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moins, le soin de nommer les commissions, en choisissant un membre dans chaque bureau, etc.

Cette proposition fut discutée dans la séance du 22 février. M. de Beaumont trouvait des avantages à l'adoption de quelques unes de ses dispositions; mais il regardait celle qui fixait la majorité nécessaire pour voter les lois comme contraire à l'art. 18 de la Charte. M. Mestadier appuyait la prise en considération, sans toutefois adopter tous les changemens proposés. M. Reveillère portait une opposition décidée à des améliorations dont la réalité ne lui était pas démontrée. M. Hyde de Neuville approuvait que la Chambre nommât par un même scrutin les candidats à la présidence et à la vice-présidence; car il lui semblait que, d'après le mode qui s'est établi, la Chambre des députés pouvait imposer au monarque un président qui ne serait point l'homme de son choix; au lieu que si la vice-présidence revenait de droit aux députés présentés pour la présidence, il en résulterait la nécessité de nommer cinq candidats remplissant toutes les conditions nécessaires pour présider la Chambre, et le choix du souverain serait alors parfaitement libre.

Quoique la nomination des commissions par le président parût être un avantage pour les membres de l'opposition, le même orateur la croyait contraire à nos mœurs. A cet égard, d'ailleurs, il ne voyait pas d'intérêt à changer le règlement; car, selon lui, ce n'était pas dans la Chambre, ce n'était pas même dans les bureaux que se nommaient les commissions.

« Voulez-vous savoir, dit l'honorable député, comment tout se passe? car ici nous n'avons rien à taire; nous n'accusons, nous ne voulons blesser personne; nous ne faisons qu'établir des faits.

Il existe, Messiears, une réunion composée de bons et loyaux députés, qui votaient avec nous en 1815, et qui nous reviendraient bien vite si le panache blanc courait des dangers, s'ils savaient seulement, ce dont nous sommes convaincus, à quel point le faux système que l'on suit peut exposer notre pays, C'est dans cette réunion, Messieurs, réunion que préside un hôte fort estimable, qui depuis long-temps est armé, par l'habitude et la courtoisie, d'une sorte de dictature (les regards de l'assemblée se tournent vers le banc où siége M. Piet); c'est dans cette réunion, dis-je, que tout s'élabore, tout se règle, tout se décide; c'est là, Messieurs, qu'on met en quelque sorte la Chambre en tutelle: et voilà pourquoi nous ne sommes plus, pour ainsi dire, que les spectateurs de ses opérations. C'est aussi ce qui vous

explique, Messieurs, comment il arrive si souvent que nous voyons sortir de l'arne, dans nos bureaux, le nom d'un député qui, comme vous l'a fort bien fait observer M. de Beaumont, n'a pas même ouvert la bouche et pris part à la discussion.

Que faire, Messieurs? tout est dans l'ordre : la majorité fait partout la loi; il n'y a donc qu'à se soumettre, comme le font partout les minorités; seulement, il est utile de signaler l'abus; c'est le seul moyen qui nous reste peutêtre pour l'affaiblir. Au reste, Messieurs, consolons-nous : si nous sommes battus, nous ne sommes pas vaincus; les majorités moissonnent, mais d'ordinaire elles gaspilleat; les minorités glanent, mais elles conservent, mais elles font des provisions. Rappelons-nous, Messsieurs, que le Conservateur, ce dépositaire de toutes les doctrines monarchiques, a fini par passer de la minorité à la majorité. Nous sommes. quant au nombre, les plus faibles; tâchons d'être toujours en logique, en raison, les plus forts. La force de la raison est celle qui finit par triompher de tous.

En résumé M. Hyde de Neuville rendait justice aux sentimens de l'auteur de la proposition, mais il ne croyait pas que le temps. fût venu d'en tirer les avantages qu'il pouvait s'en promettre. Après ce discours, qui fit dans la Chambre des impressions bien différentes, la prise en considération fut rejetée à une forte majorité.

La seconde proposition, développée par M. Boucher le 6 mai en comité secret, rappelait celle faite dans une session précédente par M. Jankowitz : elle portait que tout député promu par le gouvernement à un emploi amovible, excepté dans les armées de terre et de mer, cesserait par le fait même de sa nomination de faire partie de la Chambre, mais qu'il pourrait être réélu... Les journaux de l'opposition ont nommé parmi les députés qui ont combattu cette proposition MM. Chifflet, de Boisclairaut, de Sesmaisons; et parmi ceux qui l'ont défendue MM. de Leyval, Jankowitz, Raudot, Réveillère, Benjamin-Constant, Hyde de Neuville. Ils ont prétendu que M. de Villèle, auteur d'une proposition analogue en 1815, s'était fortement opposé à l'adoption de celle-ci, et que la discussion engagée incidentellement sur l'influence que les ministres avaient exercée sur les dernières élections avait été fort animée. Nous n'en connaissons que le résultat : c'est que la proposition de M. Boucher ne fut pas prise en considération.

Une troisième paraissait se présenter avec plus de faveur à la délibération de la Chambre, celle de M. Duhamel ( 20 février )

dont l'objet spécial était de supprimer l'usage des discours écrits, autres que pour la présentation des lois, les rapports des commissions, les propositions spéciales..., etc.; elle fut prise en considération et renvoyée à une commission spéciale. Elle avait pour avantage d'abréger les discussions, d'épargner à la Chambre l'ennui des redites continuelles; mais il en résultait l'inconvénient d'écarter de la tribune tous ceux qui ne se sentaient pas doués du talent ou de l'assurance nécessaire pour improviser. M. Roger, rapporteur de la commission chargée d'examiner cette proposition, fit sentir la gravité de cet inconvénient (Rapport du 31 mars), et elle fut écartée (20 avril) après une courte discussion.

Dėja s'annonçaient diverses pétitions dont la présentation excita des débats plus ou moins animés, mais auxquelles nous reviendrons lors de la discussion des projets de lois qui les avaient provoquées, et qui furent presque toutes écartées par l'ordre du jour.

CHAMBRE DES PAIRS.

Un de ces projets que M. le garde des sceaux avait présentés le 10 février à la Chambre des pairs, avait pour objet la répression des contraventions, des délits et des crimes commis par des Français dans les échelles du Levant et de Barbarie. Il ne semblait pas devoir arrêter long-temps la noble Chambre, lorsque la proposition d'un amendement attira tout à coup les débats les plus intéressans et appela ou réveilla vivement sur ce sujet l'intérêt et le zèle des partis. L'épisode est ici plus piquant que la pièce.

« On sait que les Français jouissent dans les États du grand-seigneur de la prérogative précieuse de n'être point justiciables des tribunaux du pays; ce sont les consuls et vice-consuls de S. M. T. C. qui sont investis du droit d'exercer au nom du Roi les poursuites criminelles, et même en certains cas de juger. D'après l'édit de 1778, qui avait simplifié et réuni en une espèce de code les formas de la procédure établies par des ordonnances antérieures, la compétence en premier ressort, et seulement pour les affaires du petit criminel, était attribuée à des tribunaux consulaires composés de notables, présidés par le consul ou vice-consul, et déja investis du jugement des affaires civiles. Quant aux accusations criminelles proprement dites, elles étaient dévolues en première instance à l'amirauté de Marseille, et en dernier ressort au parlement de Provence. Mais de nouvelles juridictions, de nouvelles formes et de nouvelles lois pénales, ayant été substituées à celles qui existaient en 1778, il était de

venu nécessaire de tracer de nouvelles lois de compétence qui, en conservant le privilége précieux accordé par la sublime Porte aux sujets français, complétât un système de poursuite, d'instruction, de jugement et de pénalité qui peut satisfaire à tous les besoins.

«Tout en conservant aux consuls et aux vice-consuls la poursuite et l'instruction qui leur étaient attribuées par l'édit de 1778 en matière civile et de police correctionnelle, il devenait indispensable de substituer pour le jugement des affaires du grand criminel, une des Cours du royaume au parlement de Provence désignée par cet édit, et cette attribution ne pouvait être confiée qu'à la Cour d'Aix.

. Mais comment cette Cour userait-elle de ce nouveau pouvoir? Serait-elle chargée seulement d'appliquer les peines, ou de statuer à la fois sur le fait et sur le droit? En d'autres termes, les Français prévenus de crimes commis dans les Échelles seraient-ils jugés en France par des jurés? ou la Cour royale devrait-elle, dans ces sortes d'affaires, cumuler les fonctions du jury avec celles des juges?

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« Sur ce point, le Gouvernement du Roi avait pensé que le jugement par jurés devenait absolument impraticable. Il est de principe en effet que le débat oral est le seul élément dans lequel un jury puisse trouver sa conviction; et comment faire venir en France, et devant une Cour d'assises, des témoins français qui ne pourront se déplacer, des témoins étrangers qui ne le voudront pas, et contre lesquels il n'y aurait aucun moyen de coaction? Il fallait donc renoncer au débat oral, et, si on ne voulait abandonner les sujets francais à la merci des tribunaux du pays, il y avait nécessité de suppléer à ce débat par des procédures écrites. Or, l'examen d'une procédure écrite était essentiellement du ressort des magistrats, et ne pouvait appartenir aux jurés.

Ainsi, dans le système du projet de loi proposé, les procédures criminelles, d'abord instruites par le consul et soumises au tribunal consulaire, qui remplit les fonctions de chambre du conseil, devraient être adressées à la Cour d'Aix, où elles subiraient un second examen par la chambre d'accusation. Enfin, si la mise en accusation était ordonnée, elles devraient être renvoyées aux deux autres chambres réunies de la même cour, qui statueraient sur le vu des pièces et sans assistance de jurés... >

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Te! était en substance l'exposé des motifs développés par M. le garde des sceaux lorsqu'il présenta, à la Chambre des pairs, ce projet de loi composé de trente-deux articles, divisés en six titres qui règlent la forme de l'instruction, du jugement, des contraventions et délits, de la mise en accusation, du jugement, des crimes, et de la pénalité suivant les lois françaises, etc.

Le commission spéciale chargée de l'examiner reconnut sans hésiter la nécessité de conserver l'importante prérogative accordée aux Français voyageant ou domiciliés dans les Échelles du Levant et de Barbarie, de ne pouvoir être jugés en matière civile et criminelle que par la loi française et par des tribunaux français; comme aussi de maintenir la compétence des tribunaux consulaires dans l'applica

tion des lois nouvelles en matière civile et correctionnelle: aussi dans le rapport fait en son nom, le 7 mars, par M. le marquis d'Orvilliers, elle ne proposait que de légères modifications à l'organisation des tribunaux consulaires et aux formes de la procédure. Quant au jugement des crimes, elle avait jugé, en adoptant le mode de la traduction des prévenus devant la Cour royale d'Aix, qu'il était important, pour conserver la dignité et l'utilité de la légation française à Constantinople, que l'ambassadeur français fût toujours informé du résultat des procédures consulaires, et qu'il fût adressé au ministre des affaires étrangères un extrait des procédures envoyées par les consuls au procureur-général d'Aix. La commission proposait en conséquence un paragraphe additionnel à l'art. 29.

(11 mars.) Aucun orateur ne s'étant fait inscrire pour combattre le projet, et le ministère paraissant disposé à faire les changemens ou l'addition désirée par la commission, la discussion qui s'ouvrit le 11 mars ne paraissait pas devoir être longue. Mais M. le comte de Saint-Priest, et ensuite M. le duc de Rivière, qui avaient demandé à faire des observations sur l'ensemble du projet, excitèrent vivement l'attention de la noble Chambre. Ce premier désirait que l'on modifiât quelques dispositions des articles relatifs à la juridic'tion consulaire; l'un et l'autre s'étonnaient de ce qu'on semblait soustraire les consuls des Échelles du Levant à l'autorité et même à l'influence de l'ambassadeur de S. M. à Constantinople. Ils regardaient le silence gardé à son égard comme contraire à l'ordre de la hiérarchie, nuisible au bien du service, et pouvant compromettre auprès de la Porte ottomane l'existence d'une prérogative précieuse, si elle n'était plus défendue que par des consuls isolés les uns des autres, et dont l'influence ne pourrait être la même que celle de l'ambassadeur. On reviendra tout-à-l'heure à ces difficultés qui parurent d'un grand poids de la part de deux nobles pairs qui lui apportaient, l'un le fruit de son expérience personnelle dans l'ambassade de Constantinople( M. le duc de Rivière), l'autre le dépôt héréditaire des traditions diplomatiques recueillies pendant la plus longue et la plus glorieuse ambassade en Orient dont on eût conservé le souvenir (M. de Saint-Priest). M. le garde des sceaux avait déja répondu

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