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tempéré par une sorte d'enjouement qui sicd à son age, traite avec une grâce pleine de charme, quand on l'y invite, les mystères de notre foi. » Marguerite veillait sur lui avec une touchante sollicitude. Après le supplice de Louis de Berquin elle redoubla de vigilance, et quand elle vit, vers la fin de mai 1530, que Le Fèvre, qui remplissait alors à Blois les fonctions de bibliothécaire de François Ier, courait risque d'être poursuivi de nouveau, elle pria le grand maître Anne de Montmorency d'obtenir du roi son congé et elle lui offrit une retraite. auprès d'elle à Nérac. Il paraît avoir été vraiment en danger en ce temps-là. Le bruit se répandit même au dehors qu'il avait été brûlé vif. Clément VII désirait qu'on pût le ramener par la douceur. Il avait recommandé à Jérôme Aléandre, son nonce en Allemagne, d'en rechercher l'occasion, et celui-ci y était tout porté. « Au fond, ses erreurs sont peu de chose, écrivait-il au secrétaire du pape à la fin de 1531, bien qu'au début la nouveauté les ait fait paraître grandes ; car c'était alors chose inouïe que de changer la moindre syllabe et même de corriger un texte altéré par la faute des copistes dans l'ancienne version dont se sert l'Eglise. Mais aujourd'hui qu'il s'agit de tout autre chose que de traduction, il semble qu'une version nouvelle où ne se trouve introduite nulle mauvaise doctrine est une affaire de minime importance. » Aléandre pensait donc que si Le Fèvre rétractait. par écrit quelques passages, tout s'arrangerait aisément (Herminjard. II, 388). Il n'en fut rien. Le jeune Calvin, qui devait donner bientôt une si puissante impulsion à la Réformation, alla voir à Nérac, en 1534, le vieillard octogénaire qui l'avait préparée en France. Une dispute théologique devait avoir lieu l'année suivante à Genève. Farel aurait souhaité que « le pieux Le Fèvre » qui avait appris en versant des larmes et en en rendant grâce à Dieu, de quelle manière s'organisaient les églises, y pût assister (Herminjard, III, 295). Ce témoignage ne laisse aucun doute sur ses sentiments à la fin de sa vie. Le Fèvre est mort un an environ après la procession à laquelle François Ier assista à Paris le 29 janvier 4535 avec ses trois fils, et pendant laquelle six luthériens furent brûlés à petit feu sur les principales places. Depuis lors beaucoup d'autres condamnations d'hérétiques au même supplice avaient été prononcées et exécutées. Le Fèvre en devait ressentir habituellement une profonde tristesse. Un jour, c'était en l'un des premiers mois de 1536, qu'il se trouvait avec d'autres convives à la table de la reine de Navarre, celle-ci fut frappée de son air abattu et lui en demanda la cause. « Il est bien naturel, lui répondit-il, alors que tant de personnes souffrent la mort pour la confession de l'Evangile que je leur ai enseigné, que je m'afflige de ne pas avoir su mériter le même sort » (A. Rivet, De senectute bona. Opera, II, 1266). Après le repas, il se coucha fortement angoissé, se reprochant de ne pas avoir confessé la vérité assez ouvertement. Gérard Roussel, qui se tenait près de son lit, réussit à le calmer en l'exhortant à mettre toute sa confiance en Christ, et c'est dans ce sentiment qu'il rendit son âme à Dieu (Herminjard, III, 400). Le Fèvre fut enterré dans l'église de Nérac, sous un marbre que Marguerite de

Navarre avait fait préparer pour sa propre sépulture (Dictionnaire de Bayle). Florimond de. Rémond dit avoir lu ces mots sur sa tombe : Corpus humo, mentemque Deo, bona cuncta relinquo ·

Pauperibus: Faber hæc, dum moreretur, ait.

On trouve huit lettres de Le Fèvre dans la Correspondance des Réformateurs, publiée par M. Herminjard: trois d'entre elles, l'une adressée à Beatus Rhenanus, les deux autres à Farel, sont inédites. M. Graf a inséré en 1832 dans la Zeitschrift für die historische Theologie une étude sur sa vie et ses écrits, plus étendue que l'Essai (Strasbourg, 1842), mentionné dans cet article. H. LUTTEROTH.

LÉGATS (legatus, de leg tre, delegare, envoyer) désigne les ambassadeurs que les papes envoient aux princes souverains ou aux Etats avec un caractère particulier d'autorité et les marques de leur dignité, c'est-à-dire le chapeau, l'anneau et la croix, qu'ils reçoivent d'un cardinal ou d'un évèque célébrant pontificalement. De bonne heure, les évêques de Rome ont cherché à fortifier le lien qui les unissait aux diverses Eglises de l'Occident et à défendre les droits qu'ils s'étaient arrogés sur elles par l'envoi de représentants extraordinaires. La décision du concile de Sardique donna force de loi à cette institution : « Quod si is, qui rogat causam suam įterum audiri, deprecatione sua moverit episcopum romanum, ut de latere suo presbyteros mittat erit in potestate ejus, etc.» (Conc. Sardic., c.7, 36). L'institution de légats permanents s'étant heurtée au mauvais vouloir des évêques et des métropolitains jaloux de leurs prérogatives, la cour de Rome se décida, à partir du onzième siècle, à ne plus envoyer, dans les provinces étrangères soumises à son autorité, que des représentants. temporaires, munis de pleins pouvoirs pour régler les affaires disciplinaires des Eglises. Leur attitude hautaine, les empiètements qu'ils se permirent sur les droits des évêques, les exactions dont ils se rendirent coupables et la prodigalité scandaleuse dont ils faisaient montre couvrirent ces légats d'une juste impopularité et excitèrent partout la plus vive indignation. Dès le douzième siècle, Rome ne pouvait plus envoyer de légats sans le vœu ou du moins l'autorisation spéciale des princes, qui se réservaient d'examiner les instructions que le siège pontifical leur avait données, bien que ce dernier menaçât d'excommunication et d'interdit ceux des princes et des pays qui refuseraient de recevoir un légat: tel fut notamment le cas pour la France, l'Espagne, l'Angleterre, l'Ecosse, etc. Les décrétales de Grégoire IX (De officio legati, I, 30; VI, 15) distinguent : 1° les legati nati, c'est-à-dire ceux qui tiennent leur dignité du siège archiepiscopal (primat d'un royaume) auquel elle est attachée, avec le droit de juridiction exercé concurremment avec les évêques sur toute la province ecclésiastique. A partir du seizième siècle, les privilèges des legati nati disparaissent les uns après les autres, et les dignitaires qui en étaient revêtus ne conservèrent plus le nom qu'à titre honorifique (voyez Schott, De legatis natis, Bamberg, 1788); 2° les legati missi ou dati, que le pape envoie pour remplir des mandats déterminés, et sans qu'il ait l'obligation de les choisir

parmi les cardinaux : ils sont vêtus de rouge et montent un cheval blanc avec des éperons d'or; ils exercent certains privilèges particuliers, comme celui de distribuer des indulgences pour plus de cent jours et moins d'une année. On leur donne aussi le nom de nonces ou d'internonces apostoliques; 3° les legati a latere, c'est-àdire les légats cardinaux, qui sont toujours aux côtés du pape comme ses conseillers (collaterales, laterales). Ils sont les propres représentants de la puissance spirituelle souveraine et ont le pouvoir de suspendre l'autorité des évêques, de lever l'excommunication, de distribuer les bénéfices, de confirmer les élections des évêques, de régler les exemptions, d'interpréter les décisions pontificales. Ils font porter la croix devant eux et se font entourer d'un cérémonial très compliqué (voyez P. A. Gambarum, Tractatus de officio atque auctoritate legati de latere, Venet., 1571; S. F. de la Torre, De auctoritate, gradu et terminis legati à latere, Rom., 1656 ; Wagenseil, Dissert. de legato a latere, Altdorf, 1696). Les plaintes causées par les agissements arbitraires des légats amenèrent certaines modifications dans ces décrétales, surtout depuis le seizième siècle. Le concile de Trente affranchit la juridiction épiscopale des entraves que pouvait lui imposer la volonté des légats (sess. XXIV, cap. 20, De reform.). D'autre part, la Réformation amena l'établissement de nouvelles nonciatures, telles que celle de Lucerne (1579), de Vienne (1581), de Cologne (1582), de Bruxelles (1588), etc., etc. Les changements intervenus dans les rapports de la papauté et des divers Etats depuis la Révolution française, ainsi que la plus grande facilité des communications des évêques avec la cour de Rome (visitatio liminum), ont restreint notablement l'envoi des légats et rendu leur intervention à peu près inutile, sans que pourtant l'institution elle-même ait été supprimée. En France, et dans la plupart des pays catholiques, l'ambassadeur du saint-siège auprès du gouvernement porte le titre de nonce ou d'internonce. L'article 2 du concordat de 1801 porte « Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commissaire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne pourra, sans l'autorisation du gouvernement, exercer sur le sol français ni ailleurs, aucune fonction relative aux affaires de l'Eglise gallicane. » L'abbé André, dans son Cours alphabétique de droit canon, a énuméré les quatre-vingt-deux cas dans lesquels l'autorité des légats est nulle en France, d'après la législation française, bien que les papes leur donnent des pouvoirs contraires à cette législation dans la plupart desdits cas. - Voyez Thomassin, Vetus ac nova ecclesiæ disciplina, pars I, lib. II, passim. ; Constant, De antiquis canonum collectionibus, no 23-25; Galland, De vetustis canon.collect., I, 23 ss.; P. de Marca, De concordia sacerdotii ac imperii, lib. V; Ferraris, Bibliotheca canonica, s. v. Legatus; Binterim, Denkwürdigkeiten der christkathol. Kirche, III, 179 ss.; Miruss, Das europ. Gesandtschaftsrecht, Leipz., 1847, passim; Schulte, Das kathol. Kirchenrecht, Giessen. 1856, II; Moroni, Dictionnaire, XXXVII, p. 265 ss.; Jacobson, dans la Real-Encykl. de Herzog, VIII, 269 ss.

LÉGENDE, terme qui désignait les extraits des actes des saints ou des martyrs qu'on devait lire (legenda) à l'office divin ou dans le réfectoire d'une communauté et que, en matière liturgique, on appelle aujourdhui leçons. De là, ce terme a été naturellement appliqué aux récits eux-mêmes. Il est inutile de nous étendre ici sur l'origine, la valeur historique, littéraire et morale des légendes des saints (voyez les articles Acta sanctorum, Bollandistes, Mythe, etc., etc.). Nous dirons seulement que leur importance, comme expression de la piété et des mœurs religieuses de l'époque qui les a vu naître, est de plus en plus généralement reconnue. L'Eglise romaine elle-même n'oblige d'ailleurs personne à croire tout ce qui est contenu dans les légendes; elle retranche aujourd'hui des bréviaires tout ce qui paraît trop douteux ou suspect, et elle fait rechercher avec le plus grand soin les titres et les monuments originaux et authentiques, afin de suppri- · mer tout ce qu'un zèle mal entendu et une crédulité imprudente avaient fait adopter trop légèrement. Malgré ce travail fort opportun de revision, qui fauche ou émonde la végétation luxuriante de la légende, il reste encore beaucoup à faire, et cela d'autant plus que chaque jour voit éclore des légendes nouvelles qui sont loin d'être toutes également édifiantes et d'un goût littéraire irréprochable (voyez P. Parfait, l'Arsenal de la dévotion, Paris, 1877). On appelle légendaire, l'auteur des légendes ou des vies des saints. Le premier légendaire grec que l'on connaît est Siméon Métaphraste, qui vivait au dixième siècle, et le premier légendaire latin, Jacques de Voragine, qui mourut archevêque de Gènes, en 1298 (voyez ces mots).

LEGER (Saint). Léodegher ou Léger, que Rome a canonisé et dont les nombreuses églises placées sous son invocation en Bourgogne, en Alsace et dans les Flandres attestent la popularité, appartenait à l'une des familles les plus importantes de la noblesse française. Né vers 616, neveu de Dido, évêque de Poitiers, il fit ses études dans cette ville, y entra dans les ordres et acquit une grande réputation de sagesse et de piété. On peut ajouter avec l'histoire, qui le peint sous de tout autres couleurs que la légende, que son oncle, rattaché au parti des grands ou leudes par ses alliances et ses principes, l'initia de bonne heure aux intrigues politiques, dans lesquelles il devait jouer plus tard un rôle considérable. La reine Bathilde, tutrice du jeune Clothaire III, l'appela en 659 à la seconder dans l'administration du royaume et lui confia l'évêché d'Autun, dans lequel il rétablit la discipline, releva les monastères et se signala par sa charité. Mais c'est surtout comme chef de parti qu'il est connu dans l'histoire. Défenseur obstiné et convaincu des droits de l'aristocratie, il assura la chute du fameux maire du palais Ebroïn, qui cherchait vainement à rétablir avec le concours des hommes libres l'unité et l'autorité du pouvoir royal sur les ruines d'une cabale aristocratique, qu'il poursuivait avec une cruauté sans égale. En 676 Ebroïn avait élevé sur le pavois le jeune Thierry, troisième fils de Clovis II, sans consulter les nobles. Vaincu par une conspiration, que Léger avait ourdie, il dut à l'intercession de celui-ci d'avoir seulement la tête

rasée et d'être exilé au couvent de Luxeuil. Childéric, qui devait son pouvoir à Léger, ne put supporter son génie dominateur et les justes reproches que l'évêque lui adressait au sujet de son inconduite. Accusé de conspirer avec Hector, patrice de Marseille, Léger alla rejoindre à Luxeuil son vieil ennemi Ebroïn, avec lequel il se réconcilia. La mort de Childéric, assassiné en 674 dans la forêt de Bondi par quelques-uns de leurs affiliés, leur rendit la liberté. Pendant que Léger proclamait Thierry roi et Leudès maire du palais, Ebroïn, sans perdre de temps, tirait de l'obscurité un prétendu fils de Clothaire III, infligeait au parti de Léger une sanglante défaite à Pont-SaintMaxence et confiait à Waimer, comte de Troyes, la direction du siège d'Autun. Léger se rendit à discrétion pour épargner à sa ville épiscopale les horreurs de l'assaut. Rendu aveugle par ses bourreaux, il vit la pitié populaire le transformer en un martyr et créer sa légende de son vivant même. Ebroïn, implacable dans sa haine, le fit déposer par ses partisans réunis en synode à Paris et parmi lesquels figurent plusieurs saints de l'Eglise. En 678, l'évêque d'Autun, après de nouvelles mutilations, fut décapité dans une forêt, entre Cambrai et Arras. Nous possédons deux biographies considérables de saint Léger et un poème composé en son honneur par Walafrid Strabo. Sources: Acta Sanct. Ord. Bened., II, 679; sa Vie, dans la Collection des mém. de l'hist. de France de Guizot, II; Reuchlin, dans Herzog, R. Enc., VIII, 331; H. Martin, Hist. de France, II, Ampère, Hist. de la litt. fr. avant le douzième siècle, II, 384. A. PAUMIER.

LEGER (Antoine), pasteur dans les vallées vaudoises et à Constantinople, et plus tard professeur de théologie à Genève, naquit à Villesèche, dans le val Saint-Martin, en 1594. Après avoir fait à Genève et ailleurs de fortes études de langues et de théologie, il alla exercer le ministère évangélique dans sa patrie. Il laissa dans la cité de Calvin de vivants souvenirs de ses talents et de sa piété; aussi la compagnie pensa-t-elle à lui, quand l'ambassadeur auprès du Grand-Turc à Constantinople « pour Messieurs les Etats généraux des ProvincesUnies des Pays-Bas », le sieur C. Haga, demanda (en mai 1627) un chapelain qui, « avec les autres dons et capacitez, eust la cognoissance des langues nécessaires tant pour l'instruction de sa propre famille que des autres professans la religion réformée, Flamens, François, Italiens et autres conversans à Constantinople et ès environs, et aussi pour communiquer avec les conducteurs des Eglises chrétiennes orientales, désireux de communications avec les vrais chrétiens réformez occidentaux, et en somme pour s'employer à ce qui pourroit servir à l'advancement du règne de Dieu. » Antoine Léger fut désigné comme étant « le personnage qui avoit les dons requis pour satisfaire à une telle vocation ». Les pasteurs des vallées, après quelque hésitation, car ils avaient besoin de son ministère dans leur pays, consentirent à donner congé à leur collègue « par manière de prest » pour deux ans (1628). Mais dans cette nouvelle Eglise, dont il fut le premier ministre, Léger répondit si bien à la situation du moment et sa présence fut reconnue tellement indis

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