Images de page
PDF
ePub

fait imprimer, que les objections faites contre la rédaction du projet roulaient sur l'émancipation de Saint-Domingue, sur la neutralité de la France dans la guerre des Grecs, sur nos rapports politiques avec l'Espagne, et sur les projets de loi annoncés dans la séance royale. Nous passons à regret sur ces discours, dont l'analyse n'offrirait, séparément des réponses qui leur ont été faites, qu'une idée infidèle de cette discussion. Mais ces graves questious ne tarderont pas à se reproduire, et les séances publiques manifesteront au grand jour les vérités que le comité secret nous a dérobées.

L'adresse, adoptée le 10, fut présentée dans la même soirée au Roi, dont la réponse semblait repousser le vœu émis par la Chambre d'ajouter pour le moment aux dispositions des lois repressives des abus de la presse...

Croyez, Messieurs, dit S. M., que je sais apprécier vos sentimens, et que je veille, comme je vous l'ai dit, à tous vos intérêts. Ayez en moi cette confiance, j'ose le dire, que j'ai en vous. Si je pensais que quelque inconvénient, que quelque malheur public pût nous menacer, soyez persuadés, Messieurs, que je m'adresserais à vous avec confiance pour en obtenir tous les moyens d'arrêter ce qui pourrait être contraire au maintien de notre repos. Mais, en attendant, soyez sûrs que j'ai l'œil toujours ouvert sur tout ce qui se passe, et que si je ne vous demande rien, c'est que je sens en moi assez de forces pour pouvoir réprimer ceux qui s'opposent au bonheur public. Commencez vos travaux avec cette confiance de l'homme de bien qui ne veut que le bonheur de son pays, et croyez que ce sera avec satisfaction que je vous verrai approfondir les lois qui vous seront proposées, et qui toutes doivent concourir, du moins dans mon espérance, à assurer la prospérité de mes peuples. »

(10, II 14 février.) Dès que les deux Chambres eurent porté ce tribut de leurs sentimens et de leurs hommages au pied du trône, les ministres de S. M. leur présentèrent divers projets de loi élaborés dans l'intervalle des deux sessions. Nous les rapporterons dans l'ordre où ils furent discutés, autant que nous pourrons le faire sans confusion.

CHAPITRE II.

- Dis

Arrêt de la Cour des pairs dans l'affaire des marchés de Bayonne. Tradnetion à la barre de la Chambre des députés et condamnation de l'éditeur du Journal du Commerce. Propositions faites à la même Chambre. cussion à celle des pairs du projet de loi pour la répression des crimes et delits de piraterie et de baraterie dans les mers du Levant.-Pétitions.

PENDANT qu'on s'occupait dans le secret des bureaux et des commissions de l'examen préparatoire des divers projets de lois déja présentés aux deux Chambres, elles eurent à délibérer sur des affaires ou propositions particulières dont l'histoire doit recueillir les détails les plus importans.

La première, portée devant la Chambre des pairs, constituée en Cour des pairs, était celle vulgairement appelée marches Ouvrard où de Bayonne. Il faut se rappeler à cet égard le texte de l'arrêt de la Cour royale de Paris, du 19 décembre dernier (voyez Ann. hist. pour 1825, page 261 de l'Appendice), laquelle, « considérant que de l'instruction faite par la Cour, il résultait qu'il était important d'examiner et d'approfondir par les voies judiciaires des faits qui concernaient les lieutenans-généraux Guilleminot et Bordesoulle, pairs de France, » se déclarait incompétente pour faire cet examen; et attendu que ces faits ayant une évidente connexité avec ceux imputés à d'autres individus justiciables de la Cour, il y avait lieu de joindre le tout, elle ordonnait qu'à la diligence da procureur-général du roi les pièces et la procédure seraient renvoyées devant qui de droit, etc. » C'est sur cette déclaration d'incompétence que la cause avait été portée devant la Cour des pairs (Ordonnance du 21 décembre), à laquelle M. le procureur-général près la Cour royale de Paris (M. Bellart) présenta son réquisitoire dans son audience du 15 février.

Après une délibération dont les détails sont restés secrets, la Cour des pairs a rendu un arrêt portant:

[ocr errors]

Que par M. le chancelier de France, président de la Cour, et par tels de de MM. les pairs qu'il lui plaira de commettre pour l'assister et pour le remplacer, s'il y a lien, en cas d'empêchement, il sera procédé à l'examen de la procédure instruite contre les dénommés en la plainte du procureur du roi près le tribunal du département de la Seine; comme aussi à la recherche de tous documeus, à l'audition de tels témoins qui leur paraitraient nécessaires pour l'entier éclaircissement des faits on déclarations qui pourraient se rapporter à des pairs de France; pour, ledit examen et ladite instruction supplémentaires terminés, être, sur le tout, fait rapport à la Cour, et être par elle stalué, le procureur-général du roi entendu, ainsi qu'il appartiendra, tant sur la compétence qu'au fond, s'il y a lieu.

On reviendra sur cette affaire, dont l'instruction s'est prolongée long-temps après la clôture de la session.

De toutes les propositions faites à la Chambre des députés dans cette session, nulle ne fit plus de sensation que celle présentée par M. le comte de Salaberry, das la séance du 20 février: proposition tendant à faire mander à la barre l'éditeur du Journal du Commerce, en vertu de l'art. 15 du titre n de la loi du 25 mars 1822.

Il est des hommes qui ont outragé nos droits, disait l'honorable député; qui ont insulté la caractère des députés, et ainsi la dignité d'un des trois pouvoirs de l'état. Membre de la Chambre élective, j'appelle sur ces hommes toute la sevérité de la loi; je l'appelle non pour ce qu'ils oseront en votre présence, mais pour ce qu'ils ont osé dans l'intervalle de la session qui a fini et de celle qui commence...

Un journaliste a osé dire (Journal du Commerce, dans sa feuille du 7 décembre 1825) en parlant de la Chambre des députés : Le corps dont le public devait attendre une protection spéciale, quoique armé d'immenses pouvoirs, ne s'en est servi qu'au profit d'intérêts personnels, qui malheureusement se sont trouvés en concurrence avec les intérêts du pays. Cela seni eût rendu ce corps inhabile à remplir ses fonctions légales, si sa composition et les accusations dont il est chaque jour l'objet n'affaiblissaient singulièrement le crédit dont il aurait besoin pour accomplir sa mission. Dans son état actuel il n'est plus guère qu'un embarras pour le ministère et pour la nation.

«< La même feuille a dit, le 11 décembre, de la Chambre des députés : Qu'il n'était pas étonnant qu'elle soit considérée comme un corps protecteur par les gens de cour et les serviteurs de l'administration. .

et que l'organisatior, la composition et les actes de la Chambre semblent en faire le tuteur na rel des courtisans et des commis. >>

[ocr errors]

Et pour qu'il soit mieux compris que l'outrage s'adresse non pas à nous individus, mais à nous collectivement, un des trois pouvoirs de l'État, le journaliste a soin de terminer en disant : « Quand nous parlous de la Chambre, comme corps politique, nous n'avons pas l'intention de manquer à ses membres comme citoyens.

Je m'arrête, dit en terminant M. le comte de Salaberry, j'en aurais beaucoup plus à dire; mais j'en ai dit assez pour vous convaincre qu'il y a nécessité, justice et dignité à punir les offenses qui vous sont propres, à sévir eu ce qui vous concerne contre la licence de la pensée écrite, seule licence qui existe

en France; seule licence qui ose se montrer armée; mais licence qui, à elle seule, engendrerait toutes les autres.

« Je demande, en vertu de l'art. 15 du titre 11 de la loi du 25 mai, que l'éditeur responsable de la feuille périodique dite Journal du Commerce, passible de l'art, 2 du titre 1o de la même loi, soit cité devant vous, et qu'il lui soit appliqué le maximum de la peine (1). »

La proposition étant appuyée, M. de Lézardière se leva pour la combattre. Il lui répugnait de croire que la dignité de la Chambre put être compromise par quelques phrases d'un journal, et il rappela qu'une affaire de ce genre avait été déférée, il y a quelques années, à la Chambre haute (affaire du Drapeau blanc), et que tout ce qui résulta de l'enquête fut un faible châtiment infligé au journaliste; que ce châtiment fut bien loin de remplir le but qu'on s'était proposé, et que ce résultat lui-même fut beaucoup plus attentatoire à la dignité de la Chambre que n'avait pu l'être l'article incriminé, qui semblait tracer à la Chambre des députés la ligne de conduite qu'elle avait à tenir, et lui apprendre « à regarder de haut des articles venant d'aussi bas, » ou, en d'autres termes, rejeter la proposition.

[ocr errors]
[ocr errors]

Telle n'était point l'opinion de M. de Blangy, qui, en la soutenant, déplorait qu'on eût « à gémir tous les jours sur ce débordement de principes faux et destructeurs de tout ordre social, et semblait invoquer l'exemple de ces gouvernemens jaloux de leur existence politique et morale, en proscrivant de leurs états ces feuilles quotidiennes qui ne pouvaient qu'y porter le désordre, en soulevant toutes les passions et en mettant le mensonge à la place de la vérité. »

Ainsi, on était déja entré dans le fond de la question, lorsque M. Benjamin Constant fit observer à la Chambre que, d'après le règlement, toute espèce de proposition faite par un membre devait être examinée dans les bureaux et développée le lendemain en séance publique; qu'il importait à sa dignité de ne pas montrer de précipitation à venger ses injures, quoique cet article du règle

(1) L'article 11 de la loi du 17 mai 1819 prononce en ce cas un emprisonnement d'un mois à trois ans, et une amende de 100 francs à 5000 francs.

ment, au jugement de plusieurs membres et du président de lat Chambre lui-même, ne parût pas applicable à la circonstance: toutes les opinions se réunirent pour que la discussion fut ajournée au lendemain.

Une autre difficulté s'éleva sur la demande faite par M. Hyde de Neuville, que l'article du Journal du Commerce, sur lequel l'accusation était fondée, fut imprimé en totalité et distribué aux membres de la Chambre; d'autres orateurs s'y opposaient, attendu le caractère injurieux de ces articles. Mais enfin, sur les observations de plusieurs orateurs, qu'on ne pouvait établir aucune mise en accusation que sur les pièces du procès, que sur l'ensemble et la totalité des articles incriminés, la Chambre y consentit encore.

(21 février.) M. Méchin, inserit le premier contre la proposition, convenait d'abord qu'il n'était point de corps dans l'État qui dût être plus jaloux de sa considération que la Chambre élective.

« C'est un bien personnel et commun tout à la fois, que nous avons à conserver et à défendre, dit l'honorable membre c'est plus encore; c'est la condition sans laquelle on pourrait dire avec justice, en se servant même des expressions inculpées, que la Chambre est un embarras pour la nation. La pureté de l'élection et la fidélité dans l'expression des pensées et des vices du pays, voilà la double base de notre considération, et par conséquent de notre puissance...

Fille an moins, dans le sens légal, de l'opinion, la Chambre qui lui doit tout peut-elle se soustraire à sa juridiction? Et lorsque la peine, multipliant la pensée, répandra quelques observations plus ou moins sévères ou malveillantes sur son origine et ses actes, la Chambre devra-t-elle croire sa considération compromise et sa puissance menacée? Lorsque des phrases irrefléchies échapperont aux écrivains qui chaque jour livrent au public leurs réflexions, la Chambre alarmée devra-t-elle suspendre ses travaux, ranimer les passions et mander les écrivains à sa barre ? Croîtrons-nous par ce moyen en considération et en influence?

« Vous ne le pensez pas, Messieurs, et la résolution qui conduirait un écrivain dans les prisons n'ajouterait rien à votre gloire, ni à l'estime puhliqne, dont avec raison vous vous montrez avides. »

Ici l'honorable orateur s'étonnait de ce que l'accusation fût tombée inopinément sur un article vieux de trois mois, et qui, s'il avait été lu par quelques députés, n'aurait fait sur eux qu'une impression bien fugitive.

[ocr errors]

Mais, Messieurs, le secret de cette affaire nous est révélé : c'est un épisode d'an grand système et d'un plan combiné, d'un plan qui se manifeste,

« PrécédentContinuer »