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diverses époques, par des théologiens orthodoxes à leurs adversaires qu'ils accusaient de favoriser l'indifférence en matière religieuse, ent rendant, par leur doctrine, trop large la voie du salut. C'est ainsi que Bayle, dans son ouvrage intitulé Janua cælorum omnibus reserata, fait voir à Jurieu, dont le pamphlet La religion du latitudinaire (1696), dirigé contre l'Anglais Bury, avait causé un certain émoi que, suivant ses principes, on peut faire son salut dans toutes les communions chrétiennes, quelles que soient les erreurs qu'elles professent et que, par conséquent, les protestants ont eu tort, d'une part, de rompre avec l'Eglise catholique, et, de l'autre, de refuser la tolérance aux sociniens, aux arminiens et même aux juifs, aux mahométans et aux païens. Bossuet, dans son Sixième avertissement aux protestants, 3o partie, a traité cette même question, et montré que le sentiment des latitudinaires, ou l'indifférence en fait de dogmes, est une conséquence inévitable du principe sur lequel est basée la Réforme, savoir que l'Eglise n'est point infaillible dans ses décisions et que personne n'est obligé de s'y soumettre sans examen. Vainement les protestants ont eu recours à la distinction des articles fondamentaux et non fondamentaux: de leur propre aveu, cette distinction ne se trouve pas dans l'Ecriture sainte. Bossuet montre que, pour réprimer les latitudinaires, qui se trouvent en grand nombre parmi les calvinistes de France comme parmi ceux d'Angleterre et de Hollande, les protestants ne peuvent employer aucune autorité que celle des magistrats. Mais ils se sont ôté d'avance cette ressource, en s'élevant contre les souverains catholiques qui n'ont pas voulu tolérer le protestantisme dans leurs Etats, et en blåmant les Pères de l'Eglise qui ont imploré, pour maintenir la foi, le secours du bras séculier. On réserve plus particulièrement le nom de latitudinaires (latitude-men) aux protestants qui représentèrent au dix-septième siècle dans l'Eglise anglicane la tendance religieuse libérale, en opposition avec le fanatisme épiscopaliste et puritain. Leurs principaux représentants étaient Abbot, Carlton, Hall, Cudworth, Burnet, Tillotson, Whiston, Spencer, Bury et d'autres. L'aveuglement de l'esprit de parti rendit bientôt le nom de latitudinaire synonyme de socinien, d'hérétique, de déiste et même d'athée. Cette tendance, très respectable lorsqu'elle procède non de l'indifférence mais de la foi, revit dans le parti de la broad church, qui compte parmi ses membres des hommes éminents, tels que Coleridge, Arnold, Maurice, Kingsley et le doyen Stanley.

LATOME (Barthélemy), né en 1485 à Arlon, dans le duché de Luxembourg, mourut à Coblentz vers 1566, âgé de quatre-vingts ans. D'abord professeur de rhétorique à Cologne, puis principal au collège de Fribourg en Brisgau, il fut appelé en 1534 par François Ier à la chaire d'éloquence au Collège de France, que ce monarque venait de fonder. Mais, craignant d'être impliqué dans la fameuse affaire des placards, il se cacha pendant quelque temps. La tempête s'étant calmée, il reprit les fonctions de sa charge et enseigna avec un certain succès jusqu'en 1542, époque à laquelle il se rendit à Coblentz pour y devenir conseiller de l'électeur-archevêque de Trèves. Dès

lors, il eut à soutenir des controverses longues et ardentes avec les théologiens luthériens, notamment avec Martin Bucer, il soutint son parti avec un zèle qui lui valut la faveur des grands et en particulier de Charles-Quint. Ses ouvrages de controverse ont été recueillis en un vol. in-4°. On a encore de lui des Notes sur Térence et Cicéron. On trouve ces dernières dans l'édition des œuvres du grand orateur romain, donnée par Jean Oporin (Bâle, 1553, in-fo).

LATOME (Jacques), né vers l'an 1475, à Cambron, dans le Hainaut, et mort à Louvain, le 29 mai 1544, fut un des théologiens scolastiques les plus fougueux de son époque. Docteur et professeur en théologie de l'université de Louvain, il écrivit contre Luther et contre Erasme avec beaucoup de violence. Savant, du reste, il écrivait le latin avec facilité; son érudition était fort étendue, mais son style était rude et parfois même grossier. Appelant sur ses adversaires les rigueurs de la puissance séculière, il blàmait en outre l'étude des langues anciennes et la lecture des saintes Ecritures. Il a donné un Traité de l'Eglise et un Traité de l'étude de la théologie, dans lequel il plaide en faveur de la scolastique. Tous ses livres de controverse qui sont nombreux, ont été recueillis par son neveu Jacques Latomus, dans un volume in-f° qui parut à Louvain en 1550.

LA TOUR D'AUVERGNE (Henri de), vicomte de Turenne, fils de Henri de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon (voir ce mot) et d'Elisabeth de Nassau, fille du prince d'Orange, naquit à Sedan en 1641. Il montra très peu de dispositions pour l'étude, et, à peine âgé de douze ans, alla faire l'apprentissage des armes sous ses oncles Maurice d'Orange et Henri de Nassau. Il revint à l'âge de dix-neuf ans et obtint un régiment; treize années plus tard il était maréchal de France (1643) et l'un des plus grands capitaines de son siècle. La valeur impétueuse de Condé avait quelque chose de plus brillant; la sienne, toute de prudence et de calcul, comme il convenait au premier tacticien d'Europe, était plus sûre et plus féconde en résultats. Sa campagne sur le Rhin de 1643 et 1644 montra tout ce que peut l'habileté contre un ennemi supérieur en nombre. Bien que battu à Mariendal (1645) par Mercy, il le força cependant à reculer. A Nordlingen, Condé, qui commandait en chef, le félicita sur le champ de bataille comme le véritable vainqueur. L'année suivante, par des marches hardies et la prise de places importantes, il contraignit l'électeur de Bavière à demander la paix. Celui-ci l'ayant violée presque aussitôt, Turenne retourna en Allemagne, défit Melander et Montecuculli à Sommerhausen, s'empara de presque toute la Bavière et imposa à l'ennemi le traité de Westphalie (1648). Au commencement des troubles de la Fronde, Mazarin s'efforça de s'attacher le victorieux capitaine; mais les charmes de Mile de Longueville l'emportèrent sur les offres du ministre. Turenne rentra en France avec - des intentions menaçantes et ne s'enfuit en Hollande qu'après avoir été abandonné de ses troupes, adroitement débauchées par Hervart. Revenu à la paix de Ruel (1649), il embrassa ouvertement le parti de la Fronde après l'arrestation des princes (1650), arma avec l'argent

des Espagnols, s'empara d'une dizaine de places du nord de la France et marcha sur Vincennes. Lorsque les princes eurent été délivrés, il revint à Paris (1651), où il épousa Charlotte de Caumont La Force, femme supérieure par son instruction, son caractère et sa piété presque sans égale. Dès lors il devint le plus ferme défenseur de la cour, battit Condé dans le faubourg Saint-Antoine et l'obligea de se retirer dans le Luxembourg. Cette campagne sauva la monarchie et affermit pour trop longtemps la toute-puissance du despotisme. Dans celles qui suivirent il battit encore Condé à Arras (1654), aux Dunes (1657), et contribua par ses victoires à la paix des Pyrénées (1659). En 1660 il fut créé maréchal général; c'était la plus haute dignité militaire du royaume depuis la suppression de la charge de connétable. Louis XIV lui dit en recevant son serment : « Il ne tient qu'à vous que ce soit davantage », lui offrant ainsi l'épée de connétable au prix d'une abjuration. Turenne refusa, bien que depuis longtemps déjà, grâce à son ignorance des questions religieuses, à l'air de la cour qu'il respirait, aux convertisseurs de tout rang qui l'assaillaient sans cesse et le mettaient aisément dans l'impossibilité de répondre, il se persuadat que la différence des deux religions était minime. On avait surtout réussi à l'effrayer sur les conséquences de la liberté d'examen. Au lieu de s'appliquer, comme Gassion, à la lecture de l'Ecriture sainte pour éclaircir ses doutes, il ne lisait que les ouvrages de Port-Royal et ceux de quelques ministres apostats; en un mot, ib se laissait glisser sur la pente et n'était retenu que par l'influence de sa femme et celle de ses sœurs, fort ardentes pour la religion. Malheureusement il perdit sa femme en 1666; dès lors sa chute était probable. La campagne de 1667 porta au comble sa réputation; mais le roi, mécontent de son obstination, lui fit mystère de l'expédition de la Franche-Comté et en donna le commandement à Condé. C'était un commencement de disgrace. La déplorable passion de Turenne pour Mme de Coetquen, maîtresse de l'infâme duc de Lorraine, et la faute grave qu'il commit en dévoilant à cette dangereuse Circé, dressée à la trahison par son amant, le secret du traité franco-anglais conclu par l'entremise de Madame, portèrent un dernier coup à ses scrupules. Convaincu que, s'il ne cédait, la nouvelle Armada mystérieusement préparée pour la conversion de l'Angleterre, serait confiée à un autre, il fit le saut périlleux et attribua l'honneur de sa conversion à l'Exposition (inexacte et affaiblie) de la doctrine de l'Eglise catholique, ouvrage de Bossuet dont le manuscrit avait déjà servi à colorer l'abjuration d'un plat courtisan, le marquis de Dangeau (1665) et celle de son frère, le marquis de Courcillon (1667). Turenne abjura donc en 1668, et les protestants, jusque-là fiers de leur héros, s'indignèrent de cette apostasie d'autant plus facile à prévoir qu'elle avait un certain caractère de sincérité. Turenne ne tarda pas à tremper (1670) dans une tentative peu honnête d'amener les ministres de la Champagne, de la Picardie et de l'Ile-de-France, à la « réunion »>, dont il reprit le projet longtemps caressé par Richelieu. Ce n'est pourtant pas lui, mais son frère aîné Frédéric-Maurice, converti dès

1637, qui fit don aux Nouvelles Catholiques d'une maison située rue Neuve-Saint-Eustache, destinée à recevoir les jeunes protestantes qu'on y contraignait à renier leur culte. - Rentré en faveur, Turenne remporta les plus brillants succès dans la campagne de Hollande (1672), dans celle d'Allemagne (1673), dans celle de la Franche-Comté et du Palatinat (1674), dont il eut le triste honneur de commencer le ravage (trente villages ou bourgs livrés aux flammes), continué par ordre de Louvois en 1688, et qui valut à la France de si cruelles haines non encore éteintes. Enfin il avait amené Montecuculli à combattre à Saltzbach, lorsqu'il fut tué par un boulet (1675). On découvre du chemin de fer de la rive gauche du Rhin la colonne élevée à l'endroit où il fut frappé. Fléchier prononça son oraison funèbre, dont le passage le plus remarquable: « Turenne meurt, tout se confond, etc.,» rappelle seul la grande éloquence de Bossuet glorifiant le prince de Condé. La vie de Turenne a été écrite par Courtilz, Raquenet, Ramsay, et Frémont d'Ablancourt lui a consacré une notice restée manuscrite. Voir Collection des lettres et mémoires trouvés dans le portefeuille du maréchal de Turenne, publiée par le comte de Grimoard, Paris, 1782, 2 vol. in-fo; Haag, La France prot.; E. Benoit, Hist. de l'édit de Nantes; Michelet, Hist. de France, XIII; Bullet. de l'hist. du prot., 2° série, VII; X, 124.

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O. DOUEN.

LATRAN était dans l'histoire romaine le nom d'un homme, Plautius Lateranus, patrice ou consul désigné, qui fut mis à mort, l'an 65, par Néron (Tacite, Annales, 15, 49, 53) pour avoir conspiré contre lui. Il fut donné ensuite à l'un des plus beaux palais de Rome (domus Lateranorum), situé sur le mont Cœlius, près de la porte Latine, confisqué par Néron sur les biens de cette famille (Juvénal, Satires, 10, 17), et fréquemment habité par les empereurs. La tradition prétend que Constantin en fit don au pape Sylvestre avec la basilique qui passe pour être la plus ancienne de Rome (basilica Constantini, ecclesia Sancti Salvatoris), et qui devint l'église de SaintJean de Latran, à cause de l'image de Jean-Baptiste qui se trouvait sur le baptistère. D'autres prétendent que Latran vient plutôt de later, brique. Saint-Jean de Latran fut la première résidence des papes. Il s'y est tenu onze conciles dont quatre généraux ou есиméniques, en 1123, 1139, 1179 et 1215. Le premier concile, dont nous savons qu'il fut tenu dans la basilique de Latran, est celui de 649, sous Martin Ier, contre les monothélètes; ceux qui suivirent se placent sous le pontificat de Pascal II (1099-1118), pendant la querelle des investitures. C'est sous Calixte II, en 1123, qu'eut lieu le neuvième concile ou le premier concile romain œcuménique, dans lequel on fit plusieurs canons touchant la discipline, surtout contre la simonie, contre le pillage des biens de l'Eglise, contre l'ambition des moines qui usurpaient la juridiction et les fonctions ecclésiastiques. Le deuxième concile œcuménique fut tenu l'an 1139, sous le pape Innocent II. Son premier soin fut d'éteindre le schisme formé par Pierre de Léon ou l'antipape Anaclet, et de réformer les abus qui s'étaient introduits à cette occasion. Il condamna ensuite les erreurs

de Pierre de Bruis et d'Arnaud de Brescia, l'un des disciples d'Abélard. Le troisième concile de Latran, l'an 1179, fut présidé par Alexandre III, et il fut encore destiné à éteindre un nouveau schisme formé par l'antipape Calixte, soutenu par l'empereur Frédéric. Il condamna les vaudois, les cathares et les albigeois. Il renouvela les canons des conciles précédents touchant la discipline, et fit de nouveaux efforts pour repousser le brigandage des seigneurs, le luxe des prélats, le dérèglement des ordres, soit militaires, soit religieux. Le quatrième concile fut convoqué, l'an 1215, par Innocent III: 71 archevêques, 413 évêques, 800 abbés, les patriarches de Constantinople et de Jérusalem, les légats d'autres patriarches et les ambassadeurs de nombreux souverains temporels y assistèrent. Il élabora soixante-dix canons de discipline, établit la présence réelle de Jésus-Christ dans l'eucharistie, en employant pour la première fois le terme de transsubstantiation, pour exprimer le changement du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Il condamna les hérésies de Joachim de Flore, d'Amaury de Bène, des albigeois et des vaudois, ordonna une paix de Dieu générale ainsi qu'une nouvelle croisade, essaya une union avec l'Eglise grecque, prescrivit l'établissement de maîtres de grammaire dans les églises cathédrales et collégiales et de théologaux dans les églises métropolitaines, détermina que les fidèles seraient tenus de se confesser, au moins une fois l'an, à leur propre prêtre, et de recevoir l'eucharistie au moins à Pâques. Le dernier concile de Latran fut tenu, en 1725, par le pape Benoît XIII. -Voyez les ouvrages d'Adler et de Gregorovius sur la Ville de Rome; l'Histoire des conciles de Hefele; la Collection des conciles de Mansi; le Gallia christiana, tome III; le Dictionnaire de Moroni, où sont cités les auteurs qui ont spécialement traité des conciles de Latran, et parmi lesquels nous ne nommerons que Buddée, De conciliis Lateranensibus rei christianæ noxiis, Jenæ, 1725.On appelle chanoines de Latran une congrégation de chanoines réguliers dont le chef-lieu est l'église de Saint-Jean de Latran. Quelques auteurs ont prétendu qu'il y avait eu à Rome, depuis les apôtres, une succession continuelle de clercs vivant en commun et attachés à cette église; mais ce ne fut que sous Léon III, vers le milieu du huitième siècle, qu'il se forma des congrégations de chanoines réguliers vivant en commun. Il est donc faux de soutenir que les clercs de SaintJean de Latran aient possédé cette église pendant huit cents ans, jusqu'à Boniface VIII qui la leur enleva. Eugène IV, cent cinquante ans après, y rétablit les anciens possesseurs. Aujourd'hui une partie de ces chanoines sont des cardinaux.

LA TRAPPE. Voyez Trappistes.

LATRIE, de hárpts, serviteur. Dans l'origine, la λarpɛía désignait le respect, les services et tous les devoirs qu'un esclave rend à son maitre; de là on s'est servi de ce terme pour signifier le culte que nous rendons à Dieu. L'Eglise catholique distingue la latrie de la dulie (doùos, serviteur), qui est le culte rendu aux saints, afin de témoigner que ce culte n'est point égal à celui que l'on rend à Dieu,

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