ce fut désormais à qui invoquerait la reine du ciel et la mère de Dieu. En 608, le Panthéon de Rome lui était consacré par le pape. Plus l'on perdait de vue la sainte humanité du Christ, et plus la faiblesse et la corruption humaines avaient besoin d'un intercesseur toujours écouté auprès de sa majesté divine. Marie, et même ses reliques,

vont désormais faire des miracles (Grég. de Tours, Hist. Fr., IX, 42). Ses images se multiplient dans les églises, dans les rues, dans les maisons, et deviennent l'objet d'un véritable culte qui remplit et inspire tout le moyen âge. Pierre Damien montrera Dieu lui-même chantant tout le cantique de Salomon en l'honneur de Marie, et saint Bernard lui adressera des prières (Serm. II, De adventu Dei, cap. v). Depuis le onzième siècle, un office spécial lui est consacré dans les cloîtres, et le samedi lui est voué comme le dimanche à Jésus. Comme le sabbat est la porte du dimanche, ainsi Marie est la porte du ciel. Le mois de mai lui sera voué tout entier. On a fini, dans le Psalterium Mariæ magnum, par travestir tous les psaumes en prières à Marie, à qui sont transportés tous les attributs divins. Les ordres religieux rivalisèrent, comme il était naturel, de zèle pour Marie. Les carmélites, entre tous, se vantèrent de sa faveur spéciale, et leur sixième général, Simon Stock, reçut d'elle, en 1246, un scapulaire qui préservait du feu éternel. Les dominicains lui consacrèrent, depuis 1270, le rosaire, mais ils furent dépassés par les franciscains qui maintinrent contre eux sa conception immaculée (voy. l'article), querelle qui passionna tout le moyen âge.- La Réformation n'atténua que passagèrement hors de son sein le culte de Marie, qui, comme toutes les institutions du moyen âge, fut renouvelé et exalté par les jésuites. Plusieurs d'entre eux soutinrent que Marie était le centre caché de toute l'Ecriture, et même qu'elle avait eu plus de part encore que le saint Esprit à l'inspiration du Nouveau Testament. Des ordres innombrables de femmes furent fondés en son honneur: sœurs théatines de l'Immaculée conception, religieuses de l'Annonciation, de la Visitation, de la Présentation, des Sept douleurs, de l'Assomption, etc. Malgré les efforts des jansénistes, par exemple, pour endiguer le torrent de la superstition, l'Eglise romaine ne devait plus s'arrêter dans cette voie. En 1784, Alphonse de Liguori, canonisé depuis, publiait à Venise son livre: Les gloires de Marie, qui soutient qu'il faut passer par Marie, janua coli, pour arriver au paradis, que Christ n'y suffit point, que les prières de Marie sont des ordres pour Dieu, qu'elle peut même sauver des âmes de l'enfer, etc., etc. La politique de la hiérarchie romaine a favorisé cette tendance qui a érigé en dogme l'immaculée conception. Il «< convenait », dit Liguori, au Père d'exempter Marie du péché originel parce qu'elle est sa fille aînée (étant identifiée avec la Sagesse du livre des Proverbes et de l'Ecclésiastique, comme le fait de nos jours la liturgie romaine); cela convenait au Fils parce qu'elle devait être sa mère, et au Saint-Esprit parce qu'il l'avait choisie pour son épouse. C'est le fameux « argument de convenance » des théologiens romains. Il « convenait » aussi que Marie fût enlevée au ciel (voy. l'article Assomption). Il convenait sans doute qu'elle apparût à la Salette et à Lourdes. La littérature spéciale sur Marie supplée à la qualité par la quantité, et il faut nécessairement s'abstenir d'une énumération même réduite. Citons seulement, comme un des types les plus récents d'un romanesque équivoque et malsain, La Vierge Marie, par l'abbéMaynard.

MARIE, mère de Jacques le Mineur et de Joses (Mat. XXVII, 56; Marc XV, 40-47; XVI, 1; Luc XXIV, 10); qui fut présente à la mort et à l'ensevelissement de Jésus. Jean (XIX, 25). l'appelle femme et non mère (Winer, Gram. du N. T, 6o édit., 119) de Cléopas Alphée (voyez cet article et l'article Jacques). Il est probable d'après ce texte, malgré la négation beaucoup trop absolue de M. Reuss (Theol. Johanniq., 326), qu'elle était sœur de Marie, mère de Jésus, au moins sœur de père, aucun nom n'étant plus commun chez les Israélites, comme aujourd'hui en certaines contrées catholiques, que celui de Marie. De là la nécessité de ces surnoms: Marie, femme de Clopas, Marie de Magdala, Marie de Béthanie (Jean XI, 1).

MARIE DE MAGDALA, l'une des femmes, guéries par Jésus, qui le suivaient et qui l'assistaient de leurs biens (Luc VIII, 2; Marc XV, 40.41). Présente, comme Marie, mère de Jacques, à la mort et à l'ensevelissement du Christ (Mat. XXVII, 56.61; Marc XV, 40.47; Jean XIX, 25), elle fut, d'après saint Jean (XX, 1 et 11-18; cf. Marc XVI, 9), le premier témoin de sa résurrection. Les synoptiques (Mat. XXVIII, 1; Marc XVI, 1; Luc XXIV, 10; cf. 22) la nomment avec les autres femmes, mais toujours en tête. La plus ardente de toutes, elle partit vraisemblablement la première au matin de la Pâque, «< comme il faisait encore obscur, » dit Saint-Jean, « soit qu'on l'eût envoyée devant, ou que d'elle-même elle se soit avancée » (Calvin, Synoptiq., 730), et courut aussi la première avertir les apôtres du sépulcre trouvé vide (Jean XX, 1.2), pour y revenir aussitôt, et y rester pendant que les apôtres s'en allaient (10 et 11). Son amour fut récompensé... La tradition latine, pour avoir confondu l'onction des pieds de Jésus, en Galilée (à Naïn ?), par une pécheresse inconnue, avec celle qui eut lieu plus tard à Béthanie, par les mains de Marie, sœur de Lazare, a confondu les deux héroïnes, et, par surcroît, Marie de Béthanie avec Marie de Magdala. En sorte que de trois personnes elle en a fait une. En faveur de l'identification de la pécheresse et de Marie de Magdala, on remarque que celle-ci est nommée (Luc VIII, 2) parmi les femmes qui accompagnaient Jésus, après l'histoire de la pécheresse (quoique le verset 1 brise l'ordre chronologique). Mais, outre que cette conjecture serait aussi bien applicable à toutes les femmes nommées avec la Magdeleine, on ne comprend pas pourquoi Luc, qui viendrait de la désigner par l'épithète de pécheresse, en changerait aussitôt après pour l'appeler possédée. Au lieu de dire, comme il le fait, «< Marie de laquelle étaient sortis sept démons, » il dirait bien plutôt, comme saint Jean (XI, 2) de Marie de Béthanie, «< celle qui avait oint le Seigneur» (voyez l'article suivant et Deyling, Observationes, III, 21 ss., cité par Winer, de Wette, Meyer, Godet, Reuss, etc., etc). Il faut reconnaître que tant d'œuvres d'art, plus ou moins intéressantes, qui représentent la Magdeleine repentante, ont une base historique plus qu'incertaine. Selon la tradition grecque, Marie de Magdala, qui aurait été la fille de la femme cananéenne (Nicéph., H. E., I, 33), serait allée à Rome pour y accuser Pilate auprès de l'empereur (II, 10), et serait morte à Ephèse, lors d'une visite à la mère de Jésus chez

MARIE DE MAGDALA MARIE DE BETHANIE

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Jean l'apôtre. Selon la tradition latine, les juifs auraient mis dans un bateau sans rames Marie Magdeleine avec son frère Lazare, Marthe sa sœur, saint Trophime et saint Maximin, l'un des soixante-dix disciples, pour les faire périr, mais le navire aurait abordé à Marseille. Marie, après avoir fait pénitence dans diverses cavernes, aurait été enterrée par saint Maximin, et l'on admire encore au lieu de ce nom, non loin de Marseille, une superbe basilique où l'on conserve le chef de la sainte, qui porte au front la marque éternellement vive du noli me tangere. Lacordaire, dans sa Vie de sainte Marie Madeleine, a, contre <«< une science aveugle,» rajeuni toutes ces légendes, de toutes les magnificences de son style (voy. encore Monuments inédits sur l'apostolat de sainte Marie Madeleine en Provence, par l'abbé Faillon).

MARIE DE BETHANIE, sœur de Marthe et Lazare (Luc X, 38-42; Jean XI et XII), honorée de la particulière affection de Jésus (Luc X, 41.42; Jean XI, 28.33; XII, 7 et parall.), est celle, dit saint Jean, <«< qui oignit le Seigneur de parfum, et essuya ses pieds avec ses cheveux, » (Jean XII, 1-11; Marc XIV, 3-9 et Mat. XXVI, 6-13). Ces deux circonstances, et la coïncidence du nom de Simon, ont fait confondre Marie de Béthanie avec la pécheresse de Luc VII, 36-50. Mais, outre que l'un est Simon « le lépreux» (Marc XIV, 3; Matt. XXVI, 6), et l'autre Simon « le pharisien » (Luc VII, 36.37.39), on trouve un grand nombre de Simons dans le Nouveau Testament, dont deux parmi les apôtres. A côté de ressemblances fortuites et extérieures, des différences essentielles de lieux, d'acteurs, de temps, et par-dessus tout d'esprit, séparent profondément les deux récits de Jean (et parall.) et de Luc. Ici Béthanie aux portes de Jérusalem, là une ville de Galilée, ici un hôte empressé (Marthe servait), là un hôte douteux; ici la pieuse amie de Jésus blâmée par Judas pour sa prodigalité envers le Maître, là un pharisien repris par le Maître lui-même pour son formalisme envers une étrangère sans nom qui n'est connue que par ses désordres (Luc VII, 39); ici l'on est à la veille de la mort de Jésus (Jean XII, 1.7), là c'était au commencement ou au milieu de son ministère. Enfin, tandis qu'il y a de si irréductibles divergences entre Luc et Jean, comment se fait-il que l'accord soit au contraire si parfait, et l'on peut dire si littéral, entre Jean, Matthieu et Marc, à travers les légères incertitudes de la tradition orale en regard du récit d'un témoin oculaire qui respire encore l'odeur du parfum répandu (Jean XII, 3 ad fin.)? Aussi les pères grecs, plus près que les latins des sources orales et écrites, font-ils nettement la distinction. Origène et Chrysostome comptent même trois onctions de Jésus: 1° dans la maison de Simon le pharisien (Luc); 2° dans celle de Simon le lépreux (Mat. et Marc); 3° à Béthanie (Jean). De même Théophylacte distingue trois femmes qui oignent Jésus: la pécheresse chez Luc, la femme dans la maison de Simon le lépreux, la sœur de Lazare. Dans les Constitut. apostoliq. (III, 6), Marie Magdeleine est distinguée de Marie sœur de Lazare. On retrouve l'une et l'autre opinion dans Jérôme qui occupe une place à part, sur la limite entre les deux Eglises, grecque et latine, et les deux classes de théologiens. Tertul

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