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de boucs, & de chèvres, dità son compagnon: Voyez qu'elle eft douce! Voilà quelle étoit la douceur de l'humble Fefus au milieu des Scribes & des Pharifiens. Erune autrefois voyant un petit Agneau mangé par un pourceau, il dit en pleurant: Ha que cela me repréfente bien la mort de mon Sauveur !

Cet homme illuftre de nôtre temps François Borgia Duc de Gandie, tournoit ainfi toutes les idées de la chaffe en pieuses réfléxions : J'admirois,difoitil aprés fa retraite de la Cour, la docilité des Faucons qui reviennent fur le poing, & qui fe laiffent couvrir les yeux & attacher à la perche; & je m'étonnois de l'indocilité aveugle des hommes, qui font toûjours rebelles à la voix de Dien.

Saint Bafile dit que la Rofe environnée de fes épines, fait cette belle instruction aux hommes Ce qui eft de plus agréable en ce monde, a Hommes mortels, y eft mêlé de trifteffe: Vous n'y avez pas de biens purs, & par tout univerfellement quelque mal eft attaché au bien; le repentir au plaifir, la viduité an mariage, le travail & le foin à la fertilité, la crainte de la chute à l'élévation de la gloire, & le chagrin de la dépense aux honneurs le dégouft aux

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délices, & la maladie à la fanté. Il est vray, ajoûte ce faint Pére, c'est une charmante fleur que la Rofe: Mais an moment que fa vûë me réjouit, elle m'afflige en me faifant reffouvenir du péché, pour lequel la terre a efté condamnée à porter des épines.

Une perfonne dévote regardant avec plaifir un fuiffeau éclairé de la lune, & y ayant apperçu tout le ciel dépeint avec les étoilles comme dans un miroir, fit éclater fon cœur en ce fenti ment de joye: O mon Dieu, toutes ces étoilles feront tres réellement fous mes pieds, quand vous m'aurez reçû dans vos faints tabernacles. Une autre dit en confidérant le cours rapide d'une riviére vers la mer: Mon ame fera toû jours ainfi dans le mouvement, & n'aura jamais de repos, qu'elle ne foit abimée dans la Divinité d'où elle a tiré fon origine.

Sainte Françoife confidérant un agréable ruiffeau, fur le bord duquel elle s'eftoit mife à genoux pour faire fa prière; fut ravie en extafe, & prononça plufieurs fois ces paroles: C'eft ainsi qu'avec beaucoup de fuavité la grace de mon Dien coule doucement en mon cœur.

Une Perfonne que je ne vous nomme point, admirant dans un jardin tous les arbres en fleur, s'écria: Ah! Faut-il que je fois la feule qui ne porte point de fleurs dans le délicieux jardin de l'Eglife? Une autre voyant de petits pouffins ramaffez fous leur mére, dit: 0 Seigneur, confervez-nous fous l'ombre de vos ailes. Une autre dit en régardant un Tourne-fol: Quand fera-ce, ô mon Dieu, que mon ame fuivra les attraits de votre bonté ? Et regardant ces petites fleurs qu'on appelle Penfées, affez belles à la vûë, mais fans odeur: Hélas dit-elle ! Telles font mes pensées; belles à dire, & bonnes à rien. Voilà, Philothée, la méthode de tourner en bonnes penfées & en faintes afpirations, toutes les idées qui fe préfentent à nous parmi la grande variété des objets de cette vie mortelle. Malheureux ceux qui par leurs péchez donnent aux créatures, un ufage contraire à l'intention de leur Créateur! Bienheureux ceux qui cherchent dans les créatures la gloire du Créateur; & qui font fervir ce qu'elles ont de vanité, à glorifier la Vérité! Pour moy, dit faint Grégoire de Nazianze, je fuis accoйsumé à rapporter toutes chofes au profit

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fpirituel de mon ame. Je vous confeille encore de lire l'épitaphe de fainte Paule compofé par faint Hiérôme : Vous prendrez plaifir à y remarquer toutes les afpirations dont l'ufage luy étoit fi familier en toutes fortes de rencon

tres.

Mais obfervez-bien, que , que la grande pratique de la dévotion confifte en cet exercice de la retraite fpirituelle du cœur, & des oraifons jaculatoires: Il eft d'une fi merveilleufe utilité, qu'il peut fuppléer au défaut de toutes les maniéres de prier; & qu'au contraire fi on les néglige, l'on ne peut pas pref que trouver un bon moyen d'en répa rer la perte Sans cet exercice l'on. n'eft pas capable des devoirs de la vie contemplative, & l'on ne peut que s'acquiter fort mal de ceux de la vie active: Le repos ne feroit qu'oifiveté & l'action ne feroit qu'un embarras & une diffipation. C'eft pourquoi je vous conjure d'entrer dans cette pratique de tout vôtre cœur, & de ne la quitter jamais.

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CHAPITRE XIV.

De la trés-fainte Messe, & de la maniére de la bien entendre.

I.

Ja

E ne vous ay point encore parlé du trés-faint Sacrifice & Sacrement de l'autel, qui eft entre les exercices de la Religion, ce que le Soleil eft entre les aftres:Car il eft véritablement l'ame de la piété,& le centre de la Religion chrétienne, auquel tous fes mytéres, & toutes fes loix fe rapportent : C'est le mystére ineffable de la divine charité, par lequel Jefus-Chrift fe donnant réellement à nous, nous comble de fes graces d'une maniére également aimable & magnifique.

2. La priére faite en union de ce divin facrifice, en reçoit une merveilleufe force: De forte Philothée, que l'ame qui y eft remplie des graces de Dieu, des fuavitez de fon efprit, & de la force de Jefus-Chrift, fe trouve dans l'état que I Ecriture nous exprime, en difant que la fainte Epoufe des cantiques étoit appuyée fur fon bien-aimé, comblée de délices, & femblable à une colomne de fumée, que le feu

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