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La bulle et l'édit firent grande sensation dans l'état de Rome et dans tout le monde catholique. Suivant les uns, ils avaient été motivés par des renseignemens secrets, reçus dans l'instruction de la procédure de Ravenne, par une espèce de révolte des étudians de Bologne et par les progrès que continuait à faire la secte des carbonari. Suivant d'autres, ces mesures, désapprouvées par une partie des cardinaux, étaient dictées par une influence étrangère, pour légitimer l'occupation militaire du royaume de Naples, et perpétuer le système d'oppression qui pesait sur l'Italie, et entretenir des inquiétudes alarmantes dans les esprits des princes, même dans les pays soumis au régime représentatif.

En même temps que des édits si rigoureux étaient publiés en son nom, S. S. faisait publier à Ravenne une ordonnance qui diminuait des trois quarts le temps de la détention d'environ 300 personnes impliquées dans la conjuration des provinces de Ravenne, Cesena et Forli, et ceux d'entre eux qui étaient condamnés à moins de quatre ans étaient mis en liberté. Cependant des troubles sérieux continuèrent à agiter ces provinces, et le cardinal-légat Rivarolà faillit y être assassiné d'un coup de pistolet qui atteignit et blessa mortellement un chanoine qui se trouvait à côté du légat. S. S. ne voulant pas l'exposer à de nouveaux actes de vengeance, envoya dans la province une commission extraordinaire. On fit des arrestations, on promit des récompenses considérables (10,000 piastres) a quiconque découvrirait les assassins du cardinal; mais malgré les récompenses promises aux dénonciateurs, toutes les recherches et les enquêtes faites à cet égard ont été infructueuses.

Il y aurait de longs détails à donner sur les réformes et les économies opérées cette année dans l'administration pontificale, mais elle n'intéressent guère que le pays. L'opinion générale a donné plus d'attention à un acte du Gouvernement qui reconstitue deux terres considérables situées dans la Romagne en fiefs perpétuels, avec juridiction civile et criminelle et droit d'asile : l'une, la terre de Conca, en faveur du tribunal du saint-office; l'autre, le Ca nemorto, donnée au chapitre de Saint-Pierre du Vatican. Ce rétablissement du droit d'asile, supprimé depuis l'occupation fran

caise, a été reçu à la grande satisfaction du peuple et au grand déplaisir des libéraux, qui regardaient cette décision comme devant amener les résultats les plus désavantageux.

Nous avons parlé l'année dernière des heureux effets de l'intervention de la France auprès des puissances barbaresques, en faveur du commerce des sujets de S. S.; mais il paraît que ces résultats n'ont pas été de longue durée; les déprédations et les courses ont recommencé cette année de manière à donner lieu à de nouvelles représentations, et il n'est guère de puissances dont le commerce n'ait plus ou moins souffert de ces outrages faits au droit des gens et à la civilisation chrétienne par une poignée de pirates musul

maus.

DEUX-SICILES.

La santé du roi, qui a souffert de plusieurs attaques de goutte, a donné dans les premiers mois de cette année de vives inquiétudes à ses peuples.

Le 9 avril les troupes autrichiennes qui restaient en Sicile au nombre d'environ 6,000 hommes sous les ordres du lieutenantgénéral comte Lilienberg ont été embarquées sur 50 bâtimens de transport une partie, destinée pour Trieste et Venise, était es-` corté par la frégate autrichienne l'Hébé; et l'autre, destinée pour Naples, a débarqué heureusement le même jour dans cette ville. Les troupes nationales destinées à remplacer les Autrichiens et à former la garnison de Palerme y étaient arrivées au nombre de 9,000 hommes du continent ou de divers points de l'île. L'évacuation des Autrichiens s'est opérée dans le plus grand ordre, à la suite d'une revue militaire brillante, au bruit des salves de l'ar=tillerie des forts et des bâtimens, et même, dit-on, au regret des habitans, quoique le séjour de ces troupes eût été fort onéreux à la Sicile; mais leur excellente discipline leur avait concilié l'affection de leurs hôtes.

On s'étonne qu'au moment où commençait à s'exécuter la convention de Milan (28 mai 1825), et où la tranquillité paraissait bien affermie dans les Deux-Siciles, il ait été rendu à Portici, le 24 mai,

une ordonnance qui institue deux juntes d'état, l'une à Naples, l'autre à Palerme; et dans toutes les provinces des commissions militaires chargées les unes et les autres de pourvoir, suivant la nature et la gravité du délit, à la proinpte et impartiale expédition des affaires concernant les prévenus de trames et de conspiration contre la sûreté de l'état.

Parmi les nombreuses dispositions de cet édit, qui doit être en vigueur jusqu'à la fin de l'année 1828, en voici qui méritent d'être citées :

<«< Seront justiciables des commissions militaires toutes les personnes qui, atteintes par les dispositions pénales ou par celles relatives aux associations secrètes, seront surprises soit en flagrant délit, soit sur le point de le commettre, se trouveront, soit pour le temps, soit pour le lieu, dans le voisinage du crime avec des armes, des instrumens, des billets de passe, des emblèmes, ou tous autres objets, d'où résulterait la présomption qu'ils en sont les auteurs ou les complices.

>> Les condamnations prononcées par les commissions administratives seront, avant d'être exécutées, soumises à la décision royale.

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Dans tous les cas, il sera procédé, tant par les commissions militaires que par les commissions royales, par forme sommaire, en ne s'attachant qu'à la seule vérité des faits, conformément aux instructions annexées à l'ordonnance et revêtue de l'approbation de S. M., pour servir de jurisprudence et de règle.

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Les commissions et les juntes furent mises en activité; mais, soit qu'elles n'eussent été instituées que par mesure comminatoire, soit qu'elles opérassent avec trop de lenteur et de foiblesse, soit que le nombre des malintentionnés ou conspirateurs fùt beaucoup moins considérable qu'on ne l'avait cru, le gouvernement napolitain crut devoir stimuler l'énergie et l'activité des autorités par une circulaire du 18 septembre, où l'on trouve ce paragraphe :

S. M., déterminée par cette considération, a déclaré, dans son conseild'état de ce jour, que sa volonté souveraine était que toutes les autorités, lorsqu'elles ne veulent point s'attirer une responsabilité personnelle pour l'inexécution positive de leurs devoirs, doivent déployer la plus grande énergie, vigilance et fermeté de caractère, de manière que, sans crainte de se compromettre personnellement et sans perplexité aucune, les prescriptions de la loi soient appliquées contre quiconque oserait, directement ou indirectement, montrer une tendance contre le trône; que, dans la conduite publique et privée, les mêmes autorités doivent ouvertement distinguer les sujets religieux, de bonnes mœurs, fidèles, manifestement dévoués au trône, de ceux qui persistent dans les opinions pernicieuses; qu'elles doivent protéger avec amour les

premiers, les préférer pour toutes les charges et être bienveillantes envers eux, de manière à manifester au public la faveur entière du Gouvernement à leur avantage; qu'elles doivent constamment empêcher que les factieux aient la moindre influence dans leurs communes on ailleurs, et que là où seraient en charge des hommes persistant dans leurs mauvais desseins, elles en doivent sur-le-champ proposer la destitution. Eunemis des autels, du trône, d'euxmèmes et du bien commun, ces malheureux cesseront de faire partie de la grande masse des sujets fidèles et aimés de S. M., et le Roi vent qu'ils soient considérés et regardés comme indignes de ses graces.

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Suivant quelques gazettes du parti libéral, ces ordonnances ou circulaires, commandées ou provoquées par une influence étrangère, comme la bulle pontificale sur les associations secrètes, avaient pour objet de représenter l'Italie comme toujours agitée par l'esprit révolutionnaire et réclamant une protection puissante, c'est-à-dire la continuation de l'occupation autrichienne. Il paraît qu'il y eut en effet quelques mouvemens dans les provinces, quelques désertions dans l'armée, quelques correspondances de carbonaris saisies; mais ce n'est pas sur un petit nombre d'accidens particuliers qu'on doit juger de la situation générale d'un

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Un fait mieux constaté que l'esprit et les complots révolutionnaires, c'est le mauvais état des finances, qui fit reconnaître la nécessité d'établir de nouvelles contributions à dater de 1827, et d'augmenter une partie des anciennes, surtout la contribution personnelle et quelques droits sur les objets de luxe, dont on attendait un produit nouveau de 400,000 ducats. Au moyen de toutes ces ressources réunies, on se flattait de rétablir l'équilibre entre les recettes et les dépenses. D'un autre côté, le roi venant au secours des propriétaires et de l'agriculture, a ordonné (décret du 16 décembre) que l'impôt extraordinaire de subveution affecté sur les propriétés pour les logemens militaires devrait cesser à partir du 1er novembre; ce qui semble atténuer les craintes répandues sur l'esprit révolutionnaire du pays et sur la prolongation du séjour des troupes autrichiennes au delà du terme assigné par la convention du 28 avril 1825.

CHAPITRE VII.

État des partis. - Installation du conseil-d'état. - Opposition qui se forme.Entreprise des frères Bazan. - Exécution des chefs et de leurs complices.Troubles à Madrid et sur divers points de l'Espagne. — Actes de l'administration et de la justice. - Effet de la nouvelle de l'établissement d'une Constitution au Portugal. — Précautions prises en Espagne. — Démission du dac de l'Infantado. Déclaration du roi. · Circulaire du conseil de Castille.

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Désertion de Portugais en Espagne et d'Espagnols en Portugal. — Difficultés et notes diplomatiques. Formation d'une armée d'observation sur

les frontières du Portugal.

ESPAGNE.

La chute de M. Zea-Bermudez, et son remplacement par M. le duc de l'Infantado, avaient cansé en Espagne une sensation prodigieuse et un bouleversement général. La nation commençait à jouir de la tranquillité qu'elle ne connaissait plus depuis vingt ans. Ces funestes distinctions de blancs, de noirs et de gris (1) semblaient se perdre, et la haine des partis s'était sensiblement affaiblie. Les ménagemens apportés dans la pratique des épurations, le remplacement de quelques hommes de bien antérieurement employés comme gouverneurs de province ou magistrats supérieurs, les efforts faits pour contenir les volontaires royalistes, rallier les esprits, éteindre les dissensions, pacifier les peuples, réparer les malheurs de la révolution et de la réaction, rétablir l'ordre dans l'administration et dans les finances, faisaient concevoir les espérances les mieux fondées, et produisaient déja d'heureux effets, lorsque s'opéra cette révolution ministérielle dont l'Espagne a été ébranlée et l'Europe surprise. M. le duc de l'Infantado, qui prenait la direction des affaires, homme d'un caractère doux, mais faible, était incapable non-seulement d'exciter des troubles et des réac

(1) C'est ainsi que se désignent les royalistes, les constitutionnels et les modérés.

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